société

Faut-il (encore) distinguer vie pro et vie perso ?

Équilibre vie pro – vie perso : et si l’entreprise prenait enfin le taureau par les cornes ? Comment passer d’un idéal à une réalité ? On vous dit tout.


9 min
13 novembre 2020par Solène Cornec

Cet article est issu de l'ancien blog de Swile.

Qui rêve de pouvoir concilier sa vie perso avec sa vie pro sans avoir à choisir entre carrière et enfants ? Ou entre la prise de responsabilités et les soirées entre amis ? C’est tout l’art du work life balance, ou de l’équilibre vie pro - vie perso. 

Cet équilibre est un sujet de préoccupation jugé important (voire très important) pour 93% des salariés. Et les entreprises y mettent un point d’honneur, puisque 78% d’entre elles permettent à leurs collaborateurs de bénéficier d’une ou plusieurs formes de travail flexible.  

Dans un monde idéal, nous nous arrêterions à ce constat si positif. Mais dans un monde où le fromage en tube existe, les idéaux eux sombrent. Le problème majeur de l’équilibre vie pro - vie perso réside dans la façon dont les entreprises l’appliquent. C’est à dire plutôt mal. 

Dans cet article, on va vous parler du pourquoi, du comment mais surtout du “que faudrait-il faire pour que cela fonctionne vraiment ?”.  

Pourquoi les entreprises s’y sont mises ?

Les modes de vie ont évolués 

Tout se passe au tournant de notre siècle lorsque le débat sur les inégalités femmes-hommes prend de l’ampleur et amène de nombreux changements sociétaux : les femmes travaillent de plus en plus, certains secteurs se féminisent largement, le nombre de divorces explose et les familles monoparentales se multiplient. La gestion du travail au foyer doit être réinventée pour épouser ces nouveaux modes de vie.

La technologie le permet ! 

Bien évidemment, l’évolution et l’accès à la technologie jouent un rôle clé dans l’adoption de nouveaux modes de travail. Travailler à 100% de chez soi, il y a 30 ans, c’était inenvisageable. Aujourd’hui, les yeux rivés sur l’écran et un portable greffé à l’oreille, travailler à distance est bien possible pour de nombreux métiers et de nombreuses structures. 

Bim, c’est la naissance du work life balance

De ces deux évolutions majeures - sociétale et technologique - est née cette nouvelle organisation du travail : l’équilibre vie pro - vie perso. Concrètement, c’est l’art de concilier la vie professionnelle et la vie personnelle et de pouvoir profiter pleinement des deux sans négliger l’une ou l’autre. 

Dès lors, les entreprises prennent le taureau par les cornes pour faciliter la vie de leurs salariés : flexibilité des horaires, télétravail, aménagement du temps de travail selon les contraintes parentales, offre sportive, culture du feedback, perspectives d’évolutions transparentes, crèches d’entreprises etc. L’objectif ? Avoir des salariés plus motivés, plus engagés et donc plus performants. 

💡 Différence culturelle - On notera que si l’expression work life balance en anglais se traduit littéralement par “équilibre travail-vie”. le Français décide de ne pas opposer les notions de “travail” et de “vie” mais bien de parler de deux vies qui coexistent : la vie professionnelle et la vie privée (ou personnelle selon les usages).

Les comptes ne sont pas bons, Kévin !

Des salariés et des entreprises volontaires 

Les salariés sont convaincus de l’importance de cet équilibre et les entreprises suivent le pas. En témoignent ces quelques chiffres :  

  • 73% des entreprises proposent des horaires flexibles. 
  • La pratique du télétravail est en constante augmentation depuis une dizaine d’années. Elle a littéralement explosé depuis la crise sanitaire et grand nombre d’entreprises comptent poursuivre cette politique. 
  • 52% des entreprises côtées en Bourse proposent des berceaux en crèche à leurs salariés contre 2% il y a 10 ans. 
  • 83% des décisionnaires considèrent que l’équilibre vie pro - vie perso devrait représenter un enjeu central à l'avenir.
💡 “Alors qu’en 2017 seulement 3% des salariés télétravaillaient au moins 1 jour par semaine, le télétravail a concerné 34 % des salariés durant le confinement décrété de mars à mai 2020”, selon le site du gouvernement.

Bref, tout semble être en ordre de marche pour avoir des salariés satisfaits, engagés et donc en bonne santé. Et pourtant… 

L’envers du décor n’est pas si réjouissant

Aujourd’hui, malgré la bonne volonté de grand nombre d’entreprises et de salariés, les résultats sur la santé et le moral des salariés ne sont pas au rendez-vous. 

