Bien-être et motivation : découvrir la théorie du flow
Comment trouver l’épanouissement au travail ? Cette épineuse question amène une multitude de réponses. La théorie du flow, qui connaît aujourd’hui un […]
Comment trouver l’épanouissement au travail ? Cette épineuse question amène une multitude de réponses. La théorie du flow, qui connaît aujourd’hui un regain de popularité, pourrait bien être l’une des clés de compréhension de cette problématique.
Le flow, qu’est-ce que c’est ? Il s’agit tout simplement d’un état de concentration extrême, dans lequel on est entièrement absorbé par sa tâche. Théorisée par le psychologue Mihaly Csikszentmihalyi, cette théorie peut être appliquée dans de nombreux domaines, et notamment dans le monde du travail.
Origines, mécanismes de fonctionnement, exemples et applications pratiques, on vous dit tout ce qu’il faut savoir sur la théorie du flow.
Les origines de la théorie du flow
Le flow (mot anglais qui peut se traduire par flux) désigne un état mental dans lequel un individu est immergé dans une activité, et entièrement concentré sur celle-ci. Pour décrire cette expérience, on parle aussi d’expérience optimale, ou encore du fait d’être dans la zone.
C’est Mihaly Csikszentmihalyi, un psychologue hongrois, qui l’a théorisé dans les années 1970. Selon lui, le flow est un état de motivation intense et optimal, dans lequel les émotions sont au service de l’apprentissage et de la performance. Il est caractérisé par un sentiment de joie et de satisfaction extrêmes.
Le flow associe une forte motivation à une concentration maximale. Il mobilise les émotions et les compétences des individus, que ce soit pour apprendre ou pour agir de manière performante. Or, d’après la psychologie positive, les expériences optimales sont l’une des clés d’accès au bien-être et au bonheur.
Csikszentmihalyi a élaboré ce concept en observant des individus pleinement impliqués dans leurs activités. Interviewés, ces derniers décrivaient leur expérience comme “être portés par le courant d’une rivière”. Dans le flow, l’attention est concentrée sur une tâche unique, à tel point que la conscience du temps et de soi disparaît.
Pour Csikszentmihalyi, la satisfaction que procure le flow est si forte que les individus sont prêts à s’y lancer même lorsque les situations sont difficiles ou dangereuses.
Les sportifs et les artistes connaissent bien l’état de flow, car ils le ressentent fréquemment dans leur activité : pendant l’effort physique et la poursuite d’un objectif concret, pendant le processus créatif, etc.
Mécanismes et caractéristiques de l'état de flow
Csikszentmihalyi identifie plusieurs caractéristiques de l’état de flow. Celles-ci sont :
- Une concentration intense sur le moment présent et l’action en cours ;
- Une fusion entre la conscience et l’action, c’est-à-dire une disparition de la distance sujet-objet ;
- Une disparition du sentiment de conscience de soi ;
- Une sensation de contrôle sur l’activité exercée et plus largement sur son environnement ;
- Une distorsion, voire une disparition de la perception du temps ;
- Une absence de stress et d’ennui, ainsi qu’une sensation de satisfaction et de bien-être intense (on parle d’activité autotélique, c’est-à-dire qui n’a pour d’autre but qu’elle-même et la satisfaction qu’elle procure).
La psychologue américaine Kendra Cherry mentionne trois autres composantes qui caractérisent l’état de flow :
- La rétroaction immédiate (les réussites et les difficultés ressenties au cours du processus sont ressenties immédiatement, ce qui permet d’ajuster son comportement) ;
- Le sentiment de réussite ;
- Une intensité telle que tous les autres besoins semblent négligeables en comparaison.
Voyons maintenant cela plus en détail.
L’absorption cognitive et émotionnelle
Lorsqu’on est dans le flow, on est totalement concentré sur l’activité en cours. L’action entreprise et la conscience de soi fusionnent, ce qui engendre une perte de la conscience de soi comme entité séparée. Pour mieux comprendre, on peut se figurer une activité particulièrement exigeante, qui nécessite de mobiliser toute son attention et ses compétences : par exemple, l’apprentissage d’un morceau de piano. Dans ce cas, l’attention est entièrement dirigée vers le morceau à apprendre : seules les touches du piano semblent exister, tout le reste étant effacé par la conscience.
