société

« Cachez ce sang que je ne saurais voir » : pourquoi le congé menstruel fait-il débat ?

En quoi consiste le congé menstruel, et pourquoi ravive-t-il tant les flammes au sein des entreprises, plus particulièrement en France ?


3 min
9 août 2022par Usbek & Rica

Cet article est issu de l'ancien blog de Swile.

Selon un sondage Ifop pour Intimina de 2021, près de la moitié des femmes ont des règles douloureuses ; selon cette même étude, elles sont 19% à avoir été amenées à ne pas se rendre au travail pour cette raison. Le congé menstruel, qui vise à permettre aux femmes de prendre un ou plusieurs jours de repos pendant leur cycle, fait débat. Retour sur un droit qui divise, symbole de reconnaissance pour les uns et mesure stigmatisante pour les autres. 

Les femmes souffrant de règles “invalidantes” auront maintenant le droit à un congé maladie ; c’est en tout cas le cas en Espagne depuis le 17 mai dernier où le gouvernement a adopté un projet de loi instaurant un congé menstruel

Un congé plébiscité mais peu utilisé

Une initiative en réalité déjà ancienne : au Japon, le droit à ce congé (non rémunéré) existe depuis 1947. Avec des résultats mitigés : selon une étude du Ministère japonais du Travail, seules 0,9% des employées éligibles déclarent avoir pris un congé menstruel en 2020, un chiffre en baisse constante depuis son instauration. En Corée du Sud, où ce droit existe depuis 2001, il n’est utilisé que par une minorité de femmes. Même son de cloche en Indonésie, où la loi prévoit un ou deux jours de congés payés en cas de règles douloureuses depuis 2003. Signe de l'embarras causé par une réponse inadaptée à la souffrance menstruelle ?

La « dysménorrhée », terme médical qui désigne les douleurs liées aux règles, peut en effet s'accompagner d’un cortège de symptômes invalidants et parfois incompatibles avec le monde du travail. Le congé menstruel pourrait alors symboliser la reconnaissance d’une souffrance trop longtemps ignorée par les employeurs.

Selon un sondage Ifop de 2021, 68 % des Françaises interrogées y seraient d’ailleurs favorables. Pourtant, cette initiative, déjà expérimentée dans certaines entreprises françaises, est loin de faire l’unanimité. Selon Marie Donzel, experte de l'innovation sociale, il s'agit d'une mauvaise réponse à un problème bien réel : jugé stigmatisant, ce congé introduit une distinction « entre ceux qui savent surmonter la douleur, dépasser leurs limites au nom du culte de la productivité et ceux qui seraient des « petites choses  » incapables de suivre le rythme. ». Il renforcerait l’image des femmes comme « moins capables » du fait de leurs règles, tout en alimentant le fait de « cacher » la réalité des menstruations. 

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Un congé qui interroge 

Preuve que le tabou ancien associé aux règles perdure, une faible proportion des femmes posent effectivement ce congé lorsqu’il est proposé, notamment à cause des difficultés à aborder le sujet avec leurs supérieurs masculins. D’autre part, le congé menstruel pose question au regard du secret médical : l’arrêt maladie permet déjà de s’absenter en cas de règles douloureuses, sans que l’employeur ait à en connaître la raison. Cependant, son application dans ce cas précis reste théorique : l’irrégularité des cycles et la nécessité d’une consultation médicale rendent la procédure lourde et complexe.

Dès lors, comment imaginer une réponse efficace, et non stigmatisante, à la souffrance de nombreuses femmes chaque mois ? Pourrait-on imaginer, comme cela s’est pratiqué chez les douaniers entre 1972 et 2012, un congé d’« indispositions passagères », de quelques jours par an, rémunéré et accessible indifféremment du genre ? 

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Usbek & Rica

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