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Expatriation : les femmes sont-elles les grandes perdantes ?

Cherchez l’erreur : lors d’une expatriation, 90% des conjoints suiveurs sont… des femmes. Et cela n’est pas sans conséquences sur la carrière de ces globe-amoureuses. Alors, si un tel projet vous trotte dans la tête, comment optimiser au maximum cette expérience ?


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Entre Frédérique et son ex-mari, l’amour a toujours eu un goût d’international. “Nous nous sommes connus en Espagne et il a rapidement été question d’expatriation”, raconte-t-elle. En poste au sein d’un grand groupe hôtelier, son conjoint se voit proposer une belle opportunité au Brésil. Le couple fonce. “J’avais 30 ans, j’étais cheffe de produit dans une grande enseigne de bricolage. Mais j’ai accepté de mettre entre parenthèses ma carrière. Je me disais que ce n’était pas grave, que j’apprendrais autre chose. Je voulais faire de l’humanitaire”.

À peu près au même âge, Véronique, rédactrice en chef, prend la même décision : elle plaque son boulot pour suivre son conjoint en Allemagne. Là-aussi, il s’agit d’un projet de couple de longue date. Et puis Véronique attend son premier enfant. “Au démarrage, je voulais chercher du travail là-bas”, confie-t-elle.

“J’ai été renvoyée à ma condition de femme”

Mais tout ne se passe pas comme prévu pour nos deux expats.  Pour Frédérique, c’est la question de l’autonomie financière qui émerge rapidement : “je me chargeais de mettre en place notre quotidien, et l’argent que nous avions était censé être celui du couple, mais je ne me sentais pas légitime de le dépenser”. Surtout, Frédérique se rend compte qu’elle n’a pas anticipé des questions comme le fait de ne pas cotiser pour sa retraite. Par-delà, des problématiques plus profondes commencent à surgir sur son identité. Frédérique nous confie avoir eu l’impression d’être renvoyée à sa condition de femme en n’étant que “l’épouse de”.

Pour Véronique, le choc culturel fut beaucoup plus fort qu’elle ne l’imaginait. En Allemagne, une maman d’un enfant de moins de 3 ans est mal vue lorsqu’elle désire travailler. Trouver un mode de garde relève donc du parcours du combattant. Quant à espérer trouver un job identique à celui qu’elle occupait en France : c’est hors de portée.

Véronique ne parle pas suffisamment bien l’Allemand. Alors, très vite, la jeune femme se met à douter de ses compétences, son avenir ou encore sa capacité à gérer de front sa vie pro et perso. Ajoutez à cela les tracas administratifs et vous obtiendrez le cocktail perdant : “j’en étais arrivée à la conclusion que je devais faire une croix sur mon évolution professionnelle. Ce n’était pas facile, car tout mon parcours était très construit jusque-là”.

Les expats d’avant VS les expats de maintenant

Comme Véronique et Frédérique, les femmes représentent encore 90% des conjoints d’expat(source : Expat communication). “Les hommes ne veulent pas sacrifier leur carrière. Pour eux, c’est forcément négatif. C’est notamment le cas pour les 50+ qui craignent de ne plus retrouver de boulot s’ils quittent le marché de l’emploi”, analyse Armelle Perben, fondatrice d’Absolutely French une société qui accompagne les conjoints d’expats dans leur développement professionnel.

Toutefois, Armelle observe un nouveau mouvement, plus précisément au sein des jeunes couples. Désormais, 80% des conjoints d’expatriés désirent travailler, contre 20% auparavant (source : Absolutely French).

Mener une double carrière à l’étranger ? Mission possible

Malgré les difficultés rencontrées par Frédérique et Véronique lors de leur expatriation, non, rien, de rien, non, elles ne regrettent rien. Une expérience à l’étranger demeure toujours enrichissante. Mais si elles pouvaient rembobiner l’histoire, voici les petits conseils qu’elles aimeraient entendre. Et pour approfondir, on vous ajoute ceux de la pro Armelle Perben !

#1 : Ouvrez vos chakras :
Ou plutôt, offrez-vous l’opportunité de tester de nouvelles sphères professionnelles. Véronique nous explique ainsi qu’elle a pu développer ses compétences dans le domaine de l’édition, secteur qu’elle avait effleuré avant son départ. “Une expatriation permet de prendre du recul, de redonner du sens, même si c’est parfois douloureux”, explique-t-elle.

#2 : Parlez des sujets qui fâchent avant votre départ.
En s’expatriant au Brésil, le couple de Frédérique - comme beaucoup d’autres - n’a pas tenu. Son ex-mari a tout simplement convolé avec une Brésilienne. “Malgré cela, je ne changerais rien, si ce n’est que j’aurais préféré mieux anticiper ce cas de figure. Si on ne travaille pas, je pense qu’il faut établir une sorte de contrat de couple. Par exemple, percevoir une somme en son nom propre qui permettra de rebondir en cas de rupture. Je dis cela, car j’ai vu beaucoup de femmes se retrouver piégées dans un couple bancal, parce qu’elles n’avaient pas d’autonomie financière”. Pour Frédérique heureusement, les choses se sont bien passées. Son ex-mari l’a soutenue pour refaire sa vie, et elle a rapidement retrouvé un travail à son retour en France.

#3 - Préparez au maximum votre expatriation.
Si c’était à refaire, Véronique nous confie qu’elle aurait aimé mieux anticiper son départ. Par exemple, il existe une carte du monde des visas qui permet de savoir ce à quoi on peut prétendre selon son statut familial. “C’est important de se renseigner sur la possibilité ou non de travailler, mais aussi de s’enquérir de l’état du marché du travail dans le territoire visé”, recommande Armelle Perben. Pensez aussi à vérifier l’équivalence de vos diplômes dans les métiers réglementés.

#4 - Profitez du numérique
Pour continuer à avancer dans votre carrière. Vous pouvez tenter la piste du télétravail à distance avec votre entreprise actuelle. “Cela se développe de plus en plus. Vous pouvez aussi en profiter pour vous former dans n’importe quelle grande université puisque l’on peut désormais étudier à distance”, conseille l’experte. De même, certains conjoints d’expat donnent des cours en ligne. Ce n’est pas forcément le job de leur rêve, mais cela leur permet de rester en selle. C’est bon pour l’estime de soi… et pour le couple.

#5 - Considérez l’entrepreneuriat :
Parfois, il est plus simple d’entreprendre plutôt que de chercher un métier sur place. “J’ai vu beaucoup de femmes monter leur boîte de conseil, de traduction, etc dans des pays étrangers. Finalement, c’est moins compliqué qu’il n’y paraît”, affirme Armelle Perben.

#6 - Développez au maximum votre réseau
Cela vous servira toute votre vie ! “J’ai rencontré des gens en Chine il y a 20 ans que je peux toujours contacter aujourd’hui”, illustre Armelle Perben. En arrivant dans un nouveau pays, il peut donc être une bonne idée de prendre un café ou un repas deux fois par semaine avec une nouvelle personne.

Bref, se forcer à avoir une démarche proactive sera toujours d’une grande aide dans le futur !

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Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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