La perception altérée du temps et de l'effort
Le flow entraîne également une distorsion de la perception du temps, et donc de la durée de l’activité en cours. Qui n’a jamais eu l’impression, plongé dans une activité particulièrement intense et exigeante, que celle-ci n’avait duré que dix minutes alors même qu’elle avait duré plusieurs heures ? Autre conséquence à noter : la diminution de la sensation d’effort, malgré l’intensité de l’activité.
L’expérience autotélique et les récompenses intrinsèques
On l’a vu, une expérience est autotélique lorsqu’elle ne poursuit aucun autre but que la satisfaction qu’elle engendre. Elle est gratifiante en elle-même, indépendamment de tout résultat.
Pour Csikszentmihalyi, le flow est une expérience qui procure une récompense intrinsèque. Lorsqu'ils la ressentent dans une situation, les individus vont donc avoir à coeur de la reproduire
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Quelles sont les conditions nécessaires pour atteindre le flow ?
Pour Csikszentmihalyi, plusieurs conditions doivent être réunies pour permettre l'apparition du flow :
1. Un équilibre optimal entre compétences et défis
Entrer dans le flow nécessite de trouver le juste équilibre entre défis (challenges) et compétences, c’est-à-dire que l’activité doit avoir suffisamment d'enjeux pour susciter l’intérêt, tout en requérant des aptitudes particulières. Pour le dire plus simplement, le niveau de difficulté doit être adapté aux capacités de l’individu.
Ainsi, une tâche trop facile ne permettra pas d’éviter l’ennui, tandis qu’une tâche trop ardue pourra générer de l’anxiété et/ou des doutes quant à la possibilité de réussir.
2. La clarté des objectifs et la rétroaction immédiate
Pour engendrer de la satisfaction, les objectifs poursuivis doivent être précis et atteignables à court terme. Par exemple : le visionnage d’un film, la fabrication d’un objet, la poursuite d’une partie d’échecs… Si l’objectif est conséquent, les étapes qui y mènent doivent être découpées et délimitées dans le temps.
Quant à la rétroaction immédiate, il s’agit des résultats obtenus pendant l’activité. On peut aussi parler de feedback, qui permet d’ajuster le comportement / la performance en temps réel.
3. La concentration sans distractions et la motivation intrinsèque
L’environnement doit être propice à une attention soutenue : le bruit, le dérangement, les distractions sont évidemment à proscrire. Mais ce n’est pas tout. Le flow ne peut pas être atteint sans motivation intrinsèque : ainsi, il doit exister chez l’individu un désir de réaliser l’activité pour elle-même (et pour la satisfaction qu’il en retire), sans que celle-ci ne soit rattachée à une quelconque récompense.
L'exemple du jeu vidéo et les travaux de Jenova Chen
Le jeu vidéo est une activité éminemment propice au flow. En effet, il réunit toutes les conditions pour engendrer cet état particulier :
- Un objectif clair, qui permet de rester focalisé sur une tâche ;
- Une difficulté suffisamment élevée pour constituer un défi, tout en étant accessible ;
- Une progression adaptative ;
- Un retour immédiat, la réussite étant symbolisée par un gain, une médaille, l’accès au niveau supérieur, etc.
Mais aussi : une immersion dans un univers spécifique, marquée par une succession de défis stimulants. Tout est fait pour que l’ensemble de nos sens soient mobilisés, ce qui permet d’oublier le “monde réel” (on en revient à la disparition du sentiment de conscience de soi, que nous évoquions plus haut).
Les recherches de Jenova Chen sur le game design et le flow
Le game designer Jenova Chen est l’auteur d’une thèse sur la dynamique émotionnelle des joueurs, Flow in Games, qui permet de mieux comprendre le mécanisme du flow à l'œuvre chez les individus qui jouent aux jeux vidéo.
Il a également créé le (bien-nommé) jeu FlOw, qui consiste à diriger un organisme aquatique dans une biosphère. Le joueur doit consommer d'autres organismes pour faire évoluer sa créature et lui permettre de descendre dans les abysses. A l’origine, ce jeu a été mis au point par l’auteur pour étayer sa thèse, basée sur la théorie du flow telle que conceptualisée par Mihalyi Csikszentmihalyi.
Il propose ainsi une méthodologie de conception des jeux vidéo consistant à ajuster la difficulté de manière dynamique, afin de favoriser l’état de flow et de rendre le jeu addictif, et ce quel que soit le niveau d'expérience du joueur.
Autre jeu développé par Jenova Chen et basé sur la même méthodologie : Journey, une plongée dans un environnement immersif dans lequel un personnage traverse différents paysages (déserts, montagnes…) jusqu’à atteindre une cime. Ce récit initiatique immerge le joueur dans un univers onirique, qui fait la part belle à la coopération et aux émotions.
