La “prime de bienvenue” : bonne ou mauvaise idée pour recruter ?
Certains l’appellent “Golden Hello”, “Welcome Bonus” ou tout simplement prime de bienvenue. Une façon d’attirer un candidat dans son entreprise en lui offrant un chèque à l’arrivée. Technique de recrutement maligne, ou futur nid à problèmes en interne ? Le débat est lancé.
“Ça se rapproche de la prime à la signature chez les footballeurs”. Voilà comment le résume très simplement Charlène Hemery, spécialiste du recrutement et des problématiques RH. L’objectif de ce bonus : “Si on ne peut pas répondre aux prétentions salariales d’un candidat, on va lui proposer un salaire plus bas, mais avec une prime à l’intégration”.
Aux États-Unis, c’est très courant alors qu’en France, c’est très atypique. On parle d’une prime qui varie entre 10% à 20% de la rémunération annuelle. Elle peut se débloquer immédiatement, sur plusieurs mois ou bien au bout d’un certain temps de présence. **Et c’est tout à fait légal : c’est une prime exceptionnelle classique… dealée en amont.
Golden Hello : Les Pour et les Contre
Notre experte le reconnait, “c’est un sujet très clivant”. Parmi les points positifs, elle évoque :
- On ne se prive pas de certains candidats. “C’est difficile de recruter, donc quand vous avez une pépite entre les doigts, c’est une corde de plus à votre arc pour arriver à l’intégrer”
- On ne déstabilise pas la grille de rémunération en interne, en donnant des salaires trop distincts pour des postes proches.
- Ça encourage la prise de risque. “Même en interne, vous pouvez instaurer la prime de risque pour des collaborateurs qui acceptent de changer de fonction. Ça stoppe aussi l’immobilisme”
Du côté des “points de vigilance”, elle insiste sur trois éléments :
- La motivation du candidat : “Il faut être sûr que la personne ne rejoigne pas l’entreprise pour ça. Qui plus est que c’est un one shot. Donc, il peut partir une fois le bonus touché”.
- Les candidats peuvent être offusqués. “Ils savent que leur valeur sur le marché est supérieure, donc cette compensation one shot ne va pas rentrer dans leur package, notamment auprès des banques. Ce côté temporaire peut faire penser que l’entreprise ne fait pas l’effort nécessaire pour être au prix du marché”.
- La politique interne. “Certains collaborateurs internes peuvent s’émouvoir de l’écart de rémunération. Parce qu’il le touche tous les mois, dès le début ou dans 6 mois, finalement, c'est là”. Traduction, l’écart que l’on souhaitait éviter est bel et bien présent.
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Un outil pour aider à recruter ou un poison pour l’interne ?
“L’intérêt le plus courant, c’est quand même d’éviter la déstabilisation en interne, pointe Charlène Hemery. Le marché a donc évolué à chaque recrutement, on peut se poser cette question : ce candidat vaut plus cher que mes collaborateurs, comment faire ? C’est le vrai point de douleur des RH”.
Le Golden Hello serait en réalité la prime de “période d’essai” pour les deux camps ? “Oui, c’est en quelque sorte ça”, abonde-t-elle. “C’est un partage des risques des deux côtés. Pour l’employé, c'est un bonus qui permet d’accompagner une prise de risque lié à un changement de boite, et pour l’employeur, c’est une manière de moduler le coût, au lieu de directement prendre quelqu’un à un salaire important”.
Un écart de salaire en interne, est-ce si destructeur que ça ?
“C’est difficile à quantifier précisément, mais oui”, prévient-elle avant de poursuivre son analyse : “Face à ça, il y a deux types de collaborateurs. Celui qui va s’exprimer et qui va dire : “soit tu m’alignes sur le même salaire, soit je pars”. C’est fréquent dans le quotidien RH, même si tous ne vont pas au bout”.
“Et il y a ceux qui ne vont rien dire, et c’est destructeur. Ils vont être démotivés, en perte d’adhésion et de confiance. Et un beau jour, ils claqueront leur démission, et ça sera trop tard”, complète-t-elle. Enfin, Il y a aussi une question d’ego, de level, de classes qui entrent en jeu : “la sensibilité et les drivers de reconnaissance entre les personnes fluctuent beaucoup”.
Comment récompenser la fidélité quand on valorise le mercato ?
Finalement, quelqu’un d’hyper engagé dans sa boite serait moins enclin à être récompensé qu’un serial worker ? Pourquoi ne pas mettre en place une prime de fidélité ? “La prime de bienvenue est un système d’attractivité, et non de fidélisation”, rétorque tout de go Charlène Hemery.
Puis, elle tempère : “Ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas le coupler à un autre système. Certaines entreprises calculent la rémunération avec un coefficient d’ancienneté. Il y a aussi d’autres avantages comme le fait de devenir mentor ou ambassadeur. Donc, oui, c'est un principe d’attractivité, mais il faut renforcer la fidélisation, pour ne pas envoyer de mauvais messages aux collaborateurs, c’est sûr. Il faut clairement penser à des systèmes innovants sur la fidélisation !”
Et si on offrait autre chose que de l’argent pour séduire ?
“Il y a de plus en plus de choses qui sont attendues par les collaborateurs qui ne sont pas vraiment matériels”, professe-t-elle en donnant l’exemple d’une marque très connue : “Monoprix avait classifié les pain points du quotidien de ses collaborateurs”, dans le but de les soulager.
“Exemple avec les jobs étudiant, Monoprix les accompagnait à trouver un logement. Pour les parents, il y avait du soutien scolaire, détaille l’experte. Il y a aussi les entreprises qui mettent à disposition leur propre savoir-faire. Apprendre à ses collaborateurs à investir quand on est dans le domaine bancaire, c’est facile à mettre en place”. Pratique, pragmatique… et aussi moins couteux vu que l’expertise est interne.
Et de conclure : “On va de moins en moins vers une industrie du plus et au contraire vers une industrie du mieux. Tout ce qui peut soulager ton quotidien hors du temps de travail, j’y crois beaucoup”.