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Exit la marque employeur, bonjour la marque employé.e ?

Tout recruteur qui se respecte a à cœur de la développer : la fameuse marque employeur. Et pour cause, quand elle est parfaitement bétonnée, elle augmente de 50% le nombre de candidatures très qualifiées (source : LinkHumans 2022).  Mais le monde change et les messages corporate ont de plus en plus de mal à émerger face à la déferlante du User-generated Content. Dans le monde des RH, la marque employeur va-t-elle donc laisser place à la marque employé.e ?


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La promotion des valeurs de “bienveillance, excellence, capacité à se remettre en question”, la proposition d’un package “attractif”, des photos de collaborateurs le sourire aux lèvres, arborant leur sweat-shirt corporate : d’une entreprise à l’autre, ya parfois comme un goût de mi-michto - ou du moins - de déjà vu. “Les pages vitrines d’entreprises sont parfaitement polishées, mais représentent-elles réellement ce qui se passe en interne ?”, s’interroge Jeremy Tene, Head of People chez Jump.

Lui-même nous avoue être tombé dans le piège en intégrant la startup il y a 2 ans. Au démarrage, de manière un peu scolaire, il essaie de remplir le cahier des charges de la marque employeur idéale. Mais six mois plus tard, le décalage entre la réalité et la vitrine lui semble quelque peu absurde. “Nous étions une très jeune boîte, encore en train d’itérer sur nos rituels. Certaines personnes que l’on voyait en photos ou vidéos n’étaient même plus dans la boîte, et nos guidelines avaient évolué”, se souvient-il.

Remettre le collaborateur au centre du jeu

C’est à ce moment-là que Jeremy décide de faire le chemin inverse : partir des collaborateurs pour créer non pas sa marque employeur, mais sa marque employé.e. Et tout cela lui est inspiré par ce qui se passe côté clients. La particularité de Jump - qui réinvente le portage salarial - est que ses clients sont aussi quelque part ses employé.e.s.

En effet, Jump “salarie” les indépendants qui adhèrent à son service, leur permettant de convertir leurs factures en bulletins de paie. “Je me suis rendu compte que ce qui était le plus puissant en matière de branding, ce n’était pas une belle landing page, mais lorsque l’un de nos client-salarié faisait un retour positif sur notre plateforme de manière spontanée”, raconte-t-il.

C’est un peu comme si on faisait de l’UX, mais pour les RH”

Alors, puisque le produit est totalement drivé par les feedbacks des utilisateurs, pourquoi ne pas transposer cela à la marque employeur ? Et si on s’appuyait sur les collaborateurs pour forger une marque employé.e ? Car quoi de plus puissant que des collaborateurs qui s’expriment de leur propre chef sur leur entreprise Chez Jump, le grand saut a donc été effectué. Les employés sont désormais au centre de tous les process RH déployés. “C’est un peu comme si on faisait de l’UX, mais pour les RH. Nous sommes vraiment centrés sur l’expérience de nos collaborateurs”, affirme Jeremy Tene.

Par exemple, ces derniers sont consultés avant la mise en place d’un avantage salarié pour s’assurer qu’il est vraiment pertinent à leurs yeux. Les employés ont également été sollicités pour co-construire les valeurs de Jump lors d’un antibrainstorming. Il s’agissait de définir ce qu’était Jump en partant de ce que la startup n’était pas : “en faisant ce travail inverse, cela nous a permis d’ériger des valeurs qui sont vraiment connectées avec la réalité de notre travail au quotidien”, explique-t-il. Des valeurs qui infusent ensuite tous les process, comme par exemple la grille d’évaluation de l’entretien annuel.

💡 3 chiffres à retenir

Et si l’imperfection était la vraie communication ?

Une conviction partagée par Stéphane Barbot, spécialiste du secteur, qui se questionne sur l’avenir de la communication interne traditionnelle : “il se pourrait bien que la communication employé.e sonne son glas”. Convaincu de ce changement de paradigme, l’entrepreneur a créé un label pas comme les autres : le Must Employer, décerné par… les employés !

