Être augmenté.e, ça a de l’effet 6 mois : mythe ou réalité ?
On s’imagine souvent qu’en étant augmenté, on va être d’un coup d’un seul motivé comme jamais. Mais s’agit-il seulement d’un petit coup de boost passager, ou l’effet est-il durable dans le temps ? Combien de temps fait effet une augmentation ?
“Mes collègues ne râlaient jamais autant qu’après avoir reçu une augmentation”. Après avoir longuement travaillé dans une grande banque en Suisse, Christian Junod est bien placé pour savoir quel effet l’argent a - ou n’a pas - sur les individus. Une chose est certaine : notre rapport à l’argent est si complexe que notre expert a décidé d’y consacrer la seconde partie de sa carrière en devenant conférencier et auteur, notamment du best-seller “Ce que l’argent dit de vous” (Eyrolles).
Pour lui, une augmentation, ce n’est pas juste un chèque que l’on fait. Le message délivré avec l’augmentation n’était pas le bon ! “Il n’y avait aucune chaleur de la part du supérieur, aucune reconnaissance du travail effectué qui accompagnait l’augmentation, mais plutôt le sous-entendu : “tu as intérêt à te secouer””, se souvient notre expert. Pour lui, c’est clair : l’argent seul ne suffit pas à maintenir la motivation sur la durée ! “Je serais même étonné que cela perdure plus de trois mois après l’augmentation”, lance-t-il.
Être augmenté.e ne motive pas, dixit la science
Ce que Christian a observé chez ses anciens collègues, la recherche l’a aussi prouvé. À Toulouse, la spécialiste en management de la rémunération Claude Roussillon-Soyer l’a également démontré dans sa thèse. Dans son ouvrage “Rémunération et plaisir au travail” (L’Harmattan), elle explique qu’une augmentation à elle-seule ne suffit pas à susciter davantage de satisfaction au travail.
La motivation intrinsèque étant celle qui ne repose pas sur le système de la carotte et du bâton, mais sur des facteurs d’engagement plus profonds comme l’autonomie, la valorisation des compétences et le sentiment d’appartenance. “Plus un supérieur nous fait confiance, moins on a envie de le décevoir”, renchérit Christian Junod.
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Le salaire n’a pas vocation à motiver
Maintenant que l’on a dit tout ça, on en voit déjà parmi vous qui froncent les sourcils. Peut-être avez-vous déjà vécu l’amère expérience de recevoir pas ou peu d’augmentation alors que vous aviez cravaché. Dans ce contexte, les mots doux d’un manager sont loin d’être suffisants.
Lorsque que l'on n'est pas rémunéré à sa juste valeur, on peut avoir le sentiment de ne pas être considéré par l'entreprise. Et c’est bien normal : “l’argent est une forme de reconnaissance de la valeur d’un salarié aux yeux de l’entreprise”, affirme Christian Junod. Un salaire répondant aux compétences et efforts d’un salarié, c’est donc le béaba.
“70% des personnes qui gagnent au loto continuent à travailler”
Le prix Nobel d'Économie, Daniel Kahneman, l’a également démontré : l’argent agit comme un motivateur lorsque l’on est mal payé. “Quand il y a un problème d’inéquité, l’augmentation de salaire fixe va avoir un impact important”, nous explique le canadien Benoît Chalifoux, conférencier international et spécialiste de la motivation.
En revanche, une fois un certain niveau de rémunération atteint, chaque euro supplémentaire ne motive pas ou très peu. Le plus important étant que l’entreprise reconnaisse la compétence passée, présente et future du salarié. Et preuve qu’on ne travaille pas uniquement pour un salaire à la fin du mois, “70% des personnes qui gagnent au loto continuent à travailler même si elles sont libres financièrement !”, poursuit Benoît Chalifoux.
L’argent ne fait pas le bonheur…
Pour notre conférencier canadien, une augmentation est donc suivie d’effets si elle récompense un job avec du sens, qui plus est qui profite à la collectivité. Une étude menée par Roland Paulsen, “Economically Forced to Work” démontre ainsi que deux groupes (un rémunéré, l’autre non) auxquels on a assigné la même tâche (résoudre des casse-têtes) vont réagir de manière diamétralement opposée. Et surprise, c’est le groupe non payé qui va rogner le plus sur ses temps de pause pour réaliser un maximum de casses-têtes.
Pourquoi ? “Car il arrive souvent que l’on perde du plaisir à effectuer quelque chose lorsque l’on est payé”, affirme Benoît Chalifoux. À l’inverse, “travailler pour les autres, pour le bien commun, est un motivateur autrement puissant”, synthétise notre expert canadien. Alors la thune, la moula, la caillasse… oui, mais pas pour les bonnes raisons !