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Le droit à l’erreur, le secret des équipes qui performent

Avoir le droit à l’erreur, oser exprimer ses opinions, se sentir libre d’être soi… La sécurité psychologique est fondamentale dans les organisations. C’est même le facteur n°1 de performance. Mais de quoi s’agit-il vraiment ? Et comment la mettre en place ?


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La sécurité psychologique, mère de toutes les vertus ? C’est le grand chef Google qui l’a dit. En 2012, le géant entame le projet Oxygène afin de déceler les secrets des équipes qui performent. En découlent les premiers travaux sur les soft skills, la posture du manager coach (et tout un tas de choses dont on a parlé dix ans plus tard dans l’Hexagone). Sauf que l’équation n’est pas complète. Alors Google va plus loin avec le projet Aristote sous la houlette de Julia Rodovsky, ancienne consultante, chercheuse à Harvard et nouvelle analyste au sein des Ressources Humaines de Google.

Le projet est gargantuesque : 2 ans d’études, plus de 180 interviews menées et un résultat clef : sans sécurité psychologique, point de performance ! Donner du sens, de l’impact, de la structure et de la clarté, oui, c’est important, mais pas suffisant si l’on n’a pas les bonnes fondations. C’est aussi ce qu’explique Amy Edmondson dans son ouvrage “L’entreprise sereine, La sécurité psychologique, levier d’une organisation performante, apprenante et innovante” (Pearson France).

Le droit à l’erreur, le meilleur des atouts ?

La sécurité psychologique, c’est “un climat dans lequel on s’exprime et on est soi-même sans difficulté; plus précisément, les gens qui bénéficient de la sécurité psychologique parlent aisément de leurs soucis et de leurs erreurs, sans crainte… ils se sentent assurés de pouvoir s’exprimer sans être humiliés, ignorés ou blâmés”, nous explique Sylvie Chauvin, psychologue référente pour moka.care, acteur de la santé mentale en entreprise, qui a fait de la sécurité psychologique son programme d’accompagnement phare.

Pour Léna Basile, DRH à temps partagé et coach certifiée en intelligence émotionnelle, la sécurité psychologique permet à chacun de “ressentir une forme de liberté de pouvoir réfléchir, verbaliser et agir en sécurité, c’est-à-dire sans avoir peur d’être remis en question dans sa position, son job, sa situation”. C’est aussi éprouver un alignement tête, cœur, corps, autrement dit, avoir le sentiment que son intellect, ses convictions, émotions, actions et comportements sont sur une même ligne.

Mais par quoi se matérialise cette sécurité psychologique ? Durant ses travaux de recherche, Amy Edmondson a mis en avant l’une des composantes phares de la sécurité psychologique qui n’est autre que le droit à l’erreur. C’est en étudiant plus en profondeur un hôpital de Boston qu’elle s’est rendu compte que l’équipe qui était la mieux notée au sens managérial du terme était aussi celle qui rapportait le plus d’erreurs. Cela semble paradoxal (mais ça ne l’est pas du tout) : en faisant des réunions d’analyse des erreurs, l’équipe apprenait de ses échecs et baissait globalement le taux de mortalité (c’est quand même mieux que de mettre les cadavres sous le tapis).

🗣 “Si tu commets une erreur dans ton équipe, sera-t-elle retenue contre toi ?” Un bon moyen pour mesurer le niveau de sécurité psychologique d’une équipe est de commencer par poser cette question à l’oral : “Si tu commets une erreur dans ton équipe, sera-t-elle retenue contre toi ?” C’est une des  premières questions posées par moka.care dans le cadre de son programme autour de la sécurité psychologique.Si les gens sont prêts à se dispatcher à droite ou à gauche de la salle selon leur réponse, c’est que la sécurité est déjà installée, pointe Sylvie Chauvin.

Moins de peur = plus de performance = plus de cash

Se sentir en sécurité psychologique ne sert pas uniquement à se sentir bien (même si ça semble déjà pas mal…), mais à performer davantage. “Oser dire ce que l’on pense favorise l’innovation. On a d’autant plus besoin de sécurité psychologique qu’on veut faire émerger de la créativité au sein de ses équipes. Et puis, en osant dire qu’on s’est trompé, on apprend de ses erreurs pour mieux les dépasser”, souligne Sylvie Chauvin. En bout de ligne, les entreprises sont gagnantes puisque l’étude Google nous dit que les équipes en sécurité psychologique génèrent plus de revenus que les autres.

En tant que DRH, Léna Basile analyse la sécurité psychologique sous le prisme de l’engagement collaborateur. “Si l’on veut travailler les leviers d’attractivité et fidélisation, c’est fondamental. Cela permet de garder les meilleurs éléments et donc d’aller vers plus de performance et donc de rentabilité”, souligne-t-elle.

