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Tout décider par écrit : la méthode d’Alan pour regagner du temps

Et si vous deviez prendre toutes vos décisions… par écrit ? De prime abord, cela peut sembler fastidieux, compliqué, voire chronophage. Pourtant, c’est peut-être tout l’inverse. Il suffit juste de s’y mettre et d’essayer. Échange avec un pro de l’écrit, Paul Sauveplane, secrétaire général et DRH d’Alan.

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Vous pensez que les gens, tous les gens, sont en capacité de faire ça ?

Si les personnes sont bien encadrées pour le faire, il n’y a aucun problème, au contraire. Notre job, c’est de faire grandir des personnes, de les confronter à des prises de décisions nouvelles.

Concrètement, ça ressemble à quoi un document Alan ?

C’est un petit forum qui se construit en entonnoir. Je pars d’une problématique unique : il ne faut pas résoudre deux problèmes en parallèle. Si j’ai deux problèmes, je fais deux documents. Il faut que les réunions aient toujours la même structure pour que tout le monde retrouve ses repères. Je crois beaucoup au pouvoir de l’habitude. Je dis très clairement qui sont les contributeurs, qui sera informé, je donne du contexte, et enfin les 2-3 solutions que j’envisage. Et enfin une deadline en fonction de la complexité : 12 heures, 3 jours, 5 jours. Après ça devient beaucoup trop long. C’est à la personne en charge du projet d’animer les discussions et de construire cet entonnoir.

“L’écrit ne veut pas forcément dire “lenteur”

L’écrit est-il compatible avec le besoin de prendre une décision rapidement ?

Prendre la décision par écrit ne nous empêche d’avoir, en amont, une grosse phase de brainstorming, d’idéation, d’échanges à l’oral. Mais on a besoin que tout bascule par écrit pour que l’on puisse le partager avec toute la boite. L’asynchrone permet de donner le temps nécessaire à chacun pour participer aux décisions. Ça nous empêche d’être dans l’instantanéité.

L’écrit ne veut pas forcément dire “lenteur”. Si j’ai besoin de prendre une décision rapide, je n’ai qu’à réduire le nombre de personnes concernées et la deadline. Pour ça, il faut classifier les décisions. Aujourd’hui, je demande à mes managers de m’informer en amont d’une prise de décision si elle est irréversible, qu’elle concerne tout le groupe Alan et qu’elle concerne un sujet nouveau. Si ce n’est pas le cas, je ne peux arriver qu’ensuite. Ça donne aux gens le “droit de décider”.

L’avantage de l’écrit est qu’on peut revenir dessus des mois plus tard. La puissance de cette méthode, c’est qu’elle permet de revenir beaucoup plus vite sur ses erreurs.

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Dans un monde dans lequel l’oral prend beaucoup de place, l’écrit ne refroidit-il pas les relations ?

L’oralité est omniprésente, mais je constate aussi que l’éphémère est omniprésent. Les paroles s’envolent, les écrits restent. On cherche à donner du poids à la réflexion. Sur la connexion humaine, tout se joue dans les phases de brainsto. Je crois beaucoup à la dissociation de ces deux éléments.

“Reprendre le temps pour soi est une nécessité, qui plus est dans un monde de notifications”

Une meilleure gestion du temps pour chacun, chacun contribue au moment où il le veut, où il le peut…

Exactement. Reprendre le temps pour soi est une nécessité, qui plus est dans un monde de notifications. C’est avoir du travail de qualité et du contrôle sur son emploi du temps. C’est probablement ce qui crée le plus de souffrance au travail. Sur certains sujets, je peux contribuer en quelques secondes, et sur d’autres, j’ai besoin de plus de temps, d’y avoir pensé sous la douche, etc. Dans nos métiers, on a besoin de temps longs pour travailler.

On n’est pas tous égaux face à l’écrit, peut-on voir une forme de discrimination latente arriver ? On passerait du bon orateur… au bon rédacteur.

Quand on l’a mis en place, on ne l’avait pas anticipé. À l’oral, on passe beaucoup plus par l’émotion que par l’argumentation. Il y a aussi plus de biais. Revenir à l’écrit permet de les gommer. En revanche, certains écrivent mieux que d’autres, c’est vrai. Mais je préfère cette méthode pour plusieurs raisons :

  • À l’oral, parfois les gens sont complètement bloqués, ils ne vont même pas prendre la parole. Je préfère une idée mal rédigée que pas d’idée du tout. La friction avec l’écrit est beaucoup plus faible.
  • Avec l’asynchrone, je peux me focaliser sur le ou les points sur lesquels j’ai vraiment de la valeur. À l’oral, on est interrogé sur un sujet sur lequel on n’est pas forcément pertinent tout le temps.
  • Les outils d’aujourd’hui, comme les modèles de langage, nous permettent de gommer ça.

Cette façon de fonctionner n’est-elle pas trop radicale ?

Non. Dans les principes, les organisations, la culture, il n’y a jamais trop de radicalité. J’ai une croyance forte : une culture ne fonctionne que si elle est clivante et adaptée à mon entreprise. Je n’ai pas de semi-transparence, je n’ai pas de semi-responsabilité distribuée. C’est transparent ou c’est opaque. En revanche, dans l’exécution, il faut laisser libre cours à l’intelligence individuelle.

Yannick Merciris

Head of Editorial The Daily Swile

Journaliste qui aime autant les mots que le ballon rond. Vu que je gère mieux le premier que le second, j’ai décidé [...]

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