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“J’ai décidé de prendre un congé paternité de 3 mois pour 4 raisons”

Ce papa a décidé de prendre 3 mois de congé paternité. Pour 4 raisons bien précises


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À 34 ans, Vincent Puren a décidé de faire les choses différemment. Pour son fils, pour sa femme, pour lui… et pour sa boite. Quatre raisons bien précises, mais qui se tiennent parfaitement. “J’avais pris 14 jours pour mon premier enfant, et je pense que je suis passé à côté de pas mal de choses. J’ai pas cerné l’enjeu d’organisation et de répartition avec ma femme. J’ai mis du temps à comprendre tout ça”, explique-t-il.

Pourquoi la mère aurait plus de raisons de s’occuper de l’enfant que le père ?”

Mais la principale raison de cette décision réside dans cette volonté forte d’une plus grande égalité, du moins d’une lutte vers moins d’inégalité entre les femmes et les hommes. “Dans l’esprit d’une grande partie de la population, et en partie chez les gens dits progressistes, ça semble assez naturel que ce soit à la femme de s’occuper de l’enfant. Elle l’a porté, elle va potentiellement l’allaiter donc c’est à elle que reviendrait cette charge… hors c’est totalement faux !”, tonne-t-il.

10% des pères ne prennent pas leur congé car ils ne l’estiment “pas nécessaire ou que c’est de la responsabilité de la mère de prendre soin d’un nouveau-né” selon The Conversation.Tout ça est déconstruit par pas mal d’études. Pourquoi la mère aurait plus de raisons de s’occuper de l’enfant que le père ?”.

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La parentalité est la première source d’inégalité entre les femmes et les hommes”

Une charge mentale… et financière aussi pour les mères. Selon l’INSEE, les femmes perdent environ 25% de leur salaire après l’arrivée d’un premier enfant : “Prendre un congé parental en tant qu’homme, ça a un impact significatif sur la carrière de ma femme. Ça a été prouvé par plusieurs économistes, dont Esther Duflo, que la parentalité est la première source d’inégalité entre les femmes et les hommes”, enclenche le daron.

Il subsiste encore un vrai décalage sur la vision de la paternité et de la maternité. “Moi je l’ai constaté avec ma femme. Elle a bossé dans des boites hyper progressistes, bienveillantes, mais moi quand j’ai eu mon enfant, j’ai vu mon salaire augmenter de manière assez significative. J’ai été perçu comme quelqu’un de plus structuré, de moins fou-fou et donc plus rassurant pour l’entreprise. De l’autre côté, ma femme a été perçue, de manière cliché, comme une mère nourricière qui va se concentrer sur la famille et être moins engagée sur l’entreprise. Et c’est faux !”

Qui peut se permettre de partir 3 mois ?

Bien évidemment se pose un moment la question de l’argent, du pognon, de la moula… N’est-ce pas truc un juste de nantis parisiens entrepreneurs ? Sur le papier oui, dans la réalité non. Plus la rémunération est haute et moins ce congé est pris. C’est le constat fait par l’étude de The Conversation.

Une des explications possibles est la prise en charge du salaire par l’Etat. Pour l’année 2023, il est plafonné à 3 666 euros. Une perte de pouvoir d’achat qui freinerait la prise de ce congé.

Vincent est privilégié, il le sait. Son congé de 3 mois est intégralement pris en charge par son employeur Future4Care, qui a d’ailleurs octroyé ces deux mois en sus à toutes et tous. Pourtant aujourd’hui, 16 % des pères ne prennent pas leur congé de paternité “par crainte d’une perte de revenu”.

Pourquoi les papas ne prennent-ils pas leur congé pat ?

Derrière tout ça, il existe également un manque flagrant de savoir. Si depuis 2021, les papas peuvent s’absenter 28 jours (contre 14 avant), plus 1 sur 3 (34,5%, ndlr) ne semble pas avoir pris connaissance de ce droit (devoir ?).

“Est-ce que je suis une anomalie ?”, s’interroge Vincent. “En réalité, les boites n’informent pas, il n’y a pas de politique de parentalité dans les entreprises”, dit-il avant de prophétiser : “Je pense qu’il va se passer la même chose sur la parentalité et l’environnement : il y a 10 ans quand on parlait d’environnement à une entreprise, on entendait : “c’est pas à moi de gérer ça, c’est pas mon sujet”. Aujourd’hui, elles sont toutes à la recherche de solutions pour mesurer leur empreinte carbone et avoir un impact positif. Sur la parentalité, c’est la même chose. Par l’exemple et par la contrainte, les choses vont changer assez rapidement”.

Tout bénef pour l’entreprise ou pas ?

L’histoire semble belle pour les parents, mais finalement qu’est-ce qu’une entreprise y gagne ? “Dans les boites petites et moyennes, on n’est pas souvent très structurés. On reporte toujours à demain le fait d’installer des process pour être dans le feu de l’action et continuer à grandir. Le fait d’être absent, ça a été un bon moyen de préparer tout ça en amont, voire de recruter des personnes”, argumente Vincent.

Devenir papa a carrément fait de lui un meilleur employé : “J’ai toujours assumé ma parentalité et j’ai toujours montré que c’était une force. Si on m’enlève ma parentalité, je perds une part de moi : je serais moins productif, moins motivé, moins créatif”.

Finalement, l’important est de lever ce tabou sibyllin autour de la parentalité au travail : “Souvent les collaborateurs n’assument pas parce qu’ils ont peur, peur d’être jugés, d’être mis au placard… mais donnez-leur la chance d’avoir cette confiance, et vous verrez, ils viendront tous vous voir en vous disant : j’aimerais avoir ce congé parental. Aujourd’hui, ce tabou est toujours là.”

Et d’embrayer : On ne peut pas dire qu’on veut le bien-être de ses collaborateurs et dire à côté : fais tes enfants, mais continue à bosser comme si t’en avais pas, et occupe-toi de tes enfants comme si tu n’avais pas de travail”

On peut avoir hâte de revenir après avoir eu hâte de partir ? “Oui le travail manque, j’aime cette stimulation intellectuelle, passer du temps avec l’équipe… Malgré tout l’amour que j’ai pour mes enfants, je serai aussi content de couper”. Et de conclure : “Il y a même des jours où j’oublie que j’ai un travail. Parce que en fait, j’ai un autre travail : ma parentalité. Et ce n’est pas un congé comme on l’entend, mais bien un second emploi”.

Yannick Merciris

Head of Editorial The Daily Swile

Journaliste qui aime autant les mots que le ballon rond. Vu que je gère mieux le premier que le second, j’ai décidé […]

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