“Réunionite chronique”, c’est grave docteur ?
3 réunions sur 4 n’aboutissent à rien. 4 personnes sur 10 avouent passer leur temps sur leur téléphone pendant une réunion. Une réunion dure en moyenne entre 54 minutes et 1h 17. La majorité des salariés passent 4,5 heures par semaine en réunion. Ça, ce sont des études très sérieuses qui l’affirment. Mais dans la réalité, ça donne quoi ?
Victoire en voit de toutes les couleurs avec les réunions, son ordinateur portable est couvert de post-it jaunes, verts ou oranges en fonction des urgences. Son agenda Google est plein à craquer. En violet, les réunions acceptées, en blanc, les invitations en attente, en bleu, les réunions qui se chevauchent les unes aux autres. Du lundi au vendredi de 9h à 19h, c’est un marathon de réunions d’équipe, réunions projets, up date, tour de table. 4 à 6 heures par jour. “Et encore, j’en refuse plein, je dois prioriser”.
Son taf, c’est du management de transition dans un grand groupe industriel à Paris. En français et anglais. Autant dire que la plupart du temps, son cerveau est en surchauffe. “Entre chaque réunion, il faut délivrer du contenu, c’est difficile à tenir avec les ordres du jour, les plans d’actions, les rétroplannings, le suivi pour la réunion d’après”.
“30 minutes, c’est le format idéal, au delà, on décroche”
L’époque où la plupart des participants à des réunions se contentaient de faire acte de présence en passant leur temps sur leur téléphone portable appartient au passé. Le COVID est passé par là et a changé la donne. Les réunions digitales ont supplanté les réunions physiques. Les deux dernières années qui ont complètement désorganisé le monde du travail n’ont pas guéri les grandes entreprises françaises réputées pour leur réunionite aigüe, mais elles ont boosté la recherche d’efficacité de ces sacro-saints rassemblements de collaborateurs…
À force de passer sa vie en réunion, et pour avoir bossé durant des années pour un groupe américain depuis la France, Victoire a un avis bien tranché sur la question : “30 minutes, c’est le format idéal, au-delà, on décroche. Les Américains ont une culture de la réunion différente de la nôtre, elles sont calées 6 mois à l’avance, une fois par semaine. Chacun sait ce qu’il doit y apporter. Tout le monde est acteur et non pas spectateur. Et tout le monde sort de réunion avec une liste d’actions à mener… jusqu’à la prochaine réunion”.
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Deux jours de réunions par semaine !
Dans la boite où bosse Victoire, le télétravail, c’est deux jours minimums par semaine. Deux jours de réunions qui s’enchainent à un rythme infernal, au risque parfois de décrocher. “La semaine dernière j’ai coupé le son et la caméra, au bout d’une heure et demie de réunion parce que ça m’emmerdait”. Pour avoir la paix, Victoire s’envoie des invitations à elle-même et bloque des créneaux de focus-time pour pouvoir bosser. “Les agendas Google en partage de visionnage, c’est la plaie ! Parce qu’aujourd’hui, organiser une réunion, c’est aussi simple que d’envoyer un mail”.
Manu bosse depuis 14 ans pour un opérateur de téléphonie français. Il travaille en multisites, essentiellement avec les DOM-TOM. Pour lui, c’est 4 heures minimum de réunion par jour. Incompressible. Au bureau ou en télétravail, la plupart du temps en visio avec ses collègues à l’autre bout de la planète. Pour lui, les réunions permettent de créer du lien, c’est plus efficace que les mails.
Matin = projet / Aprem = réu
“Les réunions en visio, c’est bien, ça nous permet de nous affranchir des déplacements et de voir les gens même à distance. Ça crée une dynamique, un esprit d’équipe. Le plus compliqué, c'est de trouver des créneaux, avec les décalages horaires. Au boulot, on a maintenant des salles dédiées avec des caméras pour travailler dans de bonnes conditions en Skype ou en Teams”.
Son organisation de travail est quasi militaire : le matin en mode projet avec un gros travail de réflexion, l’après midi, il enchaine les réunions. “On a forcément un ordre du jour, un fil conducteur, on envoie les docs en amont, on présente les Powerpoint, on modifie ensemble en partage d’écran… c’est hyper structuré. Les outils ont évolué. Les mentalités aussi”.
Guénola est membre du COMEX d’une société immobilière en pleine expansion en région parisienne. “On s’est rendu compte que le COMEX prévu tous les mardis de 9H30 à 12h30 dépassait le créneau imparti, la partie opérationnelle n’intéressait pas tous les membres du COMEX. Les fonctions support perdaient leur temps, donc on a scindé en deux. On a créé une réunion dédiée aux sujets opérationnels tous les mardis matin et on a mis en place un COMEX une fois par mois d’une durée de 3 heures”.
Un minuteur qui au cœur de la salle de réu…
Son retour sur expérience est plutôt positif : “C’est un bon compromis, on a plus de réactivité, plus d’échanges, les actions sont plus claires et plus précises. Lors des réunions hebdomadaires, chacun a 10 minutes pour aborder son sujet”.
Pour preuve, un minuteur trône au beau milieu de l’immense table de la salle de réunion… Chaque réunion fait désormais l’objet d’un ODJ (un ordre du jour), qui sera suivi d’un CR, comprenez un compte rendu… Rédigé de manière synthétique, il recense une liste précise de « pour action » avec le nom des personnes en responsabilité qui devront la semaine suivante faire le point sur le suivi.
Pour Guénola, “Le CR est incontournable, essentiel, c’est un levier puissant, il permet d’avoir le même niveau d’information et permet à chacun de se responsabiliser, c’est plus engageant pour les équipes. Quand je suis arrivée dans la boite il y a deux ans et demi, il n’y avait pas beaucoup de réunions. Aujourd’hui, on cherche à voir lesquelles sont importantes”.
Elle supplie pour avoir des réunions
Yasmine qui travaille à Toulouse dans une petite société avec 4 associés et une vingtaine de cabinets indépendants, a dû supplier ses boss d’organiser des réunions au moins une fois par mois : “Ils sont tous allergiques aux réunions qui sont une perte de temps selon eux, mais pour moi c’est une vraie galère, je passe mon temps à courir après les infos, souvent, je découvre des trucs au détour d’un mail dont j’ai été en copie et non destinataire. S’envoyer des mails, c'est bien sympa mais ça ne suffit pas, à un moment, il faut se poser, parler, transmettre les infos, se réunir quoi ! Pas de réunion, pas d’info”.
Victoire dresse le même constat : “Les conversations devant la machine à café le matin où tu glanes des infos en arrivant au taf ne remplaceront jamais une réunion… Le tout c’est de pas se laisser déborder”. De quoi faire le bonheur des boites de coaching en transformation de l’entreprise de plus en plus prisées et qui préconisent des réunions au timing minuté avec des ordres du jour établis à l’avance, communiqués à chaque participant, des comptes rendus précisant qui fait quoi et quand.
Les réunions, on déteste certes, on pense souvent que ça ne sert à rien, mais c’est un mal nécessaire. Il suffit juste de faire preuve d’un minimum d’organisation et de bon sens.