La sécurité psychologique est aussi clef pour développer la confiance en soi… et tout simplement, être soi. Il existe des liens très clairs entre la sécurité psychologique et les politiques d’ouverture et d’inclusion. Par exemple, sur une population LGBT+, le niveau de bien-être mental sera en lien étroit avec celui de sécurité psychologique. Être en sécurité psychologique, c’est également oser faire montre de sa vulnérabilité. “La sécurité psychologique offre cette possibilité d’être authentique, et donc d’apporter à l’entreprise cette fameuse diversité dont elle a tant besoin”, poursuit Léna Basile.

Bon, maintenant, on se retrousse les manches

C’est bien joli la théorie, mais comment fait-on pour augmenter le niveau de sécurité psychologique de ses salariés ?

#1 - Faire la peau à la peur

Dans les “Fearless Organizations” (”entreprises sans peur” en VF), point de place… pour la peur. Pour Léna Basile, cela passe par l’instauration d’une confiance réciproque qui induit de facto la transparence. Pour ce faire, elle recommande l’instauration de dispositifs de neutralité, de zones de confidentialité, pour libérer les échanges sans risques d’impact négatif. “On peut mettre sur pied des lieux ressource pour les collaborateurs à travers des sessions de codéveloppement, des cercles de parole, des cellules psychologiques. Je crois aussi que la sécurité psychologique passe par la sécurité de l’emploi et la possibilité de pouvoir se projeter à long terme dans son entreprise, et donc de pouvoir développer de nouvelles compétences”, souligne Léna Basile.

Pour Sylvie Chauvin, il est également intéressant de rapprocher la sécurité psychologique de la notion d’attachement sécure et insécure (qui est certes liée à des facteurs personnels, mais peut être infléchie par ce qui se passe dans la vie professionnelle). “Je suis convaincue qu’en développant la sécurité psychologique, on favorise aussi un attachement sécure avec ses collègues. Il peut donc être très intéressant de se questionner sur ces sujets pour renforcer sa confiance en soi et en l’autre”, affirme-t-elle. À titre d’exemple, les consultations psychologiques que les entreprises déploient pour leurs collaborateurs renforcent ce sentiment de sécurité.

#2 - Oser parler de ses échecs

Le droit à l’erreur impose de se positionner dans une dynamique d’amélioration continue. “Chez moka.care, nous avons des groupes d’analyse de pratique ou des pratiques de co-développement dans lesquels il ne s’agit pas de pointer du doigt une personne, mais d’essayer de comprendre ce qui n’a pas fonctionné pour éviter que cela se reproduise. C’est quelque chose que l’on effectue à une échelle très locale dans l’entreprise”, illustre Sylvie Chauvin.

Pour Léna Basile, le droit à l’erreur passe par des dispositifs d'accompagnement et de développement des compétences plutôt que de mettre le doigt sur les choses négatives. C’est aussi tout l’intérêt de se former au feedback ! “Aux Etats-Unis, les travailleurs sont plus familiers de cette balance : pour 1 feedback négatif, il en faudra 10 positifs, sinon le cerveau va uniquement se centrer sur le négatif. Mais en France, on a encore du mal avec cela, pointe-t-elle.

En somme, c’est la posture du manager coach plutôt que celle du manager qui sanctionne. Pour autant, d’après Sylvie Chauvin, il ne s’agit pas d’être dans une posture de bienveillance molle. Au contraire : les règles sont bien définies en amont et quand celles-ci sont violées (exemple : des propos sexistes ou discriminatoires), sanction il y a ! Cela nécessite donc un parfait travail du cadre au préalable.

#3 - Montrer l’exemple

Pour que cela fonctionne, il faut bien entendu que les managers et dirigeants montrent l’exemple. Cela passe par leur capacité à déstigmatiser l’échec notamment. “En guise de rôle modèle, j’aime beaucoup la campagne de L’Oréal avec Eva Longoria et son “Worth It Resume” qui démontre qu’elle a malgré tout réussi à faire une grande carrière malgré ses échecs. L’Oréal a fait de la sécurité psychologique l’un des piliers de sa stratégie RH”, illustre Sylvie Chauvin.

Les managers doivent aussi prendre garde au vocabulaire employé lorsqu’ils parlent d’échec, mais également savoir les remercier pour créer davantage de sécurité psychologique. De plus, ils peuvent susciter la participation en réunion. “J’ai eu le cas d’un dirigeant qui laissait une chaise vide sur laquelle il invitait les collaborateurs à venir s’asseoir pour exprimer leurs désaccords. Et comme personne n’osait le faire en premier, il se lançait”, poursuit la psychologue référente pour moka.care.

#4 - Redonner du pouvoir d’agir

Enfin, que faire si l’on est un collaborateur et que l’on fait face à un management ombrageux qui nous laisse démuni, et nous donne l’impression d’être empêché dans notre pouvoir d’agir ? “Et bien j’invite alors le collaborateur à se souvenir qu’il peut se créer un espace de sécurité avec ses collègues, pourquoi pas dans d’autres services même”, affirme Sylvie Chauvin, qui croit beaucoup en la dynamique du don et contre don (comme quand une personne tient la porte à la sortie du métro et entraîne dans son sillage les suivants).

Une bonne manière d’agir pour créer sa propre sécurité psychologique !

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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