Tribune – “Amis RH, prenez le temps, même si vous n’en avez pas”

Ce n’est pas la “gestion du temps” qui va régler le problème, ce sont les choix que nous faisons. Car on ne va pas tout gérer très bien, très vite et tout oublier le soir pour dormir comme un bébé. Non. On va faire des choix.

En rembobinant les années passées dans ce rôle, voici ce qu’il me reste :

Parce que l’on a fortement incité à leur recrutement, parce que l’on a réussi à les aider à se relancer en changeant de manager, parce qu’on les a accompagnées pour changer de poste, parce qu’on les a aidées à progresser selon leur plein potentiel… Comment ? Avec de la patience et une dose non homéopathique d’empathie. Parce que la crédibilité s’acquiert avec le temps. C’est une course de fond, pas un sprint.

“Business partner” cela ne veut pas seulement dire "au service de". C’est être constructif, utile… mais aussi challengeant au nom de l’intérêt général des personnes et de l’entreprise. Une personne « capable de plus », qui ne change pas, qui n’apprend pas est une charge bien lourde pour demain, non ? Un changement mal ficelé, et ce sont des dizaines de personnes qui en subissent les conséquences. Pensez un instant à celles et ceux qui doivent "digérer" 5 ou 10 changements en même temps, conçus par 5 ou 10 leaders différents…

Il y a la loi, et heureusement, car elle protège les salariés. En contexte international, c’est parfois un peu délicat : “c’est la loi française, Bob”. Et il faut pas mal de diplomatie pour expliquer à Bob, que non, “en France, on ne peut pas… “.

Mais au-delà de la loi, il y a des "accords" que l’on passe avec les partenaires sociaux et des "règles du jeu" internes que l’on construit ensemble dans l’entreprise : combien de jours de télétravail par semaine, par mois, par an ? D’où peut-on télétravailler ? Avec quelles indemnités ?

Quand les personnes se parlent entre elles et découvrent des différences non fondées, non expliquées, non comprises, cela “remonte” et si le management de terrain ne sait pas répondre, c’est la rumeur qui enfle, le ressentiment qui s’installe…

Au-delà de la loi, le rôle RH c’est de limiter le cri du cœur, du “c’est pas juste” à la pause-café, et de permettre aux managers de répondre aux interrogations légitimes des personnes. Avec une idée en tête : passer de l’opacité à la transparence.

C’est la meilleure partie, le bon gâteau que l’on se garde comme dessert, en y pensant dès le début du repas. Vous avez une conviction, personnelle ou acquise après un bon dialogue avec un dirigeant, une séance avec un groupe de travail. Alors, on se lance : dispositif d’intégration qui associe les managers, programme pour « aider les aidants », ou faire reconnaître le handicap invisible…

Qui a dit qu’être RH n’autorise pas à être leader ? Qu’en créant ce type d’initiative, on ne va pas influencer la fameuse « culture » de l’entreprise dont tout le monde reconnaît l’existence tout en étant incapable de vraiment la définir. Alors oui, les initiatives peuvent transformer les façons habituelles de faire les choses, à une condition : réussir à instituer le “nouveau” comme étant le “normal”.

La modernité, c’est traduire dans les faits les évolutions de la société pour réduire le décalage entre le vécu à la maison et le vécu dans l’entreprise. “Chef, chez moi je peux commander super vite un frigo à distance, ici, je dois remplir trois papiers ou douze écrans … pour avoir un stylo, une clef à molette, un ordinateur ou une formation IA”.

Arrivés au bout de ce petit inventaire êtes-vous désespérés, regonflés à fond, dubitatifs, impatients de passer à l’acte ? Restons zen, être RH, un vrai RH, ce n’est pas en faire toujours plus, c’est préserver le temps du long terme dans le chaos du court terme, et savoir mettre le temps de son côté au lieu de se battre contre lui. La crédibilité prend du temps, et c’est conversation après conversation, accord après accord, projet après projet que l’on construit un secteur RH fort et durable : je vous souhaite beaucoup de succès pour cela !