Quelles sont les applications pratiques de la théorie du flow ?
Que ce soit sur un plan personnel ou professionnel, réussir à atteindre l’état de flow est un véritable atout.
En atteignant le flow, le sentiment de travailler et/ou de fournir des efforts est aboli. L’état de concentration optimal dans lequel l’individu est plongé lui permet d’être efficace et d’ignorer les perturbations de son environnement extérieur. Pendant tout le processus, mais aussi à son terme, un sentiment de bien-être et de satisfaction perdure. On peut donc en retirer deux avantages principaux :
- Une performance accrue ;
- Un sentiment de plénitude, qui s’accompagne d’une sensation de dépasser les limites de son propre ego.
Le flow dans le monde professionnel
Au travail, l’état de flow peut contribuer à rendre notre quotidien plus agréable : en améliorant nos performances, d’une part, et en renforçant notre satisfaction, d'autre part. En effet, se sentir intrinsèquement motivé par ses tâches (au-delà de ce qu’elles peuvent nous apporter, comme la reconnaissance d’autrui ou une augmentation salariale) et connaître le plaisir d’être totalement absorbé dans une activité permet d’augmenter son sentiment de bien-être au travail.
Mais pour cela, l’environnement dans lequel on évolue doit être propice, c’est-à-dire qu’il doit favoriser l'engagement et la créativité. Un cadre de travail contraignant, où l’autonomie est peu encouragée, sera évidemment bien moins adapté au flow qu’un cadre de travail basé sur la souplesse et la confiance.
Par ailleurs, les tâches à accomplir doivent aussi être propices au flow. Si notre travail ne nous satisfait pas, peut-être est-il temps d’en changer, ou bien de recourir à la technique du job crafting (n.b : intégrer lien de l’article dédié).
A défaut, on peut s’aider en se fixant des objectifs clairs (pour se concentrer, le cerveau a besoin de chercher à atteindre un résultat spécifique), en éliminant les distractions, ou même en recourant à certains stimuli (écouter de la musique, par exemple).
Le flow dans les domaines de l'éducation et de la formation
La théorie du flow a une importance particulière dans les domaines relatifs à l’apprentissage. En effet, elle peut encourager les élèves à apprendre de manière plus ludique et plus profonde, et ainsi acquérir des connaissances de manière durable. Pour cela, quelques pistes peuvent être explorées :
- Le feedback régulier, qui permet d'identifier et de comprendre ses progrès ;
- L’utilisation de pédagogies actives et ludiques pour renforcer la motivation des apprenants ;
- Les parcours d’apprentissage personnalisés ;
- L’adaptation des parcours d’apprentissage aux compétences des apprenants, le flow se produisant lorsque le niveau de difficulté d’une tâche est en adéquation avec le niveau de compétence d’un individu.
Le flow dans les activités sportives, artistiques et de loisir
Si le flow est si bien connu par les sportifs et les artistes, c’est qu’il est relativement facile à atteindre dans le cadre d’une activité de sport ou de loisir. Toutes les conditions sont en effet réunies : objectif spécifique à atteindre, entraînements multiples qui permettent de “muscler” ses compétences, pratiques stimulant le dépassement de soi, plaisir engendré par une activité vue comme une source d'épanouissement…
Heureusement, nul besoin d'être un grand artiste ou un sportif de haut niveau pour atteindre l’état de flow. Ce dernier peut être atteint dans la vie de tous les jours, dès lors qu’on pratique une activité qui nous procure du bien-être et/ou de la satisfaction : peinture, jardinage, lecture, course à pied, travaux manuels… La liste est longue. Il suffit, en réalité, de trouver l’activité qui nous fait vibrer.
Théorie du flow : que faut-il retenir ?
Le flow comme expérience optimale de concentration n’est pas réservé à une poignée de privilégiés : il est en réalité accessible à tous, que ce soit dans un cadre personnel ou professionnel.
Pour le cultiver, il est cependant important de réunir les bonnes conditions : des objectifs clairs et précis, un environnement sans distractions, la poursuite d’une activité satisfaisante, et dont le niveau de difficulté est adapté à ses compétences pour éviter tout découragement.
Au-delà d’un moyen de mieux “performer”, le flow doit être avant tout envisagé pour ce qu’il est, c’est-à-dire un moyen d’accéder à un plus grand niveau de bien-être et de réalisation de soi. Beau programme, non ?