“Moi, RH, la data m’a rendue polyglotte”
Un don qui est encore insoupçonné et peu répandu chez les RH. Saviez-vous qu’il ouvre des portes? Une tribune signée Frédérique Clappier.
Difficile de se comprendre
Avant, quand j’échangeais avec mon CFO, j’avais parfois l’impression qu’il me parlait chinois. Toutes mes demandes, notamment pour obtenir un peu plus de budget, étaient systématiquement remises en question. Avec mon CEO, ce n’était pas simple non plus de se comprendre et je me sentais un peu agressée par ses préoccupations sans cesse portées sur la rentabilité et l’optimisation des coûts. Ces échanges, parfois ubuesques, à tenter de les convaincre m’épuisaient ; c’était comme si je prêchais dans un désert, entourée de RH-sceptiques.
Et puis un jour, j’ai compris.
Le déclic
Un vrai déclic s’est opéré en observant ma collègue CMO défendre ses demandes budgétaires à force de tableaux, diagrammes, courbes et employant des notions financières. Mon CEO et mon CFO avaient l’air satisfaits et interagissaient positivement avec elle. C’était une évidence. Pour me faire comprendre, il fallait que je parle “Data”.
Data avec les indicateurs financiers qui intéressaient mon CFO, data avec les indicateurs de productivité et de rendement pour mon CEO, etc. L’essentiel était d’adapter mon langage data avec les indicateurs qui avaient du sens pour mon interlocuteur. Il m’a fallu déployer des efforts pour apprendre cette nouvelle langue et surtout adapter chacune de mes pratiques pour qu’elles puissent aussi être lisibles et parlantes.
La méthode
D’abord, j’ai défini des KPIs pour chacun de mes process RH en m’assurant que je pourrais les suivre simplement. Puis j’ai crée un dashboard pour pouvoir les communiquer en toute transparence et suivre les évolutions au fur et à mesure.
En donnant cette lecture à mes homologues, j’ai pu argumenter sur mes besoins en budget (formation, recrutement, onboarding, …) et sur les impacts business liés à certaines difficultés. Par exemple: le fort taux de turnover dans le service de John Doe entraîne une baisse de productivité et une plus grande volatilité des clients. C’est le fameux effet miroir.
Mon discours et mes demandes n'étaient plus perçues comme irrationnelles, émotionnelles, ruineuses, et que sais-je encore. Bien au contraire, il créait du lien, du sens, entre l’ensemble des process de l’organisation et les impacts collatéraux. Tout est devenu intimement lié.
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La data ne réglera pas tous les problèmes RH
Pour accompagner une stratégie de croissance sur le long terme, il faut analyser les processus RH existants et identifier les gains et les coûts engendrés pour investir au bon endroit, investir dans son capital humain avant tout.
Le langage data n’est pas la solution absolue à tous les problèmes des RH, il faut garder notre sensibilité et cette envie de partager des enjeux avant tout humains, faire preuve d’empathie et cultiver cette ouverture de la part de tous dans l’organisation.
Alors, moi aussi, j’essaie de sensibiliser les dirigeants et les managers pour qu’ils adoptent dans leur langage et dans leurs raisonnements, ce qui ne se mesure pas forcément par des indicateurs, mais par des signaux tout aussi puissants: un sourire, un remerciement, une poignée de mains…
Être polyglotte grâce à la data permet de casser de nombreuses barrières en interne, mais ce n’est pas une fin en soi. Dans un monde idéal, l’Esperanto en entreprise, ce serait une alliance savamment dosée de data et d’humanisme.