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Neuroépuisement : “notre cerveau est comme un muscle, au bout d’un moment, il fatigue !”

Avec la multiplication des plateformes et la sophistication des outils, la production numérique explose de toutes parts. Mais notre cerveau est-il vraiment armé pour traiter ce flux constant d’informations ? Quels sont les signaux d’alerte à ne pas négliger ? Et comment préserver notre mental face à cette inflation numérique ?


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J’ai l’impression que ma to do list est interminable, que je n’en fais jamais assez”.  Avec plus de 77K abonnés sur LinkedIn, Marie Delattre, créatrice de contenus pour les RH, prend de plein fouet la sursollicitation numérique. Chaque jour, sa messagerie s’emplit d’opportunités professionnelles, mais aussi de messages d’inconnus qui lui demandent un éclairage sur leur situation, voire carrément des services. “Au final, je crois que même si je me consacrais à cela à temps plein, je n’aurais jamais assez de temps pour tout traiter”, observe-t-elle.

À la clé : des nuits sans sommeil et une sensation de stress omniprésente, sans compter la culpabilité qui l’assaille au quotidien parce qu’elle n’arrive pas à satisfaire tout le monde.

Comme Marie, Julie*, Directrice d’une agence de communication, gère, elle aussi, des demandes en continu avec cette sensation - vertigineuse - que “cela ne s’arrête jamais”. Des sollicitations qui sont inhérentes à son métier, mais qui se sont largement amplifiées ces dernières années. “Maintenant, il n’y a pas que les emails, mais aussi Slack, LinkedIn, Instragram ou encore WhatsApp. C’est très difficile de couper, car je n’ai pas de portable pro. Je reçois des messages de mes clients tard le soir, car ce sont souvent des dirigeants. Le plus compliqué à gérer est que les gens veulent des réponses immédiatement”, nous confie-t-elle.

Une tyrannie de l’instant qui lui vaut elle-aussi des insomnies. Il y a quelques mois, Julie était tellement épuisée qu’elle a carrément fait un “petit burnout” pour employer ses mots.

🤯 Des salariés hyper réactifs D’après l’Observatoire de l’infobésité, 52% des courriels suscitent une réponse en moins d’une heure. 10% des salariés sont même exposés à l’hyper connexion : ils envoient des courriels après 20 heures plus de 50 soirs par an. Ce chiffre monte à 117 soirs pour 10% des dirigeants.

“Nous ne pouvons faire qu’une chose après l’autre

Ce que Marie et Julie décrivent, vous l’avez déjà certainement vécu aussi (à moins que vous ne viviez en zone blanche au fin fond de la Lozère). Mais alors, pourquoi cela coince dans notre cerveau ? Pourquoi ne parvenons-nous pas à nous dépêtrer de cette jungle informationnelle ? Tout simplement car “la capacité de traitement de notre cerveau est linéaire. Nous ne pouvons faire qu’une chose après l’autre”, nous explique le Dr Bernard Anselem, spécialisé en neuropsychologie.

Or, le numérique provoque justement une explosion des informations à traiter, ce qui va compliquer l'exécution de tâches difficiles qui requièrent TOUTE notre attention. Par exemple, écrire un email sensible mobilise nos fonctions exécutives : “Il s’agit d’un réseau très large et coûteux en énergie. De plus, le réseau voisin de la décision est également activé. Au final, cela utilise la quasi-totalité de notre cerveau”, poursuit le spécialiste.

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Une notif WhatsApp et tout part en sucette

Pas de place donc pour une notification Instagram sous peine de devoir inhiber une fonction pour en utiliser une autre, ce qui nous fait consommer des ressources (notamment de l’oxygène et du sucre). En clair, quand on consulte un message sur WhatsApp alors que l’on est en train de travailler sur un sujet, on va enregistrer un déficit de performance de plusieurs minutes. Et Dieu sait que ces micro perturbations sont fréquentes !

Ainsi, notre cerveau est tel un muscle que l’on fait travailler. Comme une cuisse qui fatigue à force de faire des squats, notre ciboulot n’est pas mobilisable à l’infini. Même si on ne ressent pas de douleur, au bout d’un moment, notre performance va baisser. “On a tendance à sous-estimer cela, comme si la volonté suffisait à combattre une distraction”, affirme-t-il.

