Qu’est-ce que le modèle de Tuckman ?
Et s’il était possible de comprendre le lien qui existe entre la façon dont interagissent les membres d’un groupe, et la performance […]
Et s’il était possible de comprendre le lien qui existe entre la façon dont interagissent les membres d’un groupe, et la performance de celui-ci ? Si l’on pouvait, en tant que manager, mieux appréhender le fonctionnement des équipes de travail ? C’est en tout cas ce que propose le modèle de Tuckman, composé de 5 étapes.
Aucun manager ne le niera : il est important de bien comprendre les dynamiques d’équipes pour pouvoir influer sur leur bien-être, leur sentiment de cohésion, mais aussi leur productivité. Comment ce modèle peut-il y aider ? C’est parti.
Histoire et contexte du modèle de Tuckman
Le parcours de Bruce Tuckman
Bruce Tuckman est un professeur de psychologie américain né en 1938. Après avoir étudié la psychologie sociale à Princeton, il analyse en 1965 une cinquantaine d’études relatives à la théorie des équipes, ce qui lui permettra d’identifier les 5 stades de développement d’une équipe.
C’est le fameux modèle de Tuckman.
L’élaboration du modèle
En 1965, Tuckman élabore son modèle à partir d’une méta-analyse de 50 études sur le développement des groupes. Celle-ci lui permet de définir quatre étapes distinctes dans la vie d’une équipe :
- Forming (Formation),
- Storming (Confrontation),
- Norming (Normalisation),
- Performing (Performance).
En 1977, dans un article intitulé "Stages of Small Group Development Revisited", Bruce Tuckman ajoute une cinquième étape à son modèle : Adjourning (Séparation/Dissolution).
Les objectifs et les apports du modèle de Tuckman
Le modèle de Tuckman vise à appréhender les différentes étapes du développement et de la cohésion d’un groupe. Appliqué au monde de l’entreprise, il permet de comprendre le comportement des salariés au sein des équipes qu’ils forment et la manière dont ils interagissent entre eux. Les managers peuvent alors en retirer les bénéfices suivants : l’anticipation des défis constitués par chaque étape pour mieux les surmonter, et l’amélioration de la performance des équipes.
Ainsi, par l’identification du degré de développement d’une équipe (c’est-à-dire, à quel stade elle se trouve), il est possible de mettre en place des solutions adaptées : formation, processus de renforcement des liens, amélioration de la communication, restructuration, etc.
Le mécanisme et les étapes du modèle de Tuckman
Nous l’avons vu, le modèle de Tuckman comprend cinq étapes de développement. Mais à quoi correspondent-elles ?
Forming (Formation)
C’est la première étape de développement d’une équipe. Celle-ci est alors en pleine constitution, ce qui nécessite une base solide sur laquelle s’appuyer. Les membres de l’équipe ne se connaissent pas encore et doivent prendre leurs marques.
Cette étape se caractérise par la prudence, la politesse, et la dépendance au manager. Ses enjeux sont importants : les membres de l’équipe doivent apprendre à se connaître, à définir leurs objectifs, mais aussi à établir les règles de fonctionnement du groupe.
Dans ce cadre, le leader de l’équipe doit donner une orientation claire, à la manière d’un chef d’orchestre.
Storming (Confrontation)
La deuxième étape concerne l’apparition de conflits. Par exemple : des problèmes de communication. Les membres du groupe ont appris à se connaître, mais pas nécessairement à bien fonctionner ensemble. Ils peuvent également manquer de recul sur les situations auxquelles ils font face, et chercher leur place dans la réalisation des projets de l’équipe.
Cette étape se caractérise par la confrontation, la remise en question, le conflit. Elle est marquée par des enjeux forts : confronter les idées de chacun, clarifier les rôles, résoudre les différends.
Le rôle du manager va être de poser un cadre, de donner des directives à chacun des membres du groupe, mais aussi de gérer les personnalités difficiles.
