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La Norvège a-t-elle tout compris au congé paternité au travail ?

La Norvège est-elle le meilleur pays du monde quand il s’agit de parler parentalité et travail ? Rencontre avec Tristan, expatrié à Oslo, qui a connu le congé paternité en France, en Norvège… et en Suisse


6 min

“En 2017, je me fais un peu attraper par le système nordique. Pourtant, au début, je n’étais pas si chaud que ça”. De quoi parle Tristan, père de 3 enfants ? Peut-être que la suite sera plus claire pour vous : “On a fait 50-50 avec ma femme, 5 mois chacun”. À la naissance de son deuxième enfant, ce cadre dans le marketing ne réside plus en France… mais en Norvège. Il a suivi sa femme. Nouveau pays, nouvelle culture… mais aussi nouvelles règles de parentalité.

En Norvège, le congé parental est régi par trois moments. Un moment dédié au parent 1 (disons “la mère”) de 15 semaines. Un moment dédié au parent 2 (disons “le père” dans le cas de Tristan) de 15 semaines et un troisième moment de 19 semaines à partager entre les deux parents en alternance. En tout, près d’un an sans bosser pour accompagner les premiers mois de l’enfant.

Peur de ne pas être la norme

Là-bas, il n’y a “pas de système de crèche jusqu’aux 10-12 mois de l’enfant. Il est attendu des parents qu’ils s’en occupent. L’État indemnise jusqu’à 100% de ton salaire. Et quand tu atteins le plafond, il y a pas mal d’entreprises qui compensent”, précise Tristan. “Le choc a été énorme, se souvient-il : “j’étais stressé par rapport au boulot. Ma cheffe partait et je voulais son poste. Vu que je partais en congé pat, je pensais que ça allait me pénaliser”.

Puis, Tristan a tout simplement regardé autour de lui : “Je me suis renseigné auprès de plein d’autres pères de mon âge, et j’ai halluciné : cadres, non-cadres, ingénieurs, marketeux, médecins… ils faisaient 3-4-5 mois de congé pat. J’ai compris que j’étais dans la norme, et ça m’a rassuré”. Cela aurait été étrange de ne pas le prendre finalement.

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Il faut demander l’autorisation pour une réunion après 15h

En Norvège, et plus généralement dans les pays nordique, la place de la famille est parfaitement intégrée dans le quotidien professionnel des gens. 8h-16h, c’est une journée classique pour lui. “Parfois tes interlocuteurs à l’étranger prévoient des appels à 17h, 18h et … ça passe pas. Ils savent que dans les pays nordiques, il ne faut pas appeler trop tard”, s’esclaffe-t-il.

Il donne même l’exemple des réunions après 15h. Pour qu’une réu puisse exister à 15h30, il faut passer par l’étape du mail ou du message en demandant si c’est ok. “C’est vachement inclusif, ça fait beaucoup de bien”. Et pas qu’aux parents.

Forcément, si l’on remonte un peu dans le temps, le Tristan travaillant en France à La Défense, n’aurait jamais pu imaginer un tel bouleversement. Pour son premier congé paternité en France, il n’a le droit qu’à 11 + 3 jours, oui, nous sommes en 2014.

“Pour être honnête, je ne m'étais même pas posé la question à l’époque. Est-ce que je peux faire plus long ? Pourquoi c’est si court ? À cette époque, j’ai l’impression qu’il y avait moins de débats. Personne n’en parlait, aucun homme ne se mettait à 80%, etc, et ça fait même pas 10 ans, on dirait que c’était il y a une éternité. Je prenais le RER, je bossais à 9h, je rentrais à 20h. La vie de fou… enfin à l’époque, c'était normal, mais pour moi maintenant, c'est une vie de fou”.

Pour son troisième enfant, en 2020, Tristan expérimente cette fois la Suisse. “C’était drôle car j’avais zéro semaine”, rembobine-t-il avant d’enchaîner : “Mais une semaine après la naissance de ma fille, il y avait un réferendum pour l’allongement du congé pat à 2 semaines. Le OUI l’a emporté à 66%. Je n’ai pas pu en profiter car c’était trop tard… mais mon entreprise (Nestlé-Nespresso) m’a donné 4 semaines !”.

En Norvège, certaines entreprises doublent le salaire des hommes pour qu’ils ne prennent pas leur congé”

Au moment de faire le bilan, on semble se dire que la Norvège est vraiment un pays parfait. Mais le daron nous met en garde contre quelques abus : “Il y a des choses cachées. En Norvège, certaines entreprises doublent le salaire des hommes pour qu’ils ne prennent pas leur congé. Exemple dans une petite boite, si ton commercial part 5 mois, t’es en galère. Et ce n’est pas proposé aux femmes ça ! Tu ne t’attendrais pas à ça de la part de la Norvège, qui est un peu le monde des bisounours, mais ça existe et c’est tabou”.

La France pourrait-elle s’inspirer de ce modèle progressiste néanmoins ? “Quand j’en parle à d’autres Français, ils me disent : ‘c’est super, mais ce n’est pas pour nous, ça ne marcherait jamais en France”. Je suis sûr que si tu proposes ça, le modèle serait très vite adopté”, promet-il avant de nuancer : ”La principale différence, c’est sur la place de l’enfant déjà : ici l’enfant est roi en Norvège. Les politiques de congés parentaux alternés, c’est pour le bien-être de l’enfant”.

Tristan épingle aussi une problématique très frenchy : “Et bien sûr la question du présentéisme… c’est un mal français. Avant je bossais chez Heineken, je n’ai jamais quitté avant 18h, alors que j’aurais pu partir à 16h trois fois par semaine, et ça n’aurait pas changé la qualité ni la performance de mon travail. Mais je n’osais même pas”.

Plus de congé pat… pour arrêter de freiner les carrières des femmes

Après 3 paternités, il explique que le modèle a fait son chemin, mais que les discussions sont toujours très ouvertes : “En Norvège, on pose la question : est-ce qu’on a été trop généreux avec les pères ? Et pourtant, ils ont encore allongé le quota pour le père ou le deuxième parent. En Norvège, il existe un RTT allaitement, les femmes peuvent venir 1h plus tard ou partir 1h plus tôt, c’est aussi une autre solution possible pour améliorer la condition des parents”.

Au coeur du débat pointe aussi les inégalités femmes-hommes, tenaces, quelque soit l’endroit où l’on pose ses bagages : “Il y a une étude du gouvernement suédois qui montrait qu’un mois de congé supplémentaire pour l’homme augmente le salaire des femmes de 7%. Mécaniquement, cela veut dire que les femmes reviennent plus vite au travail”.

Notre discussion touche à sa fin. Il est 16h30 passé, je lui fais faire des heures sup, malgré moi. Tristan quitte le bureau, : “Je n’arrive plus à travailler tard maintenant”, rigole-t-il. Il raccroche et sa deuxième démarre : celle de daron, il va chercher ses enfants. Il est 16h30, moi, je file prendre un goûter…

Yannick Merciris

Head of Editorial The Daily Swile

Journaliste qui aime autant les mots que le ballon rond. Vu que je gère mieux le premier que le second, j’ai décidé […]

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