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Faut-il vraiment faire ses réunions en marchant… pour être plus efficace ?

Depuis l’Antiquité, nombre de penseurs se sont laissés aller aux déambulations intellectuelles. Est-ce à supposer que la marche nous permettrait de mieux réfléchir ? C’est la question soulevée par le philosophe, Roger-Pol Droit, et le neurologue, Yves Agid, dans l’ouvrage “Je marche, donc je pense” (Albin Michel).


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Mais pourquoi tant de philosophes ont fait l’éloge de la marche comme étant le meilleur moyen de faire jaillir la pensée ? Tandis que chez Platon, Socrate et toute la clique des Grecs, on ne discute de l’essence de l’être qu’au détour d’une balade en spartiates (une véritable habitude culturelle), d’autres philosophes sont allés encore plus loin en préconisant la marche comme outil pour accéder à une meilleure pensée.

Marcher, penser, l’un ne va pas sans l’autre, dit Montaigne. Rousseau affirme avoir fait éclore ses meilleures idées en marchant de la Suisse à Paris. Quant à Nietzsche, il considère que seules les pensées qu'on a en marchant valent quelque chose”, nous rappelle Roger-Pol Droit.

Alors, le philosophe a émis l’hypothèse que la pensée serait comme une marche mentale parmi les idées et les mots, et qu’il existerait un lien intime entre la marche et l’activation de la pensée. Pour en avoir le cœur net, le voilà en train de flâner et converser avec son ami neurologue afin de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau. C’est ainsi qu’est né leur ouvrage “Je marche donc je pense” (Albin Michel).

Une marche sur le fil (de la pensée)

Parce qu’elle est le propre de l’Homme, la marche debout résulte d’une mécanique complexe. Si on l’observe de plus près, elle se rapproche d’une forme de chute entamée puis rattrapée et recommencée, comme si nous étions en déséquilibre permanent. “J’y ai vu une analogie avec la pensée créative qui consiste à déséquilibrer nos certitudes et évidences pour accéder à de nouvelles hypothèses. Pour avancer, nous devons sans cesse questionner nos appuis”, relève Roger-Pol Droit. Mais alors, l’ancrage de la pensée pourrait-il être lié au mécanisme physiologique de la marche ?

D’après le neurologue, l’hypothèse du philosophe tient debout, car aucun élément scientifique ne vient la contredire, mais elle reste à démontrer. En revanche, on peut tâcher de mieux comprendre comment fonctionne la marche d’un point de vue cérébral pour tenter d’y voir plus clair.

Marcher… c’est apprendre à créer

Quand un bébé apprend à marcher, ses mouvements se décident au niveau du cortex préfrontal, qui est la zone la plus élaborée de notre cerveau, celle qui nous différencie des autres espèces. “Le plan de marche est très complexe : il faut allier à la fois la locomotion, l’équilibre et la posture. Fort heureusement, une fois ce plan mémorisé, la marche devient automatique et nous n’avons pas conscience de tout ce que nous devons exécuter”, explique Yves Agid.

Une fois maîtrisée, la marche vient alors se loger dans la structure la plus ancienne de notre cerveau, au niveau des noyaux gris centraux, même si cette zone communique avec le cortex préfrontal. “On peut supposer que la marche, en tant que comportement automatique, libère le cortex préfrontal qui est le siège de la pensée élaborée. Dégagé de toute contingence, l’esprit peut flâner ce qui peut être source de pensées nouvelles dont certaines ont de la valeur. C’est ce que l’on va appeler la créativité”, poursuit le neurologue.

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La légende raconte que Facebook recruterait en marchant

Preuve que les bienfaits de la marche n’intéressent pas seulement les philosophes, certains géants de la Silicon Valley ont décidé de faire des réunions en marchant. Ainsi, LinkedIn et Facebook ont mis sur pied des réunions nommées “co-walking” ou “walk and talk”. D’après Jeff Weiner, patron de LinkedIn, les réunions en marchant permettraient “d’éliminer les distractions. Quant à Mark Zuckerberg, le big boss de Facebook, il déciderait de l’embauche de ses collaborateurs après avoir partagé un temps de marche avec eux (on comprend mieux pourquoi les sneakers sont obligatoires).

En 2014 déjà, une conférence TED de l'auteure Nilofer Merchant parlait de ces réunions en marchant. Depuis, elle a été visionnée plus de trois millions de fois, preuve de l’engouement que suscite cette proposition.

Mais alors, faut-il faire ses réunions en marchant ?

Alors, faudrait-il généraliser la marche au bureau pour voir notre cerveau s’allumer d’idées de génies ? Pas si vite. Non, il ne suffit pas de marcher pour penser mieux. Autrement, les personnes privées de l’usage de leurs jambes seraient dépourvues d’accès à la pensée créative.

Un grand philosophe comme Hegel, toujours représenté assis devant son bureau, marchait très peu. “Il était ce que Nietzsche appelait un “cul de plomb”. Pour autant, cet immense penseur est l’inventeur de la “marche de l’Histoire” et de la “marche de l’esprit”. On lui doit la “dialectique des choses”, qui nous explique que c’est à travers les mots, les phrases et les arguments que nous avançons dans la pensée”, illustre Roger-Pol Droit.

De son côté, le neurologue ne croit pas non plus à une recette miracle qui ferait de la réunion en marchant un outil de performance au travail, notamment car lorsque nous marchons, notre attention peut être détournée par notre environnement. “De plus, les idées émergent souvent après avoir marché”, ajoute Yves Agid. Alors, leur conseil serait finalement d’aller marcher avant de faire ce fameux brainstorming qui vous fait d’avance transpirer. Et de conclure en chœur : “Marchez, il en restera toujours quelque chose !”

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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