Les process de recrutement longs : bonne ou mauvaise idée ?
Jamais deux sans trois. Ou quatre. Ou cinq. Et plus si affinités. Il n’est pas rare aujourd’hui que les candidats soient cuisinés lors de process de recrutement longs, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un (au fond de la marmite). Mais cette pratique ne fait pas l’unanimité chez les recruteurs. Alors, chacun y va de sa propre recette et nous livre ses pour et ses contre.
Mais c’est quoi au juste un process long ?
Selon une étude de Glassdoor, « Why Is Hiring Taking Longer? » (Pourquoi embaucher prend plus de temps ? en VF), la France est le pays où le processus d’embauche prend le plus de temps (31,9 jours). Mais à partir de quand peut-on considérer qu’un process de recrutement est long ?
De l’avis de Jean-Florian Chevalier, Head of Talent & People chez Boondmanager, un processus de recrutement devient long lorsqu’il dure plus de 3 ou 4 étapes. Sa vision est qu’un process constitué d’un premier entretien RH, d’un cas pratique à faire chez soi suivi d’une restitution avec le hiring manager, puis d’un dernier tour avec un C Level ou fondateur, est amplement suffisant.
Contre les process de recrutement longs
- Être candidat, ce n’est pas un métier
Entre les multiples entretiens à passer, les cas pratiques à préparer, voire la journée d’immersion à concéder, certains candidats consacrent énormément de temps à la phase de recrutement. Or, cela peut être difficile, notamment pour les talents qui sont déjà en poste et ne peuvent pas poser des jours à tour de bras. Ainsi, 1 manager sur 2 a déjà renoncé à un poste qui l’intéressait à cause d’un process qui s’éternisait.
“Être candidat, ce n’est pas un métier”, affirme avec justesse l’École du recrutement. De surcroît, “il s’agit d’un moment souvent stressant, dans lequel on peut éprouver de la perte de confiance en soi, où l’on refait le match, où l’on peut se démotiver. Et forcément, plus on augmente le nombre d’étapes, plus on augmente le niveau de stress”, souligne Jean-Florian Chevalier.
- Un risque pour la marque employeur
Un process long peut avoir un impact sur la marque employeur, notamment selon le temps d’attente entre les étapes. “Je considère que ne pas donner de réponse sous 72H entre chaque rencontre constitue un intervalle trop long, même s’il y a bien sûr des impondérables. Dans ce cas, il convient de bien prévenir le candidat qu’il ne va pas avoir de réponse tout de suite”, affirme notre interlocuteur.
Mais dans le cas contraire, le silence peut plomber l’expérience candidat, et avoir des répercussions plus globales sur la marque employeur quand on sait que 2 candidats sur 3 pensent que les process s’étalent trop dans le temps, et qu’ils sont 92% à parler à leur entourage de leur expérience négative selon une étude menée par Robert Walters. On peut aussi souligner que plus un candidat avance loin dans un process long, plus sa déception sera grande de rater la dernière marche, pensant peut-être que la partie était déjà pliée.
- Des candidats courtisés qui se volatilisent
Le dernier risque d’un process trop long, et pas des moindres, est de perdre les meilleurs candidats, surtout dans certaines professions où l’offre et la demande ne sont pas équilibrées. "Face à la pénurie de candidats dans certaines zones géographiques tendues, il peut m’arriver de procéder à des recrutements accélérés. Récemment, j’ai recruté un maçon en Ile-de-France en seulement 48h ! Par ailleurs, des recrutements trop longs peuvent indiquer au candidat que l’entreprise a du mal à prendre des décisions. Cela ne motive pas le candidat pour rejoindre les rangs de la société”, plaide Jacques-Alexandre Hesnard, recruteur au Mercato de l’Emploi en Île-de-France.
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Pour les process de recrutement longs
- Des process complets
Du côté des partisans des recrutements dits longs, on a aussi de solides arguments à opposer. Avec un process en 6 étapes, Pierre, CTO dans une entreprise du Next 40 qui préfère demeurer anonyme, n’estime pas mener de recrutement à rallonge. “Toutes nos étapes sont différentes, il n’y a pas de redite. Nous sommes très clairs au démarrage sur ce qui attend le candidat. En revanche, nous essayons de regrouper au maximum les étapes pour ne pas prendre trop de temps aux candidats”, nous explique-t-il.
De plus, il affirme que ces étapes, et notamment la journée d’immersion, sont appréciées des candidats en ce qu’elles leur permettent de se projeter plus facilement dans leur prochain job, de découvrir un maximum de personnes avec qui ils vont interagir, et ainsi de se faire un tableau plus précis de la culture d’entreprise.
- Des candidats qui aiment la difficulté
L’autre raison est que pour certains candidats, se frotter à un process de recrutement complexe peut jouer en faveur de l’entreprise. “Nous avons des tests techniques très poussés, et nos candidats nous disent régulièrement apprécier de pouvoir mesurer leur niveau par rapport aux autres”, lance Pierre.
Une étude menée par Glassdoor a démontré qu’une augmentation de 10% de la difficulté des entretiens correspond à une augmentation de 2,6% de la satisfaction des candidats. La raison étant que ces candidats, qui cherchent par la suite à monter en compétences dans l’entreprise, peuvent avoir l’impression que le challenge ne sera pas au rendez-vous s’ils passent les entretiens finger in the nose.
- Une diminution de la prise de risques
Si Pierre plébiscite son process en 6 étapes, c’est aussi car qu’il prend très à cœur son rôle de recruteur. “Ma hantise est de devoir rompre une période d’essai, surtout quand j’ai fait venir quelqu’un qui avait déjà un emploi. Alors j’estime que je minimise le risque d’erreurs en essayant d’avoir un process le plus complet possible”, affirme-t-il.
Finalement, plus que le nombre d’étapes, c’est plutôt la durée des process de recrutement qui a tendance à évoluer à la baisse : 29 % des employeurs ont considérablement réduit leur durée, en passant moins de 3 semaines sur un recrutement selon une étude Cadremploi datant de début 2023.
De plus, tous nos recruteurs s’accordent à dire que la communication est centrale durant tout le process. Or, d’après une étude menée par Randstad, près d’un tiers des entreprises ne donnent pas de nouvelles aux candidats rencontrés. Alors, process à rallonge ou non, la première des mesures à prendre pour ne pas plomber sa marque employeur est de cesser de ghoster les candidats. Élémentaire !