Le bore-out : Qu’est-ce que ça veut vraiment dire “s’ennuyer au taff ?”
Avouons-le : parfois on s’ennuie au travail. Et ça peut-être bien plus grave qu’on ne le croit. Un médecin nous raconte pourquoi et comment s’en sortir.
On a tous déjà vécu une journée au travail où on a trouvé le temps un peu long. On peut le dire : parfois on se fait chier au boulot. Mais quand ça devient récurrent, c’est qu’il y a un problème. On appelle ça le bore-out ou l’ennui au travail. Et s’ennuyer, ça peut faire beaucoup plus de mal qu’on ne le pense. Du coup, on a été consulté un médecin pour mieux comprendre ce qu’il se passe et comment s’en sortir, que l’on soit salarié ou manager…
Combien de Français s’ennuient au travail ? De nombreuses études, sondages, enquêtes circulent sans jamais vraiment tomber d’accord. Alors quel est le bon chiffre ? “Le bon chiffre c’est autour de 30%, mais c’est déjà énorme” alerte tout de suite François Baumann, docteur et spécialiste de la question de l’ennui au travail.
Qu’est-ce que ça veut dire s’ennuyer au taff ?
“Le bore-out, c’est l’exact opposé du burn-out” résume-t-il. “C’est l’antithèse, mais avec le même mal : l’épuisement. Soit parce qu’on travaille trop, soit parce qu’on ne travaille pas”. Car aussi étrange que cela puisse paraitre, oui, ne rien faire, peut-être épuisant. Mentalement surtout.
“Les symptômes sont les mêmes que pour le burn-out, on parle de dépression. Le psychisme se traduit ainsi dans le corps (maux de tête, maux de ventre, insomnie, etc). Ce qui change c’est la cause, mais ça aboutit aux mêmes symptômes”.
En France, on a encore du mal à comprendre tous ces anglicismes. On fait souvent l’amalgame entre fatigue, flemme et paresse. “Les anglo-saxons l’ont plus finement analysé que nous en mettant des noms comme bore-out (ennui), burn-out (surmenage), brown-out (perte de sens). Nous, on appelle ça de la fatigue, de l’ennui, ce qu’on veut. Eux ont qualifié la symptomatologie dépressive avec un mot : ce qui aide à comprendre”. Et donc à le rendre plus visible et crédible.
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Comment savoir si on est en bore-out ou pas ?
Ça se trouve en écrivant cet article je suis moi-même en bore-out ? “Vous avez peu de chances de l’être dans votre métier”, m’arrête le doc tout de suite. Ok, il y aurait donc des professions plus boring que d’autres ? “Oui, les bullshit jobs. Ceux où l’on n'a pas d’implication personnelle, pas d’initiative personnelle, on passe son temps à obéir aux ordres. L’absence d’initiative tue, on ne peut pas passer toute sa vie comme ça”.
Avec l’avènement des réseaux sociaux, de l’ère de la notification constante, n’est-ce pas aussi une question de générations ? Non, apparemment. Les “bore-outeurs” se situent entre 30 et 40 ans, un moment de vie et de carrière plus propice à ces questionnements. “Ils ont déjà commencé à travailler et peuvent être déçus”, détaille l’auteur de “Le bore-out, quand l’ennui au travail rend malade”.
Qui est responsable : le salarié ou l’employeur ?
”C’est un mélange de tout. Mais c’est quand même l’individu qui est responsable”, affirme le médecin. Il doit être capable de variété dans ses choix. Prenons l’exemple des enfants à l’école maternelle. On leur fait faire plein de petites choses. Les gens pensent que ça ne sert à rien, mais si ! Varier les plaisirs et les centres d’intérêt permet de tenir le coup, parce qu’on change justement”.
Mais que faut-il faire alors ? Le salarié n’a pas à lui tout seul la solution. “Il y a une prise de conscience dans le travail, par les managers. Il y a eu le management ludique où on essayait de distraire les gens en faisant du baby foot ou du ping-pong, mais ce ne sont pas des solutions, ce sont des pauvres solutions”. Désolé amis start-uppers, ça ne suffit pas. “Les vraies solutions, elles sont dans le travail, donner des raisons aux gens d’être heureux dans leur boulot”
Mais comment être heureux si on s’ennuie ? Comme souvent, la réponse passe par le dialogue. “Il faut favoriser le débat, la prise de parole. Il faut essayer de comprendre ce qu’il se passe : pourquoi il s’ennuie ? Il y a des gens qui ne s’intéressent à rien, mais c’est rare. La responsabilité est partagée”, rétropédale légèrement François Baumann.
On adore dire qu’on est “sous l’eau”
Ce qui est certain, c’est que l’ennui donne un sentiment de honte. Alors que le surmenage est presque sexy. Enfin, ça c’était avant. Les courbes tendent à s’inverser, mais le cliché reste tenace. “C’est plus noble d’être submergé d’activités que de n’avoir rien à faire. C’est suspect de n’avoir rien à faire. On confond souvent la paresse et le bore-out, alors que ça n’a rien à voir. Et puis le bore-out n’est pas pris au sérieux”.
Pourtant, le bore-out, par sa mise au placard notamment, peut être considéré comme du harcèlement moral, voire une maladie professionnelle. Et ce mal-être peut même venir empoisonner le perso. ”Bien sûr, vous emmerdez tout le monde, à commencer par votre conjoint.t si vous en avez un.e., ou vos amis. C’est très insupportable pour les autres. La méthode pour en sortir, c’est la thérapie par la parole, le talking cure”.
Finalement, c’est mieux de s’épuiser ou de s’ennuyer ?
Drôle de question, mais qui trouve une réponse ambivalente. “L’épuisement est dû à l’ennui. On peut s’épuiser par ennui. Le conseil que l’on peut donner, c’est avant de s’engager dans une discipline, quelle qu’elle soit (de mécano à journaliste, ndlr) il faut bien comprendre qui on est. C’est essentiel. Les gens s’engagent sans savoir”.
Et de conclure : “La vraie clé, c’est le brown-out, la perte de sens, c‘est ce qui lie tout”. La perte de sens ? Ça méritera un autre article, assurément…