Concrètement, le Must Employer permet aux salariés de télécharger des assets pour leur page LinkedIn (exemple ici) : mettre un tampon #fier sur leur photo de profil, et afficher un bandeau dans lequel une phrase explique pourquoi ils sont fiers de leur entreprise. Le label est ensuite décerné à l’entreprise selon le pourcentage d’employés qui ont choisi d’utiliser ces assets sur leur profil (5% des collaborateurs au bout de 3 mois, 8% au bout de 6 mois, et 10% au bout d’un an). “Pour les entreprises, c’est extrêmement gratifiant que leurs collaborateurs fassent ce choix. Et en externe, c’est un signal très rassurant pour un candidat”, affirme-t-il.

Mais le plus intéressant dans tout ça, c’est que les entreprises - y compris les très grands groupes dont on pourrait imaginer la communication employeur très vissée - ont choisi de laisser champ libre à leur collaborateur pour que chacun puisse dire ce qui le rend fier dans son entreprise”, relate Stéphane Barbot. Pas de slogan corporate donc !

De manière générale, cet expert de la communication RH rencontre de plus en plus de sociétés qui préfèrent laisser leurs salariés totalement libres dans leur communication, quitte à ce que le design d’un visuel ou l’orthographe d’un post soient approximatifs. “Personnellement, je suis parfois un peu partagé sur cette pratique, mais les entreprises sont convaincues qu’un contenu parfaitement authentique aura plus de portée”, poursuit-il. Et puis, les salarié.e.s qui décident de s’exprimer publiquement le font rarement pour pilonner leur entreprise.

💡 Quelle différence entre la marque employé.e et l’employee advocacy ? La construction de la marque employé.e (ou plutôt de la communication employé.e) suggère de laisser les collaborateurs totalement libres de s’exprimer sur l’entreprise. Un programme d’employee advocacy est davantage contrôlé en amont par les services RH ou la Direction d’une entreprise.

Et les dirigeants dans tout ça ?

Glisser de la marque employeur à la marque employé.e pose tout de même une question centrale : quid de la vision et de la mission définies par les fondateurs ? Quand on parle de culture d’entreprise, on ne peut pas faire l’impasse sur l’ADN défini par les fondateurs. Bien sûr, les valeurs et la mission peuvent évoluer avec le temps, mais comment raccrocher les wagons ? Comment laisser les collaborateurs créer leur marque employé.e, tout en restant connectés à la vision des dirigeants ?

Pour Jeremy Tene, il est effectivement essentiel que les collaborateurs soient bien au clair sur la vision et la mission définies en amont. Cela peut se faire notamment via des sondages réguliers. Ensuite, d’un point de vue très opérationnel, c’est le board qui matérialise la vision et mission des fondateurs, en les transformant en objectifs et résultats clefs (la méthode OKR). Ensuite, les objectifs individuels, coconstruits avec les salariés, permettent de boucler la boucle. “C’est un travail de reverse engineering pour faire en sorte qu’il n’y ait pas de dissonances. Il faut sans cesse monitorer la compréhension et l’adhésion aux valeurs, à la mission et vision”, ajoute-t-il.

La marque employé.e, ça peut vraiment marcher partout ?

S’éloigner d’une vision corporate pour laisser les employés s’exprimer à leur guise sur les réseaux sociaux : c’est clairement le futur. Reste qu’il y a une condition sine qua none à remplir. “Il faut que la culture d’entreprise y soit propice, que la libération de la parole soit vraiment ancrée, et ce depuis longtemps. Je crois aussi que cet élan doit être insufflé par la Direction générale. Je suis convaincu que c’est un sujet très stratégique, de vision globale, qui dépasse le caractère opérationnel de la  marque employeur. Nous sommes ici à la frontière entre l’identité employeur (son ADN, les incarnations et les éléments concrets qui constituent l'entreprise) et le style managérial ”, affirme Stéphane Barbot. Surtout, notre interlocuteur insiste sur l'instauration d’un lien de confiance direct entre les collaborateurs et la Direction.

Les collaborateurs doivent aussi pouvoir bénéficier des bons outils pour amplifier la portée de leur prise de parole sur les réseaux sociaux, sans pour autant être bridés dans leur communication. Bref, un lâcher prise qui ne s’improvise pas, mais récompensera les entreprises où il fait (vraiment) bon vivre.

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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