Norming (Normalisation)
A cette étape, les membres de l‘équipe ont intégré leur rôle et celui des autres. Ils comprennent les modes de fonctionnement de chacun et atteignent un certain niveau de performance et de dynamisme. C’est le moment où s’installe un sentiment d’appartenance. On peut parler de phase de “rodage”.
Cette étape se caractérise par la cohésion, le soutien mutuel, l’intelligence collective. Il reste à bien définir les méthodes de travail, à améliorer la coopération et à renforcer la confiance. Le rôle du manager est donc de responsabiliser les membres de l’équipe, de les encourager et de favoriser la communication entre eux.
Performing (Performance)
Désormais, les membres de l’équipe se connaissent et savent sur qui ils peuvent compter. Ils osent exprimer leur avis et se sentent libres de développer leurs compétences.
Un esprit d’équipe et un sentiment d’appartenance sont nés, ce qui améliore la productivité et l’autonomie de chacun.
Tout l’enjeu est donc de pérenniser cette dynamique de groupe, en gardant en tête que rien n’est acquis.
Cette étape se caractérise par l’autonomie, l’entraide, la créativité, la souplesse. Il revient au manager de célébrer les succès de l’équipe, et de s’assurer que celle-ci continue à fonctionner de manière optimale.
Adjourning (Séparation)
C’est le moment où l’équipe fait face à des changements : départ d’un ou plusieurs membres, restructuration… Les membres doivent prendre un nouveau départ, ce qui ne va pas sans heurts. La motivation et la performance de l’équipe peuvent s’en trouver impactées.
Cette étape se caractérise par la fierté et la satisfaction, mais aussi par la tristesse et l’anxiété. Il faut donc évaluer les résultats, tirer les leçons des phases précédentes, et gérer la séparation. Le rôle du manager est de faciliter cette transition, notamment en accompagnant les membres de l’équipe et en assurant une communication fluide.
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Les limites et critiques du modèle de Tuckman
Comme tout modèle, le modèle de Tuckman demeure théorique et n’a pas vocation à représenter une vérité absolue. Dès lors, on peut soulever certaines limites :
Un modèle théorique et prescriptif
Le modèle de Tuckman est issu de l'analyse d'études en laboratoire sur des petits groupes. Il n’est donc pas forcément transposable à toutes les équipes en entreprise, d’autant que s’ajoute un biais culturel évident (le modèle est basé sur des normes culturelles occidentales).
Le risque est aussi de vouloir correspondre au modèle et à ses différentes étapes, plutôt que d’observer la réalité… laquelle peut parfois prendre des libertés avec la théorie !
Des étapes pas toujours séquentielles
Le modèle se base sur une hypothèse de progression linéaire, qui ne correspond pas toujours à la réalité des équipes. Celles-ci peuvent en effet revenir à des étapes antérieures, ce qui est le reflet de leur nature complexe et cyclique. Par ailleurs, certains facteurs externes peuvent venir influencer les équipes (ex : un changement de périmètre dans un projet), ce que le modèle ne prend pas en compte.
Un modèle incomplet qui ne tient pas compte de tout
Le modèle de Tuckman s’intéresse à la dynamique du groupe, ce qui exclut les contributions individuelles et la motivation personnelle de chacun des membres. Il reste par ailleurs focalisé sur l'évolution interne du groupe, et pas sur les résultats que celui-ci produit.
Enfin, les facteurs relatifs à la taille et à la composition de l’équipe n’entrent pas en compte, ce qui constitue une limite évidente.
D'autres modèles existent
Le modèle de Tuckman est un modèle intéressant, mais il n’a pas vocation à balayer l’ensemble du spectre du développement et de la cohésion des équipes. Il est donc possible, voire recommandé, de l’enrichir avec des alternatives théoriques. A cet égard, on peut citer :
- **Le modèle TEAM** de Morgan, Salas et Glickman pour le développement de groupe (similaire à celui de Tuckman, à ceci près qu’il compte neuf étapes),
- **Le modèle de Katzenbach et Smith** sur la courbe de performance d'équipe,
- L’approche systémique de Hackman sur les facteurs clés de l'efficacité collective (au nombre de trois : une direction claire, une structure solide et un contexte adéquat).
