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Climate quitting : après la Grande démission, place à la Démission climatique ?

Climate quitting - après la Grande démission, place à la Démission climatique

Dans la famille des démissions, il y a déjà “la grande”, “la silencieuse”, et maintenant : “la climatique”. Alors, le “Climate quitting” est-il un énième terme à la mode ou traduit-il une réalité plus profonde ?


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Le monde du travail change. A toute vitesse. Et à mesure que l’impact du changement climatique se fait ressentir, une frange de plus en plus importante de la population tente d’aligner sa vie professionnelle à sa conscience écologique. C’est ce que les analystes appellent le “Climate quitting”.

D’après une étude réalisée par le très sérieux cabinet KPMG, près de 20% des salariés britanniques auraient déjà refusé un job parce que non aligné avec leur conscience environnementale.

Aussi, 1 salarié sur 10 rechercherait activement un job lié à l’ESG (l’équivalent de la RSE mais qui implique des engagements chiffrés de la part des entreprises). Une proportion qui monte jusqu’à 14% chez les 18-24 ans. “Pour les entreprises, la direction est claire. D'ici à 2025, 75% des actifs seront des millennials, ce qui signifie qu’elles devront avoir des plans crédibles en matière d’ESG si elles veulent continuer à attirer et retenir ce pool grandissant de talents”, affirme John McCalla-Leacy, Head of ESG chez KPMG UK.

“J’ai réduit mon éco-anxiété”

Alors, qui sont ces talents en quête de changement ? En voici deux exemples.

Après 4 années passées chez l’une des plus grandes licornes françaises, Mickaël a tout plaqué pour rejoindre une startup dans l’agroécologie. Son déclencheur ? Les grands incendies en Australie. “Je me suis dit qu’il fallait que les salariés se dirigent massivement vers la transition écologique. Car si nous restons tous dans les métiers du secteur traditionnel, cela va être compliqué de trouver des solutions face à cet immense challenge ”, raconte-t-il.

Mickaël n’a donc pas hésité à rogner sur son salaire même si - il faut le souligner - les salaires dans le secteur de l’impact ont augmenté ces dernières années. Pour Mickaël, il s’agit aussi de changer de matrice et de voir autrement la question de la rémunération en “considérant l’impact généré par la transition écologique”.

Pour ce père de famille quadragénaire, il était essentiel que sa nouvelle entreprise ne se contente pas d’appliquer une bonne politique RSE, mais que son activité contribue directement à la transition climatique. “Aujourd’hui, je ne pourrai plus travailler dans un business traditionnel. Depuis que j’ai fait ce switch, j’ai réduit mon éco-anxiété. Je pense maintenant à monter mon propre projet”, affirme-t-il.

Aligner sa conscience personnelle et professionnelle

Claire, trentenaire passée par de prestigieux grands groupes, a quitté Paris pour Montpellier en devenant Responsable marketing et communication pour la startup Stop 3, spécialisée dans le mobilier professionnel de seconde main. “J’ai démarré dans les grands groupes, car je voulais gagner en compétences. Mais leurs activités étaient pour certaines polluantes."

Il devenait urgent d’aligner mes croyances dans ma vie personnelle avec ma vie professionnelle. Je voulais rejoindre une entreprise à taille humaine qui avait un impact positif sur l’environnement.

Une prise de conscience opérée durant le Covid, comme pour beaucoup d’autres travailleurs. Désormais, les KPI’s de Claire ont fondamentalement changé : elle traque le nombre d’émission de CO2 évité ou encore le volume de mobilier sauvé de la benne. Et elle se sent bien mieux dans ses baskets.

Une Démission climatique à grande échelle ?

Alors, les témoignages de Claire et Mickaël sont-ils l’arbre qui cache la forêt ? Existe-t-il des millions d’autres individus prêts à claquer la porte des entreprises polluantes ? Pour le savoir, nous avons sollicité l’expertise de Caroline Renoux, Dirigeante du cabinet Birdeo, l’un des plus anciens acteurs du recrutement dans les métiers à impact. D’après elle, il est clair que de plus en plus de candidats ont des envies de green. Pour autant, il lui semble précoce de parler de Grande démission climatique.

Elle distingue d’ailleurs une vraie évolution ces dernières années dans le profil des candidats qui tapent à la porte de Birdeo : “autrefois, les candidats étaient de vrais pionniers, prêts à de fortes concessions salariales. Aujourd’hui, le critère n°1 de la majorité des candidats est - comme pour la population générale - le salaire, puis le télétravail et la distance domicile-travail. Ce n’est qu’après qu’ils nous questionnent sur le projet et le sens de l’entreprise ou encore l’engagement de la Direction sur ces sujets”, explique-t-elle.

Elle distingue d’ailleurs deux autres profils types : ceux qui vont préférer s’engager dans une boîte pionnière, à l’image de Veja qui porte l’écoresponsabilité dans son ADN, ou encore ceux qui vont s’orienter vers un acteur traditionnel afin d’espérer y insuffler un changement.

Le double visage de la Gen Z

Quant à l’aspect générationnel de cette hypothétique démission verte, là encore, Caroline Renoux se garde de formuler des conclusions hâtives. “Il est vrai que la génération Z a envie de bousculer les choses. Sur les réseaux sociaux, où l’on cultive la mise en avant de soi, cette génération ose dire des choses que l’on taisait auparavant. Mais l’engagement écologique ne concerne pas non plus toute cette population. Une autre frange est accro au digital et à la fast fashion”, analyse-t-elle.

Donc n’allons pas dire que la Démission verte est l’apanage de la Gen Z. Chez les autres tranches d’âge, cette conscience écologique se révèle aussi, notamment à la tête des entreprises familiales où les jeunes repreneurs témoignent de leur envie de transformer l’entreprise.

Faut-il tout quitter… ou transformer de l’intérieur ?

Pour nos trois interviewés, il ne sera question de Démission verte que si l’évolution est profondément systémique et ne se borne pas aux individus, à commencer par la réglementation, qui demeure le facteur de changement n°1. “En Europe, nous avons la chance d’avoir une législation qui bouge. Du côté des entreprises, je crois aussi à la coopétition (coopération et compétition, ndlr) : soit des concurrents qui se regroupent pour proposer par exemple un packaging moins coûteux pour la planète”, affirme Caroline Renoux.

De son côté, Mickaël appelle de ses vœux la Démission climatique, sans y croire pour demain :

J’aimerais que cela arrive, mais on ne pourra l’espérer que si en face, il y a des emplois verts qui permettent d’allier sens, confort du salaire et sécurité de l’emploi.

Quant à Claire, elle invite toutes les personnes qui ont des idées vertes qui germent dans la tête à sauter le pas : “Quand on ne se reconnaît plus au travail, il faut foncer. Il y a de plus en plus de structures qui offrent de belles opportunités aux talents en quête de sens. Donc, lancez-vous, vous ne le regretterez pas !”

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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