Une augmentation des burn outs 

“10 000 affections psychiques reconnues en accident du travail chaque année ; dont 600 au titre de maladies professionnelles. Ces dernières ont été multipliées par 7 en cinq ans.” Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg.  

Des salariés en manque de reconnaissance 

D’après une étude publiée par DARES en 2019, un tiers des salariés souffre de manque de reconnaissance et s’estiment mal ou très mal payés par rapport au travail réalisé. 

En 2020, des résultats mitigés 

Selon un article de France Inter, “1/3 des télétravailleurs déclarent que le télétravail en période de confinement a eu un impact négatif sur leur santé physique et psychologique.” 

De nombreuses conséquences directes sont observées : dégradation des postures de travail, des pratiques alimentaires et du sommeil, incapacité à se déconnecter du travail, augmentation de la charge mentale et du niveau de stress pour un tiers d’entre eux depuis la crise. 

👉 Un constat brutal, mais réaliste. C’est à se demander ce que fait la police l’entreprise ? 

Qu’est-ce que l’entreprise n’a pas compris dans l’équilibre vie pro - vie perso ? 

Les différences de besoin 

L’erreur de nombreuses entreprises est de vouloir le beurre et l’argent du beurre. Donner de la liberté aux salariés tout en souhaitant les cadrer. Elles vont, par exemple, jouer le jeu des horaires flexibles ou du télétravail, mais en imposant les mêmes horaires et les mêmes jours de télétravail à tous, sans demander leur avis aux concernés. L’avantage de ces nouvelles organisations, ne l’oublions pas, et de pouvoir personnaliser son emploi du temps. Un aidant n’aura pas les mêmes besoins qu’un jeune papa. Si cadre il y a, il doit envisager plusieurs scénarios et s’adapter aux besoins des salariés. 

Le présentéisme

Selon une étude Glassdoor de 2019, 25% des Français pratiquent ce qu’on appelle le désengagement invisible ou présentéisme. Si vos collaborateurs sont gênés d’arriver les derniers au bureau, estiment qu’il est mal vu de partir avant 18h et réalisent des tâches personnelles pour “passer le temps”, c’est du présentéisme. Sans parler de ceux qui traitent leurs mails à 23h, sans que ce soit nécessaire. 

Une aberration lorsqu’on sait que dans beaucoup de pays comme les pays nordiques ou encore l’Allemagne, un temps de présence excessif est perçu comme un manque d'efficacité. 

Le présentéisme est inscrit dans une culture managériale “à la française” très ancrée dans les entreprises. Elle est basée sur le contrôle, la compétition et le temps passé au bureau comme seul outil de mesure de l’engagement des salariés. 

Dans ce contexte, l’équilibre vie pro - vie perso est le hippie des organisations du travail. 

La charge de travail 

Selon l'enquête “Contraintes physiques et intensité du travail” réalisée par la Dares et parue en 2018, 40% des salariés estiment que leur charge de travail est excessive. Dans ces conditions, peu importe toutes les mesures que l’entreprise mettra en place pour faciliter la vie des salariés. 

Cette même étude montre qu'au-delà de 39h par semaine, la vie personnelle passe au second plan. Seuls 28,9 % des répondants cumulent les 4 critères retenus indiquant une charge de travail “supportable” sous tous les aspects : pouvoir prendre tous ses congés, avoir une quantité de travail modérée, ne pas se voir fixer des objectifs intenables, avoir le temps de faire correctement son travail.

Le poids de la discipline

À en croire les nombreux articles porteurs de conseils sur le télétravail, la discipline du salarié est clé pour que ce soit un succès : "apprenez à déconnecter”, “coupez vos notifications”, “créez-vous un espace de travail”, “mangez équilibré”, “faites du sport”, etc. 

Dans ce monde idéal où tout un chacun est doté d’une discipline sans faille et où les salariés de France et de Navarre sont tous égaux dans leur rapport au travail : ça peut fonctionner. Mais à l’heure des confinements, une chose est sûre : nous ne vivons pas dans un monde idéal. Le poids de cette organisation du travail ne doit pas reposer sur les seules épaules du salarié. 

Le coup de pub’ pour attirer les talents

Combien d’entreprises mettent en avant l’équilibre vie pro - vie perso pour attirer les talents mais n’en font rien ? Selon Corinne Hirsch, administratrice du Laboratoire de l'égalité dans une interview pour l’Express : “Environ 20% de ces entreprises dites concernées sont dans une démarche d'affichage". 

