société

Monoparentalité : à quoi va ressembler la mission donnée par Gabriel Attal pour sauver les familles solos ?

“Votre mission, si vous l’acceptez, est de mener une réflexion sur les ‘bonnes pratiques des employeurs pour s’adapter aux contraintes spécifiques’ des familles monoparentales”. Voilà le message du Premier Ministre, Gabriel Attal. Deux élus ont choisi de relever le défi : Fanta Bérété, députée de Paris et Xavier Iacovelli, sénateur des Hauts-de-Seine. Comment vont-ils faire pour réussir ?


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1 famille sur 4 est monoparentale. Et ces familles monoparentales sont à plus de 80% gérées par des femmes (INSEE). Il est fort possible qu’au moment où vous lisez ces premières lignes, vous soyez surpris de ces “stats”.

Et pourtant, c’est le quotidien de 2 millions de foyers et 4 millions d’enfants. Un quotidien qui vient frapper de plein fouet la vie pro et perso. “On s’en fout d’une proposition de loi à notre nom, on veut changer la vie de ces familles !”, clame Xavier Iacovelli, sénateur des Hauts-de-Seine, aux côtés de Fanta Bérété, députée de Paris. Les deux élus sont en mission. Une mission demandée par le Premier Ministre, Gabriel Attal en personne : 80 jours pour mener une réflexion sur les “bonnes pratiques des employeurs pour s’adapter aux contraintes spécifiques” des familles monoparentales.

“Pour rentrer dans cette mission, il faut avant tout lever nos biais, prévient Fanta Bérété. Je suis dans une famille monoparentale depuis 20 ans et la naissance de ma fille. J’avais une idée de la situation, mais au fil de mes auditions, des discussions avec la CAF, les veufs et veuves, les associations de femmes battues… chacun met un mot dessus”.

Une mission qui repose sur 5 piliers

Un mot sur quoi ? La monoparentalité. Car un seul et même foyer peut-être perçu différemment en fonction qu’il s’adresse aux aides sociales ou aux impôts. “Il faut pouvoir définir juridiquement ce qu’est une famille monoparentale. Il y a une diversité des familles, y compris dans les monoparentalités. Il faut pouvoir faire de la dentelle, et pour ça il nous faut un cadre”, prévient le sénateur.

Cette mission gouvernementale repose sur 5 piliers (définition, fiscalité et aides, co-parentalité, logement et emploi). Le dernier étant sans doute l’un des plus vertigineux pour ces familles mono. Car lorsqu’elles sont actives, les mères isolées, en particulier, sont plus affectées par le chômage, les contrats de travail précaires et le temps partiel subi que les mères en couples, écrivent Catherine Collombet et Antoine Math (Haut Conseil de la Famille et de l’Enfance) dans “Idées reçues sur les familles monoparentales”.

“Quand on se sépare. On est obligé de gérer autrement le temps”, abonde la députée parisienne. Il faut que les entreprises soient en capacité d’offrir de la souplesse pour qu’on ne soit pas obligé de quitter la sphère du travail”. Horaires aménagés, semaine de 4 jours, télétravail plus fréquent : “tout ça, ce n’est pas pour garder les enfants, mais pour être plus à l’aise avec le planning des enfants”, tonne-t-elle.

Au-delà de la question précise des familles isolées, Fanta Bérété estime que cela profitera à tous les maillons de la chaîne : “depuis la Covid, le rapport au travail est complètement différent pour les gens. Ils ont envie de trouver un meilleur équilibre vie pro/perso. En travaillant sur les familles monoparentales, on travaille aussi sur une réflexion plus grande pour les collaborateurs”.

Un index de la monoparentalité en entreprise ?

Les entreprises semblent avoir les mains plus libres pour bouger, avoir plus de latitude (peut-être plus d’argent ?). C’est d’elles qu’est arrivé le doublement du congé second parent. Une initiative du privé qui a fait évoluer la cité. Si l’entreprise ne reconnait pas le statut de famille monoparentale, c’est impossible de le faire évoluer. Pour pouvoir accompagner, il faut pouvoir sensibiliser les entreprises, comme cela a été fait sur les inégalités femmes-hommes avec l’index d’égalité pro”, indique Xavier Iacovelli avant de prophétiser un “pourquoi pas un index de la monoparentalité ? Les auditions pourront nous donner des réponses”.

Fanta Bérété appuie l’idée d’un combat commun : “l’État, les collectivités et les entreprises doivent être là pour faire en sorte que les vies soient moins bousculées”. Le sénateur prend même l’exemple de la ville d’Arras “qui a mis en place un congé menstruel ou qui a doublé le congé paternité. Si ces communes sont capables de répondre à ces problématiques sociétales et familiales, elles peuvent aussi répondre à la situation de monoparentalité”.

