société

“La petite goutte d’eau…” : le burn-out expliqué aux enfants dans un conte jeunesse

Un conte jeunesse qui raconte le burn-out des parents… aux enfants ? Vous trouvez ça fou ? Et si c’était la meilleure façon de guérir ? Rencontre avec Adrien Chignard, psychologue du travail, et auteur de “La petite goutte qui s’en voulait d’avoir fait déborder le vase”.


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“Et si on achetait un livre pour parler du burnout des parents aux enfants ?”. Drôle d’idée a priori, et pourtant, la santé mentale est l’un des enjeux phares d’un monde du travail qui ne cesse de se chambouler. Adrien Chignard, psychologue du travail, a couché en 13 pages une histoire simple d’un problème complexe : “c’est l’histoire d’une petite goutte d’eau qui a tellement eu envie de s’investir dans son travail, qu’au final, elle s’est un peu grillée, car elle était dans le mauvais environnement. C’est l’idée de faire comprendre aux enfants pourquoi Papa ou Maman n’est pas hyper en forme à la maison”. Un conte pour enfants… qui sert aux parents.

Avec 2 400 000 personnes “en situation de burn-out sévère” et 48% des salariés “en situation de détresse psychologique” (Empreinte Humaine/Opinion Way 2023), faire l’économie d’en parler ne semble plus envisageable. Pourtant, est-ce vraiment approprié d’évoquer un sujet si complexe avec un gamin ? “Retenir nos larmes ne nous rend pas moins malheureux”, claque-t-il. “Ça fait toujours peur de parler de ces sujets-là aux enfants, mais c’est une histoire sympathique d’une petite goutte d’eau, et c’est une histoire qui fait du bien”.

Pourquoi parler de burn-out aux enfants ?

Le réflexe protecteur du parent serait pourtant de en pas en parler. Mais là encore, notre psychologue du travail nous alerte sur cette fausse bonne idée : Le fait de ne pas dire à son enfant ce qu’on éprouve, on a l’impression que c’est une bonne idée, mais en réalité non, désamorce notre psy. C’est de la dissimulation, c’est ce qu’on appelle aussi un mensonge par omission. L’intention est bonne mais la réalisation est catastrophique. Ça génère du surface acting : faire semblant. Ça ne marche pas très longtemps et ça fait surtout beaucoup de mal à la santé mentale”.

Car ce qu’on oublie souvent, c’est que l’épuisement professionnel a de l’impact à la maison, et donc sur ses membres : les premières émotions que vont ressentir les enfants, c'est la tristesse et la culpabilité. Et ces émotions ont une fonction”, explique le psy. La tristesse, ça sert à capter l’empathie des autres et donc à survivre, car on prend soin les uns des autres. Et s’il y a bien un truc dont l’enfant a besoin quand le parent est en carafe totale, c’est de faire ressentir la tristesse qui est la sienne pour qu’on puisse aller lui faire un câlin, et que l’enfant soit “secure”.

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L’enfant fait partie du processus de guérison

Et pour continuer à créer ce lien, le livre reste un moment idoine d’échanges : “on peut être tellement dans la souffrance, que parfois, on peut avoir des réactions que l’enfant ne comprend plus”, rappelle l’auteur. “Ça peut casser le lien familial. Le but du jeu, c'est de continuer à restaurer du lien avec l’enfant, en partageant du temps avec lui et en répondant à ses questions. Pour voir qu’on peut continuer à kiffer même si Papa ou Maman est dans une situation particulièrement délicate”.

Si ce conte a pour vocation de plaire aux 3-10 ans, il aura une grille de lecture différente en fonction de l’âge : “contrairement à ce que l’on croit, même si les enfants ne saisissent pas le sens, ils peuvent saisir l’intention et l’émotion parentale qu’il y a derrière”. Et plus encore que de protéger les siens, l’enfant peut faire partie de la solution : “tous les pairs font partie du processus de guérison : le soutien social, c'est le premier rempart contre la détresse psychologique. Plus on sera soutenu, et plus on pourra traverser ces périodes de vie compliquée”, martèle Adrien Chignard.

Le travail, c’est la santé !

Mais une dernière question reste en suspens : comment ne pas dégouter l’enfant du travail ? Comment ne pas lui donner ce goût amer qui fait souffrir (peut-être) son père ou sa mère ? “Pour que les enfants aient envie de découvrir le monde du travail, il faut en montrer toutes les facettes. Le burn-out est un trouble psychosocial, mais la vraie question est : comment peut-on l’éviter en ayant un rapport sain à son travail”, questionne-t-il. “Pour donner envie de travailler, on peut tout simplement se dire la vérité : le travail, c’est bon pour la santé. Tous les gens qui travaillent sont en meilleure santé que celles et ceux qui ne travaillent pas. Ce sont les conditions dans lesquelles on travaille qui peuvent être nocives”.

Maintenant que l’histoire est terminée, on se brosse les dents, pipi et au lit, car demain y’a école boulot !

🔍 “La petite goutte d’eau qui s’en voulait d’avoir fait déborder le vase”, d’Adrien Chignard (Fayard Jeunesse / illustrations de Vaïnui de Castelbajac)

Yannick Merciris

Head of Editorial The Daily Swile

Journaliste qui aime autant les mots que le ballon rond. Vu que je gère mieux le premier que le second, j’ai décidé […]

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