C’est pas jojo

L’espoir déchu des salariés 

Le modèle du work life balance n’est pas une fin en soi. Si le salarié ressent une insatisfaction vis-à-vis de l’entreprise ou du poste qu’il.elle occupe, un meilleur équilibre entre sa vie pro et sa vie perso ne rectifiera pas le tir. Bien au contraire. Puisque nous avons tendance à ramener nos problèmes à la maison le soir, cette insatisfaction sera source de mal-être même en dehors du bureau. 

Dans la réalité, qu'est-ce qui fonctionne ?

Une culture authentique, des recrutements précis

La méthode organisationnelle fait partie d’un tout. Ce tout, c’est la culture d’entreprise. Les valeurs, la vision, les rituels doivent être alignés. Et pour que cela fonctionne, deux éléments sont clés : 

  • la vision (et la personnalité) du fondateur qui insuffle la culture d’entreprise ;
  • le recrutement. La mentalité de chaque nouvel arrivant doit être en alignement parfait avec la culture d’entreprise. Surtout lors du recrutement des managers. 
💡 Si un manager estime que la présence d’un employé sur le lieu de travail est signe d'engagement dans une organisation globale prônant l’équilibre vie pro-vie perso. Il y a probablement une erreur de casting.

Les managers, garants du respect du work life balance

C’est au manager de faire comprendre à ses équipes qu’elles peuvent partir à 18h, sans conséquences. Ou leur faire comprendre qu’il.elle n’attend pas de réponses de leur part à 23h. Mieux encore, le.la manager doit donner l’exemple et ne pas faire les erreurs dont nous avons parlé précédemment. Après tout, pour le bien-être de son équipe, c’est son bien-être qu’il.elle doit préserver. 

La confiance ou rien 

Nombreux sont les managers imaginant leurs salariés en train de se refaire l’intégrale de Games of Thrones au lieu de travailler dès lors qu’ils sont à distance. Une erreur de débutant, puisqu' il a été prouvé par différentes études et notamment celle de Malakoff Humanis en 2020, que le télétravail contribue à l’augmentation des performances.

💡 “51% des dirigeants qui proposent le télétravail estiment qu’il contribue à faire baisser l’absentéisme au sein de leur entreprise. Ainsi, la mise en place du télétravail a une incidence réelle sur la performance des entreprises.”

Instaurer un climat de confiance entre le salarié est l’entreprise permettra à tous d’avancer ensemble sur des bases saines. 

Le rôle du manager s’arrête là où celui de ses équipes commence 

Le concept est simple : des équipes responsabilisées et des managers responsabilisants. 

Dans un premier temps, cette méthode permet au salarié de s’épanouir en le laissant prendre des initiatives, des décisions, mener de front ses projets et en les assumant de A à Z.

Dans un second temps, cela permet au manager de partir en vacances 15 jours sans avoir besoin de rester collé à son téléphone. C’est la fameuse méthode MBA ou Management By Absence prônée par le fondateur de Patagonia, Yvon Chouinard. 

L’entreprise, moteur de l’équilibre vie pro-vie perso

Au regard de tous ces éléments, faut-il encore distinguer vie pro et vie perso ? Oui, il le faut. Mais il est important de les faire cohabiter de manière plus intelligente, plus fluide. Et c’est à l'entreprise d’assurer ce rôle. 

Lors d’une récente étude, “64% des salariés interrogés déclarent que leur employeur «ne fait pas beaucoup de choses» pour les aider à partager leur temps entre la maison et le bureau.”

Que neni ! Il ne tient qu’à l’entreprise de faire en sorte que les managers respectent les temps de repos si précieux au bien-être des salariés, soient à leur écoute pour pallier les frustrations, instaurent un climat de confiance, etc. 

Quand elle s’intègre dans la culture de l’entreprise et qu’elle est appliquée en fonction des besoins des équipes, la méthode a toutes ses chances. 

Le premier effet Kiss Cool ? Des salariés engagés et épanouis dans leur travail. Le deuxième effet Kiss Cool ? Des salariés plus productifs, plus efficaces, moins malades et par ricochet des managers plus sereins et des entreprises plus performantes. 

In fine, tout le monde dort sur ses deux oreilles.

Solène Cornec

Créatrice de contenu @Swile

Solène, créatrice de contenu chez Swile, travaille depuis plusieurs années sur toutes les problématiques de la vie au travail et du futur […]

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