La monoparentalité, une inégalité de plus entre les femmes et les hommes

Ce qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est que la question de la monoparentalité est aussi - et surtout - une question d’inégalité femmes-hommes. Les mères solos s’appauvrissent bien qu’elles travaillent. Et quand elles ne travaillent pas, c’est parce qu’elles sont freinées par les contraintes horaires principalement, les possibilités de mode de garde et font face à des emplois moins bien rémunérés. En moyenne, le reste à vivre pour les familles mère-enfant(s) est de 950€ contre 1410€ pour les familles père-enfant(s)…

“La première des inégalités, c’est bien entendu le salaire”, claque la députée en insistant sur “la question de la transition professionnelle”. “Comment progresser tout en ayant des enfants à charge ? Moi j’ai connu cette situation de maman solo, mais je n’avais qu’un seul enfant, j’étais déjà cadre, j’avais un certain nombre de facilités, se souvient-elle. “Mais quand vous êtes femme de ménage, que vous souhaitez évoluer, que vous avez 3 enfants à charge, que vous habitez en banlieue et que vous venez travailler sur Paris… la question de la formation tout au long de la vie est un vrai challenge. On doit progresser sur ça pour que ces femmes puissent convoiter des postes plus rémunérateurs”, clame Fanta Bérété.

Une carte parent solo pour faire la diff’ ?

Il y a quelques mois, une première tentative de solution a rapidement été écartée : la carte parent solo. “J’ai été chagrinée par certains retours”, rembobine-t-elle. “La carte parent solo n’a pas vocation à ajouter énormément de droits” mais plutôt à faire reconnaitre un statut, précise la députée. “En 2024, on n’a plus envie d’aller à la mairie ou à la cantine scolaire en amenant les papiers du divorce. La carte annuelle permettra de justifier tout ça. On n’enlève rien à personne, comme le dit Madame Taubira. On vient juste soutenir pendant une période. La société doit comprendre que chacun peut basculer dans cette situation-là, à n’importe quel moment”.

Elle donne un exemple de carrière qui pourrait basculer : “si mon employeur ne fait rien parce qu’il n’a pas décelé que j’étais en situation de monoparentalité, je vais peut-être m’absenter un peu plus régulièrement, je vais décrocher, et peut-être que je vais quitter mon emploi en me disant que les aides seront suffisantes. À quel moment je retourne dans un marché du travail qui sanctionne les personnes qui ont des interruptions ?”, argue-t-elle.

Mission accomplie si…

Au final, cette mission est pour l’instant un immense bloc-note vierge qu’il faut griffonner. Mais quand sera-t-elle réussie ? Si les familles monoparentales font la Une de quelques médias ou bien si de véritables mesures sont prises ?

“On ne veut pas vendre du rêve”, tempère Xavier Iacovelli. Une phrase pleine de bon sens et de pragmatisme. Mais comment faire quand les attentes de ces familles sont si importantes et urgentes ? “Tout le monde connait la situation économique du pays, on doit faire des économies, mais en même temps, on doit répondre à une plus grande demande sociale et sociétale. L’enjeu de notre mission, c’est d'avoir des propositions qui soient réalisables. Faire des propositions qui financièrement ne seront pas applicables, ce serait un échec, précise l’élu des Hauts-de-Seine.

Pour autant, il ne cache pas son immense détermination : “nous, on veut changer la vie de ces familles, on ne veut pas faire un beau rapport avec nos noms dessus, et ne pas pouvoir appliquer les préconisations qu’on a données”, avance-t-il en donnant l’horizon 2025 pour la mise en place. “On ne pourra pas tout faire, on le sait. On se rend bien compte de tout ce qu’il y a derrière, mais on va tenter de faire un grand pas”, espère Fanta Bérété.

La monoparentalité est un puissant révélateur des inégalités de genre qui organisent l’ensemble de la société”, concluent Marie-Clémence Le Pape et Clémence Helfter, sociologues et autrices de “Idées reçues sur les familles monoparentales”. Apprendre à reconnaitre ces inégalités, c’est déjà une partie de la solution.

💡 Les dates clés de la mission gouvernementale
  • 29 mars : Lancement officiel
  • Avril : Auditions piliers 1 et 2 (Définition, aides et fiscalités)
  • Mai : Auditions piliers 3 et 4 (Coparentalité et logement)
  • Juin : Audition Pilier 5 (Emploi)
  • 31 juillet : remise du rapport

Yannick Merciris

Head of Editorial The Daily Swile

Journaliste qui aime autant les mots que le ballon rond. Vu que je gère mieux le premier que le second, j’ai décidé […]

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