Ne parlez plus d’équilibre vie pro/vie perso … mais d’osmose vie pro/vie perso
L’expression “équilibre vie pro/vie perso” est peut-être la plus mauvaise des idées si on veut transformer le monde du travail. Et voici pourquoi…
“L’équilibre vie pro/vie perso, c’est hyper important”. Cette phrase, vous l’avez lue et entendue à tout bout de champ depuis des semaines, des mois, voire des années. Et pourtant, aussi pleine de bon sens qu’elle puisse être, je la trouve fausse.
Enfin, je devrais plutôt dire que je la trouve maladroite, inadéquate ou encore inadaptée à la réalité. Être en équilibre, c’est lutter pour ne pas tomber (du moins vu mon niveau sur une poutre). Et ça sépare les deux mondes (pro/perso), comme si l’un et l’autre ne pouvaient que se contrebalancer.
Je préfère donc parler d’osmose vie pro/vie perso. Le dictionnaire définit l’osmose comme “l’influence réciproque”. Parler d’osmose, c’est donc reconnaître que l’un puisse apporter à l’autre, et pas forcément le contraindre ou le dénaturer.
Vous avez dit absurde ?
Imaginez que vous avez passé une matinée difficile chez vous : une dispute avec votre moitié, un enfant un peu plus capricieux que d’habitude ou bien un réveil difficile à cause de votre SPM (syndrome prémenstruel). Avant d’arriver au travail, vous avez déjà grignoté un peu (beaucoup) d’énergie, et la motivation se fait plus difficile à trouver.
On vous dira, et on peut l’entendre théoriquement, que le travail, c’est le travail, et qu’il faut laisser ses “soucis à la porte”. OK, mais…
Maintenant, imaginez que vous avez passé une matinée extraordinaire : un câlin avec votre moitié, une session de sport revigorante ou tout simplement un trajet en métro sans encombre. Vous arrivez au travail le teint frais, avec une énergie hors norme et l’envie de tout réussir aujourd’hui.
Personne ne viendra vous dire : “Désolé, mais tu as trop d’énergie, merci de la laisser à la porte du travail”. Farfelu, mais parlant.
Ce raisonnement par l’absurde pose les jalons de notre réflexion. Pourquoi vouloir séparer des choses qui doivent, à défaut de cohabiter, covivre ?
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Mais laissons de côté l’absurde pour se pencher sur le concret. En France, une famille sur quatre est monoparentale. Et parmi elles, 80% sont gérées par des femmes. Comme penser qu’une maman solo puisse occulter sa vie perso au profit de son boulot ? Qui pourra aller chercher son enfant à la crèche ?
Autre exemple : en 2030, un salarié sur quatre sera aidant, c’est-à-dire qu’il viendra en aide à un proche de façon régulière et non rémunérée (parent en perte d’autonomie, enfant en situation de handicap…). Comment imaginer une vie pro qui ne tiendrait pas compte de cette situation ? Impossible. Du moins, pas sur le long terme.
Les entreprises qui font l’économie du bien-être de leurs collaborateurs ne réussiront pas. Les entreprises qui ne prendront pas en compte le perso dans le pro ne performeront pas. “Si l’entreprise ne fait pas toujours partie des coupables ou des responsables, elle fait toujours partie des solutions, parce que le travail, c’est la deuxième activité dans notre vie après le sommeil !”, affirme ainsi Adrien Chignard, psychologue du travail. Je suis convaincu qu'il a raison.
La recette de l’équilibre vie pro / vie perso, c’est peut-être d’en changer le nom et la définition, mais pas d’en changer les règles, ni l’objectif. Celui de vivre en osmose avec ce que nous sommes, et si possible avec ce que nous faisons.