Quelles sont les applications concrètes du modèle de Tuckman en management et motivation des équipes ?
Lorsque le succès d’un projet dépend de la cohésion des équipes, il est important de s’assurer que celles-ci fonctionnent de manière optimale. Dans un contexte professionnel, comment tirer profit du modèle de Tuckman ? Quelles sont ses applications possibles ?
Mieux comprendre et anticiper les étapes
Si les cinq étapes du modèle de Tuckman ne sont pas une réalité absolue pour toutes les équipes, elles fournissent néanmoins une structure théorique à laquelle se référer. Ainsi, savoir que les tensions de l'étape Storming sont normales et temporaires peut aider à traverser une phase de conflits plus sereinement. De même, être capable de repérer les signaux de passage à l’étape de Normalisation permet d'ajuster son management et d’identifier le bon moment pour donner plus d’autonomie à son équipe.
Adapter son style de management
Les cinq étapes du modèle fournissent un cadre, un guide pour les managers en charge d’une équipe. Ces derniers sont ainsi invités à se montrer directifs dans les débuts de la formation de l’équipe (Forming), puis à être plus souples et à déléguer plus de tâches au fil du temps.
La phase de conflits (Storming) invite quant à elle à intervenir pour éviter tout enlisement, tandis que la phase de Normalisation pousse à responsabiliser et à faire confiance lorsque l’équipe se structure. Par la suite, la phase de Performance doit inciter les managers à laisser leurs équipes autonomes, tout en restant disponibles.
Utiliser le modèle comme outil de diagnostic
Le modèle de Tuckman fournit une grille qui permet d'observer son équipe et de situer son niveau d'évolution. A quelle étape se situe-t-elle ? Comment l’aider à passer au niveau “supérieur” ? Comment, en tant que manager, doit-on adapter son comportement pour obtenir une performance optimale de son équipe ?
Le modèle permet également d’identifier les éventuels points de blocage, ainsi que les leviers de progression. On peut le partager avec les membres de son équipe, pour leur offrir la possibilité de s'auto-diagnostiquer et d'adapter leurs propres comportements en conséquence.
Ne pas recourir au modèle de façon rigide
Le modèle est un outil qu’il convient d’utiliser de manière souple. Il est donc nécessaire de l’adapter au contexte professionnel et au type d’équipe (est-elle grande, petite, s’agit-il d’une équipe projet, les membres sont-ils à distance les uns des autres ou se voient-ils tous les jours, etc). On peut également l’associer à des grilles de lecture complémentaires, pour enrichir son analyse.
Enfin, attention au caractère prescriptif de ce modèle : s’il est positif de s’en inspirer pour identifier des éléments de compréhension et trouver des solutions, il est vain de chercher à y coller parfaitement. Nous l’avons vu, les cinq étapes du modèle de Tuckman sont des théories, et ne reflètent pas nécessairement la réalité vécue par chaque équipe. C’est donc au management d’en retirer les éléments dont il peut bénéficier.
Le modèle de Tuckman, en résumé
Grâce à ses cinq étapes distinctes, le modèle de Tuckman fournit des éléments de compréhension du développement et de l’évolution d’un groupe. Forming, Storming, Norming, Performing et Adjourning : telles sont les cinq étapes définies par Tuckman, auxquelles on peut se référer pour mieux comprendre la dynamique d’une équipe, et améliorer l’efficacité et la productivité de celle-ci.
Néanmoins, ce modèle n’est pas sans limites. On se méfiera ainsi de son caractère rigide et incomplet, et du fait qu’il ne prend pas en compte les contributions et dynamiques individuelles. Il en résulte qu’il est important de l’utiliser de façon éclairée, en gardant en tête qu’il s’agit d’une théorie et non d’une vérité absolue.
Ceci étant posé, le modèle de Tuckman peut fournir un point de départ utile pour tout manager d’équipe. Il témoigne de l’importance d’adapter son mode de management à la maturité de l’équipe, et de prendre en compte les phases de développement qui rythment la vie d’un groupe. Au-delà de la théorie, c’est une leçon qu’il convient de retenir.