Les signaux de la fatigue mentale
  • La fatigue aiguë : elle peut se manifester par une baisse de concentration, des pertes de mémoire, de vocabulaire, une diminution de la vitesse de réaction et une altération de la prise de décision. “Et puis, on va devenir plus impulsif et moins résistant aux sollicitations comme prendre un bonbon, fumer, etc”, illustre le Dr Anselem.
  • La fatigue chronique : elle se caractérise par une irritabilité, de l’anxiété, des insomnies, un évitement social et des douleurs chroniques (fragilité du dos, acidité gastrique, boule dans la gorge, impact sur la vessie, contracture musculaire, douleur dans un membre, etc). “On ne fait pas forcément le lien quand il y a une composante organique réelle, mais la composante psychologique peut amplifier les symptômes”, relève le médecin.
➡️ Ce qu’il faut retenir : ces signaux peuvent apparaître de façon intermittente ou se prolonger dans le temps, auquel cas, ils doivent alerter. Par exemple, on peut avoir mal au cou un soir après avoir longuement pianoté sur l’ordinateur, mais cela ne doit pas se prolonger dans le temps, au-delà de deux ou trois jours.

Comment agir pour lutter contre la surcharge mentale ?

Il n’existe malheureusement pas de recette magique dans un monde en constante accélération, mais un faisceau de bonnes pratiques à adopter. À court terme, le Dr Anselem recommande des exercices comme le contrôle respiratoire, la relaxation, un tour dans la nature, ou même se reposer en faisant une petite sieste. Il est important de retourner à des choses simples, naturelles et peu exigeantes qui permettent aux fonctions mentales de se régénérer”, recommande-t-il.

Il est également primordial d’agir à long terme sur des points fondamentaux comme le sommeil, d’autant qu’un déficit en la matière a tendance à accroître les insomnies. L’alimentation est également à surveiller. Quand on est pressé, on a tendance à manger des aliments inflammatoires comme une pizza, un hamburger, une sucrerie.

Pourtant, le cerveau a besoin de produits anti-inflammatoires, antioxydants et riches en oméga 3 comme les fruits, les légumes, les graines, les oléagineux, les poissons gras… L’activité physique est bien entendu à privilégier, car elle a un effet cardiovasculaire, mais également anti-inflammatoire, sans compter qu’elle apaise le mental. “C’est aussi un facteur de croissance neuronale, ce qui aide à lutter contre le stress et la fatigue chronique”, affirme le Dr Anselem.

Décélérer pour mieux supporter un monde en mode accéléré

Alors, oui, certains répliqueront qu’ils n’ont pas le temps, que consacrer 1H au sport, c'est autant de minutes perdues pour avancer sur leur to do list. “Il ne faut pourtant pas le voir comme une contrainte mais un investissement. Plus on est surchargé, plus il faut prendre soin de sa santé pour tenir. Quand on a peu de temps, on peut faire des choses simples comme prendre les escaliers, faire une petite série de squats devant l’ordinateur ou quelques minutes de relaxation”, recommande le médecin. Bon, et bien entendu, on coupe au maximum les notifications pour éviter les distractions lorsqu’on est sur une tâche ardue (mais avait-on vraiment besoin de vous le dire ?).

Autant de stratégies mises en place par nos deux interviewées : Julie plonge désormais le nez dans un bouquin lors de son trajet en bus plutôt que de commencer à dérouler ses messages avant même d’avoir posé le pied au bureau. Et quand elle fait du sport le soir, elle ne s’autorise plus à se reconnecter.

Quant à Marie, elle a constaté rapidement les effets d’une bonne hygiène de vie. Elle pense aussi prendre une assistante pour l’aider à traiter ses messages et ne se concentrer que sur les plus importants. Enfin, elle donne toujours la priorité à ses amis dans la “vraie” vie plutôt qu’aux inconnus des réseaux. Un point qui fait écho à la dernière recommandation du Dr Anselem : bichonner ses liens sociaux.C’est extrêmement important de tisser des liens positifs, cela vient également agir comme un facteur de croissance neuronale et apaiser le cerveau”.

*Le prénom a été modifié

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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