Conseils

Offboarding : et si vous y pensiez dès l’onboarding ?

Dans un monde où les carrières sont faites de missions plus que de métiers, où les collaborateurs ne se projettent plus à dix ans mais parfois à six mois, où l’on peut quitter un poste et y revenir quelques années plus tard, la rupture n’est plus une exception, mais une étape de l’expérience collaborateur. Dès lors, pourquoi attendre qu’elle soit là pour la préparer ? Et si, comme dans un mariage, il fallait penser à la séparation au moment où tout va bien ?

3 min

Au commencement était un nouveau rapport au temps. “Là où les anciennes générations pensaient engagement sur la durée, les jeunes cherchent avant tout l’épanouissement dans l’instant. Ils restent dans une entreprise tant qu’ils s’y sentent bien, pas parce qu’ils s’y projettent à cinq ans, relève Élodie Gentina, Professeure à l’IESEG et experte de la génération Z.

D’un engagement linéaire (avec un début, un milieu et une fin), nous avons plongé dans un univers circulaire, fait d’allers-retours, de pauses, de réinventions. Le monde professionnel suit cette évolution : micro-retraites, missions courtes, salariés boomerangLa fidélité se mesure davantage à la qualité de la relation qu’à sa durée.

Elodie Gentina fait ainsi un parallèle avec le couple : “Aujourd’hui, on ne veut plus forcément se marier à vie, mais on peut signer un pacte de fidélité temporaire. Cela s’explique en partie, car les rites permettant de passer d’un statut à l’autre ont disparu. Les jeunes ne sont plus en recherche d’indépendance, mais d’autonomisation”.

Dans ce contexte, préparer l’offboarding dès l’onboarding devient une démarche saine, pragmatique et respectueuse des besoins de chacun. Car, comme le rappelle Charlotte Vitoux, fondatrice du cabinet de recrutement Studio Platon : “C’est quand tout va bien qu’on doit fixer les règles de la séparation. Pas dans la colère ou la précipitation.

Préparer le début de la fin : une preuve de maturité

Alors, pourquoi ne pas évoquer les conditions de départ dès le processus de recrutement ? Charlotte Vitoux propose même d’intégrer ces discussions à la phase de négociation contractuelle : “On pourrait, dès l’embauche, préciser ce qu’on attend d’un salarié en cas de départ volontaire ou contraint : préavis, passation, communication à l’équipe… Cela apaise et évite les crispations”.

N’allez pas y voir du défaitisme, mais de la lucidité. Les entreprises pionnières l’ont compris : L’Oréal propose des dispositifs comme « Extended Company » pour permettre à un salarié de créer son entreprise avec la possibilité de revenir. Orange a lancé le « congé respiration » et la fonction publique propose depuis longtemps la disponibilité, permettant de suspendre temporairement son contrat sans le rompre définitivement.

Ces dispositifs répondent à une attente forte des nouvelles générations : celle de ne pas être enfermées. Élodie Gentina le souligne : « Ce qui attirait hier - à savoir la sécurité de l’emploi - peut aujourd’hui faire fuir. Par contre, la possibilité de revenir, ça, c’est attractif ».

Un offboarding mal préparé = un coût humain et business

Le départ d’un collaborateur, s’il est mal accompagné, peut coûter cher : perte de savoir, démotivation des équipes, atteinte à la marque employeur. Beaucoup d’entreprises laissent partir leurs talents sans comprendre pourquoi. Or, pour Elodie Gentina, l’offboarding est aussi une opportunité d’apprendre : “Pourquoi ne pas organiser un entretien de départ pour comprendre ce qui aurait pu donner envie de rester ? Et quels irritants auraient pu être levés ?”

De son côté, Charlotte Vitoux regrette que l’on soigne l’entrée dans l’entreprise (onboarding, welcome pack, parcours d’intégration…), mais que l’on bâcle trop souvent la sortie : “C’est un peu comme si l’on accueillait quelqu’un avec des fleurs à l’entrée, et qu’on le laissait partir par la porte de service un soir de pluie…”

L’offboarding devrait comprendre plusieurs étapes clés :

  • Une annonce claire et transparente à l’équipe pour éviter les rumeurs. Bref, le plus tôt sera le mieux !
  • Une gestion administrative rigoureuse (congés, retour du matériel, solde de tout compte, fermeture des accès…).
  • Une passation documentée pour transmettre les savoirs.
  • Un entretien de départ objectif et bienveillant.
  • Et, pourquoi pas, un suivi post-départ, comme le font certains réseaux alumni.

“Quand un salarié part, il faut écouter le groupe…”

La logique actuelle n’est plus celle de la possession (”ce salarié m’appartient”), mais de la communauté : «cette personne a fait partie de notre aventure, et peut y revenir ou nous recommander ailleurs”. L’entreprise devient ainsi un véritable hub relationnel.

Certaines structures comme iWhy ont même créé des réseaux d’alumni pour maintenir le lien avec leurs anciens collaborateurs. Car ces derniers, même partis, restent des ambassadeurs potentiels, des clients, des prescripteurs, ou... des talents boomerang. Un réseau très bien investi par les écoles de commerce, mais dont peu d’entreprises mesurent encore la force de frappe.

Dans une logique collective, l’offboarding n’est pas qu’un sujet RH individuel. Elodie Gentina invite à organiser des entretiens de groupe, à prendre le pouls de l’équipe : “Quand un salarié part, il faut écouter le groupe : qu’est-ce qui les motive à rester ? Qu’est-ce qui les fait fuir ? Qu’est-ce qu’ils aimeraient voir changer ?”.

Un départ peut être un signal faible en annonçant d’autres si l’on ne prend pas le temps d’écouter. La spécialiste de la gén Z insiste ainsi sur le risque d’effet domino très prégnant chez les jeunes. D’où la nécessité de traiter la rupture de manière collective et non isolée.

La rédaction vous conseille

Un nouveau contrat psychologique

Pour amorcer l’offboarding d’un salarié dans le bon état d’esprit, il s’agit aussi de se détacher de toute forme d’affect négatif. “On peut vouloir se séparer sans se détester, gérer la relation de manière adulte, sans ressentiment”, rappelle Charlotte Vitoux. Il ne s’agit plus de parler de « trahison » quand un collaborateur quitte l’entreprise, mais d’accepter que les intérêts et les envies évoluent.

Ce nouveau contrat psychologique repose sur la transparence et l’équité dès l’onboarding. Un cadre permettant de se prémunir des non-dits et des colères froides qui peuvent venir entacher la relation… et endiguer définitivement toute possibilité de collaboration future. “Aujourd’hui, il n’est plus tabou de se dire que l’on s’est trompé. Les jeunes avancent par itération, et le départ est une étape comme les autres de leur parcours”, conclut Elodie Gentina.  Charge aux entreprises d’ouvrir leurs chakras et d’embrasser cette société de l’immédiateté, aussi déroutante soit-elle.

Paulina Jonquères d'Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias [...]

La newsletter qui va vous faire aimer parler boulot.

Chaque semaine dans votre boite mail.

Pourquoi ces informations ? Swile traite ces informations afin de vous envoyer sa newsletter. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien présent dans chacun de nos emails. Pour en savoir plus sur la gestion de vos données personnelles et pour exercer vos droits, vous pouvez consulter notre politique de confidentialité