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Le “Lagom” : Travailler ni trop peu, ni pas assez, juste ce qu’il faut. La vraie recette du bonheur venue de Suède ?

Voilà un long moment que les territoires scandinaves n’offrent aucun répit à leurs concurrents : ils sont toujours au sommet des pays les plus heureux du monde. Cela tient certainement à leur philosophie de vie, à l’image du lagom fraîchement venu de Suède. Mais de quoi s’agit-il ?


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Vous avez déjà entendu parler du hygge made in Danemark ? Voici son pendant suédois, le lagom. Le concept ? Pratiquer l’art du “ni trop, ni trop peu” dans tous les pans de sa vie. Qu’il s’agisse de la déco, la mode ou encore de l’équilibre entre vie pro et perso, le lagom est partout. Une quête permanente du juste équilibre : “pas trop chaud/pas trop froid, pas trop bavard/pas trop discret, pas trop court/pas trop long… Avec le lagom, on peut parler des gens, objets, de la température, du temps, de la taille”, nous explique Connie Zagora, suédoise exilée à Lyon et fondatrice du Kitchen Café.

Mais pourquoi sont-ils si heureux ?

Pour Malene Rydahl, conférencière et executive coach franco-danoise spécialisée dans les thématiques du bien-être et de la performance en entreprise, le lagom est symptomatique d’un esprit de consensus propre à l’esprit scandinave. Ce sont des sociétés très centrées sur la collectivité et le partage, où l’élitisme n’est pas présent. Cela s’explique par l’héritage protestant qui prône le groupe avant l’individualisme”, analyse la spécialiste.

Dans les pays du Nord, pas question de tirer la couverture à soi (même s’il fait froid - pardon c’était trop facile). Ce serait mal vu, et surtout, mal vécu ! Dans son livre Heureux comme un Danois, Malene explique : “on se sent mieux lorsque l’autre va bien. À l’inverse, s’il n’y a pas assez pour l’autre, cela va nous déranger”. Et ce ne sont pas que des belles paroles : dans les pays scandinaves, l'écart entre les salaires des patrons et des employés est la plus basse du monde, Norvège en tête.

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Un art qui s’apprend dès l’école

Trouver le juste milieu, cela n’est pas inné, mais s’apprend dès tout petit. “C’est présent dans nos mœurs et nos comportements, dès l’école puis dans la vie de tous les jours”, explique Connie Zagora. Dans les pays scandinaves, l’objectif de l’école est de développer la sécurité psychologique des enfants : oser poser des questions, émettre une idée, ne pas avoir peur de se tromper. C’est aussi mettre tous les talents sur un même pied d’égalité, qu’ils soient manuels, mécaniques ou créatifs. “Cela permet d’être dans le respect et l’acceptation de l’autre, ce qui contribue à l’équilibre”, souligne Malene Rydahl.

Au travail, cela donne ensuite des adultes qui ne craignent pas les non-dits et osent s’exprimer. Les travailleurs se sentent ainsi valorisés, écoutés et considérés, libres d’être eux-mêmes. Les piliers de l’engagement selon notre experte.

L’ambition, un gros mot dans le grand Nord ?

Mais du coup, si l’on est en permanence dans le ni trop, ni pas assez, peut-on être ambitieux ? Pour Malene Rydahl, c’est effectivement le revers de la médaille : “en France, on stimule énormément les talents intellectuels pour faire en sorte qu’ils deviennent les meilleurs du monde. C’est moins le cas dans les pays scandinaves où le but n’est pas de devenir le meilleur mais de vivre en harmonie en collectivité”.

Bien sûr, il demeure possible de sortir de la norme dans les pays du Nord, mais toujours avec humilité. D’ailleurs, la modestie n’empêche visiblement pas l’excellence comme le fait par exemple que Copenhague soit la seule capitale gastronomique à avoir émergé ces 15 dernières années.

Le lagom, ou comment faire vivre conjointement vie pro et perso

Parce qu’il s’agit d’une “façon d’être qui touche aussi bien au privé qu’au pro”, nous explique Connie, le lagom permet aux Suédois de vivre tous les pans de leur vie en harmonie. Autrement dit, les scandinaves ne cherchent pas forcément à compartimenter leur vie, mais à les faire coexister en bonne intelligence. Là-bas, les journées de travail commencent tôt et se finissent sur les coups de 16 ou 17H, quel que soit le niveau hiérarchique.

Ici, il est tout à fait admis que la vie personnelle prenne le dessus à certains moments. On compte simplement sur la responsabilité des gens pour rattraper si nécessaire à un autre moment”, analyse Malene. Dans le cas du Danemark, il faut savoir que la majorité des enfants de moins de 13 ans travaillent pour gagner de l’argent de poche, et que la totalité de la population est imposable dès lors qu’elle gagne un salaire.

Le courage de la nuance

Pour créer ce sentiment de collectivité propre aux pays scandinaves, tout repose donc sur la confiance, en soi, et en les autres. “Il est intéressant d’observer qu’à l’inverse, les Français se sentent souvent illégitimes ou au contraire supérieurs aux autres”, analyse Malene, comme s’il nous était particulièrement difficile de trouver ce fameux équilibre.

Dans les pays scandinaves, le bon manager est avant tout authentique, permettant aux autres d’être tels qu’ils sont parce qu’il a appris à se connaître lui-même. L’empathie et la reconnaissance sont ainsi les corollaires de cet état d’esprit qui privilégie le bien-être et la qualité de la relation. “Car qu’est-ce qu’une bonne relation sinon le sentiment de sentir vu, compris et accepté ?”, lance notre experte.

Trois questions pour avoir la recette du bonheur

Trouver le juste équilibre peut ainsi s’apparenter comme la quête d’une vie. Et de l’avis de Malene Rydahl, apprendre à composer avec l’environnement qui nous entoure est sans conteste le plus difficile. Selon elle, trois questions sont déterminantes dans la recette du bonheur : comment est le monde qui m’entoure ? Comment sont les autres ? Et moi, comment suis-je ?

Ces trois paramètres vont déterminer notre perception de la réalité. À chaque seconde, nous avons 11 millions d’informations à notre disposition, et nous n’en collectons pas plus de 40. C’est ce qui explique que ce que nous imaginons peut devenir une prophétie autoréalisatrice”, affirme notre interlocutrice.

Pour finir, elle nous invite à pratiquer le “courage de la nuance”, titre d’un ouvrage de Jean Birnbaum qui s’ouvre sur ces paroles de Camus : "Nous étouffons parmi des gens qui pensent avoir absolument raison". Car la radicalité ne nourrit pas la relation, elle sépare les individus. À l’inverse, le lagom - ou l’art de la nuance - crée des ponts et tisse des liens pour le bonheur de tous.

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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