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5 concepts phares pour en finir avec la productivité (ou presque)

Greedy jobs, busyness, creative jobs : on décrypte 5 concepts développés par Laetitia Vitaud dans son livre “En finir avec la productivité”.


4 min

Cet article est issu de l'ancien blog de Swile.

Dans son livre “En finir avec la productivité”, Laetitia Vitaud développe 5 concepts phares qui participent à un regard biaisé de la productivité. Greedy jobs, individualité vs collectivité, le busyness et tous les autres concepts, sont dans cet article ! 

Le culte de la productivité individuelle au détriment de la productivité collective. 

L.V. : On pense que l’on doit tout à soi-même, alors, qu’en réalité, on a besoin des autres. Et on a poussé le concept tellement loin qu’on l’applique dans toutes les dimensions de notre vie : un sommeil productif, un loisir productif, une alimentation productive. Il est temps de renverser un petit peu les choses : on ne vit pas pour être productifs, on est productifs pour vivre.

En gros, il faut redonner de la place à la vie. Je le schématiserais comme ça. 

Les greedy jobs. Ou les jobs « avides ».  

L.V. : Il y a un double sens, dans le mot greedy en anglais. Greed est l’un des sept péchés capitaux, le fait d’en vouloir toujours plus. Les greedy jobs sont ces emplois qui correspondent aux codes de la réussite, en banque d’affaires ou les plus grands chirurgiens, tous les emplois les plus prestigieux de la société qui exigent des investissements en temps et des sacrifices importants. 

Ils sont avides de temps et exigent un sacrifice total. 

Du coup, quasiment tous ces métiers sont dominés par les hommes, il y a très peu de femmes dedans, parce que c’est incompatible avec une vie de famille et c’est incompatible avec une charge de travail gratuite (aidance, enfants, etc). 

Les greedy jobs sont une partie du problème. Il faudrait que les emplois soient soutenables, pour tout le monde, parce que, même quand on n’a pas d’enfant, travailler 80 heures par semaine n’est pas soutenable. Il y a des gens qui craquent, c’est une culture qui est toxique. Il faut ramener ça à quelque chose qui serait plus raisonnable et soutenable. 

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Les rapports entre la productivité et le pouvoir

L.V. : Ce que l’on constate, c’est que, dans la mesure de la productivité, tous les emplois les plus prestigieux, qui s’accompagnent de pouvoir, sont réputés plus productifs. Il y a là quelque chose de l’ordre de l’autoréalisation, c’est-à-dire que, parce que l’on est à un poste de pouvoir, on va vous attribuer beaucoup plus de mérite productif. 

Typiquement, dans un duo au travail, s’il y a une personne en position de pouvoir et l’autre personne en dessous, si ça se trouve cette dernière, par exemple une secrétaire, travaille mieux et plus et a plus de mérite productif que l’autre. Mais la productivité ne lui sera pas attribuée. 

On attribue finalement de manière assez arbitraire, dans tout travail collectif, le maximum de la productivité aux personnes qui ont le plus de pouvoir. Preuve qu’encore une fois, cela reflète un rapport de force. 

Le busyness 

L : La productivité est devenue, j’emploie l’expression d’un journaliste qui a écrit un autre livre sur les bullshit jobs, Nicolas Kayser-Bril, un « cache-caste ». 

Depuis que l’on n’est plus dans l’Ancien Régime, où les privilèges sont hérités de manière très transparente (fils de noble, etc..), les privilèges hérités doivent être cachés. 

Et il faut le cacher derrière le travail. 

Dans les greedy jobs dont on parlait précédemment, il y a une reproduction sociale très forte. Tous les emplois qui sont très bien rémunérés, il n’y a (presque) que des blancs, que des hommes, que certains milieux sociaux et certains parcours. C’est très homogène du point de vue social, il n’y a pas vraiment de méritocratie.

Mais culturellement, en tant que société, on ne l’assume pas. On voudrait vivre dans une méritocratie, donc on le cache derrière le travail. 

Pour assumer ces privilèges, pour se sentir une personne valable, il faut que l’on soit productif. La productivité s’immisce partout, et pour nous, cela veut juste dire être occupé tout le temps. Être très occupé, cela veut dire que l’on a probablement un greedy job, donc on est probablement une personne très puissante, géniale, etc., et privilégiée. 

Derrière ce busyness, le fait d’être occupé tout le temps devient un symbole de prestige. Par exemple, avoir une boîte mail qui déborde veut dire que tu es très sollicité, que tu es probablement très important, probablement aussi haut dans la hiérarchie, parce que tu vas être plus sollicité, etc. 

L’expression est status symbol en anglais, être sous l’eau est un status symbol, un symbole de statut. 

Les creative jobs 

L.V. : La créativité est un peu la nouvelle productivité. Souvent, quand je commence à parler de ma critique de la productivité, on me dit que ce n’est pas ça qui est intéressant, que ce qui compte est la créativité. 

On retrouve exactement les mêmes discours, les mêmes biais de genre, les mêmes problèmes en fait derrière tout ce qu’il y a de créatif par rapport à, derrière, ce que l’on appelait productif. 

C’est un peu comme si on avait créé une noblesse productive. Il y a le productif, c’est pour monsieur et madame tout le monde, un peu en bas, c’est un peu “nase”. Et au-dessus, quand on monte en pouvoir, en prestige, tout de suite on change de vocabulaire, on est créatif. 

J’essaie de debunker ce mythe derrière la créativité, pas parce que je suis contre la créativité, pas du tout, mais parce que, souvent, derrière ce discours se cachent aussi plein de choses. 

Propos recueillis par Solène Cornec.

Solène Cornec

Créatrice de contenu @Swile

Solène, créatrice de contenu chez Swile, travaille depuis plusieurs années sur toutes les problématiques de la vie au travail et du futur […]

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