société

La nomophobie : votre téléphone nuit-il à votre travail ?

Avez-vous déjà tenté de garder votre smartphone éteint pendant toute une journée ? Impossible ? Et si vous étiez nomophobe ? Contraction de l’expression “no mobile” et “phobia”, la nomophobie définit une personne qui ne peut se passer de son téléphone portable et éprouve une peur excessive à l’idée d’en être séparé ou de ne pas pouvoir s’en servir.


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27 juillet 2023par Johan Lefevre

Votre temps d’écran était inférieur de 40% la semaine dernière, pour une moyenne de 2h et 8 minutes par jour”. Ne s’agit-il pas de la notification la plus redoutée et la plus agaçante que l’on peut recevoir en début de semaine sur son téléphone ? Cette notification pleine d’assiduité et froissant pleinement notre égo de junkie numérique, chiffres et statistiques à l’appui, nous ne l’avons pas demandée. Pour autant, elle suscite une interrogation : suis-je accro à mon téléphone ? Pire encore, une autre question sous-jacente en découle : suis-je capable de m’en passer ? Pour une heure ? une journée ?

Nomophobie : sommes-nous captifs de notre monde numérique ?

Seize ans après la sortie du 1er iPhone, il est maintenant difficile de concevoir son quotidien sans cet objet connecté. Steve Jobs, son fondateur, déclarait en 2007 que “l’iPhone aiderait les utilisateurs à étendre leurs capacités”. In fine, personne n’avait anticipé que le smartphone au fil des années, devient une extension de nous-même, une forme de troisième main.

Parue en début d’année, la plateforme Data.ai et son étude « State of Mobile 2023 » chiffre le temps d’utilisation moyen d’un smartphone. Fondée sur l'analyse de 100 millions de points de données dans plus de 30 pays du monde, le temps d’écran des smartphones a augmenté de 3 % en une année, pour atteindre désormais une moyenne de 5 heures par jour et par utilisateur.

Mais est-ce réellement étonnant de constater une hausse de notre utilisation à notre smartphone ? Après tout, il est toujours à portée de main, voire carrément collé à nous. Certains d'entre nous ne peuvent même plus fermer l'œil sans lui, comme le confirme le phénomène « doomscrolling », ou la pratique de « scroller » de nombreuses minutes ou des heures les « feeds » de nos réseaux sociaux. Conséquence directe du *« FOMO »,* qui se définit comme la peur de passer à côté de quelque chose.

Dès lors, les angles et néologismes autour de ce doudou numérique fleurissent de plus en plus, terrifiants les plus « boomers » d’entre nous, pour souligner les risques de la sur-consommation du smartphone à mesure que ces appareils occupent une place croissante dans nos vies.

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Le smartphone… un outil pro finalement

Symptôme d’une ère hyper-connectée, ces multiples dépendances numériques se transposent dans nos différentes sphères, qu’elles soient sociales, personnelles comme… professionnelles !

Au travail, l’utilisation du téléphone a tendance à faire grincer les dents des employeurs. À bannir ou à réguler, le smartphone semblerait entraîner une diminution de la concentration des employés. Même si cette étude titanesque nous dira le contraire ! Puisqu’on apprend à travers les données compilées par FinanceOnline, les auteurs de l’étude, que la plupart des salariés (62 %) estiment que l'utilisation de leurs appareils mobiles les rend plus productifs.

Par ailleurs, plus de la moitié d'entre eux (56 %) pensent avoir le droit d'utiliser leurs smartphones personnels au travail, tandis qu'un autre pourcentage (36 %) dépendent de leur téléphone pour accomplir leurs tâches professionnelles. Néanmoins, près de la moitié des employés (46 %) considèrent que le fait d'être constamment connectés via leur smartphone a un impact négatif sur leur équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

56 min du temps de travail… sur son téléphone

Toujours selon la même étude, les employés consacreraient en moyenne 56 minutes de leur temps de travail à leur téléphone. Cette habitude entraînerait ainsi une perte de productivité d’environ cinq heures par semaine. “Au travail, l’utilisation du téléphone est un faux problème !”, nous explique Vanessa Lalo, psychologue clinicienne–spécialiste des pratiques numériques. “C'est plutôt le droit à la déconnexion, qui finalement n'est pas appliqué correctement qui pose souci. Cela a un impact sur la vie des personnes, notamment en dehors du travail”, précise-t-elle.

Quant aux notifications de notre smartphone, source première de nos distractions, elles agissent directement sur l’hormone du plaisir et de la récompense de notre cerveau : la dopamine. Il est alors difficile de résister… “Quand notre cerveau entend une notification, c’est quasiment impossible de ne pas regarder l’objet de cette alerte. Dans tous les cas, cela laisse une porte ouverte si l'on ne vérifie pas”, indique la psychologue. “C’est aussi coûteux pour le cerveau de le faire, que de ne pas le faire”, ajoute-t-elle.

« L’enjeu n’est pas d’analyser le rapport à l’objet, mais la pratique que l’on en fait »

La nomophobie, ce terme sacré « mot de l’année » en 2018 par le Cambridge Dictionary n’est toutefois pas reconnue comme une maladie. Même si elle se rattache à une forme de dépendance, son expression, un brin galvaudée, donne naissance à un grand bazar marketing du “Digital Detox” sur internet, bien mise en avant sur des applications comme *Tik Tok ou *Youtube.

“L’enjeu n’est pas d’analyser le rapport à l’objet, mais la pratique que l’on en fait”, nous raconte Vanessa Lalo. Il est alors bon de se questionner sur les tenants qui amènent à consulter notre écran de téléphone, afin de mieux gérer les aboutissants de l’utilisation de nos écrans.

Par conséquent, quand on utilise fortement son téléphone sur son lieu de travail, il est bon de se demander : est-ce qu’il s’agit d’ennui ? D’angoisse ? D’anxiété ? Des obligations liées au travail ? D’ordre administratif ? Familiale ? “Le téléphone est un contenant avec des contenus. Cet objet, le téléphone, recouvre des milliers de pratiques différentes qui ne sont en rien néfastes. Certaines sont excessives et recouvrent toujours auquel cas une problématique psychopathologique telle que la dépression, les troubles anxieux, des troubles bipolaires ou autre”, nous dit-elle.

Une fois cette remise en question autour de la gestion de notre smartphone, des solutions existent pour reprendre le contrôle sur son appareil.  “C’est une question de “bonnes pratiques“ qui ne sont pas toujours mises en application, comme couper les notifications privées ou se mettre en mode “ne pas déranger“ à des moments précis de la journée”, recommande la psychologue clinicienne, spécialiste des pratiques numériques. “Il est important d’organiser le temps que l’on s’alloue à des fins numériques privées”, conclut-elle.

Johan Lefevre

Rédacteur

Jonglant entre les bobines cinématographiques et les récits de réussite au bureau, je suis le cinéphile visionnaire du monde du travail.

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