Les salarié‧e‧s doivent-ils être traités comme des clients ou des abonnés ?
Des bureaux waouh, des avantages alléchants, un parcours collaborateur à la carte et toujours plus de flexibilité : les entreprises se décarcassent pour améliorer leur expérience collaborateur et retenir leurs talents. Alors, à l’heure où les salarié‧e‧s consomment l’entreprise, faut-il les traiter comme des clients ? Et ce, d’autant plus qu’ils peuvent quitter leur employeur du jour au lendemain ?
“Si vous prenez soin de vos employés, ils prendront soin de vos clients”. Cette célèbre citation de Richard Branson illustre parfaitement le concept de symétrie des attentions. Développé par Charles Ditandy et Benoît Meyronin dans leur ouvrage Du management au marketing des services paru fin 2007, on le retrouve - entre autres - dans le livre de l’entrepreneur indien Vineet Nayar, Employees First, Customers Second . Il existe même un label décerné par L’Académie du service : "Équipe heureuse, clients heureux".
Aimez vos collaborateurs, ils chouchouteront vos clients
“La Symétrie des Attentions met la qualité de la relation d’une entreprise avec ses clients au même niveau que la qualité de la relation entre cette même entreprise et ses collaborateurs”, explique Marie-Sophie Zambeaux, fondatrice de ReThink RH, cabinet de conseil en recrutement et marque employeur. Et c’est le double effet kiss cool : les collaborateurs sont plus épanouis, et les clients ou usagers encore mieux servis.
Sans compter qu’un collaborateur est aussi un potentiel client ou usager ! S’il vit une mauvaise expérience dans son entreprise, il y a de fortes chances pour qu’il ne souhaite plus acheter ses produits, et que le même effet se produise dans son cercle de proches.
À l’inverse, une entreprise comme Patagonia pratique la symétrie des attentions depuis toujours, et démontre une forte croissance. “On peut difficilement continuer à fabriquer les meilleurs vêtements outdoor si notre culture devient principalement celle d’employés de bureau. C’est pourquoi nous cherchons des « aventuriers » qui se sentent plus à leur place dans un camp de base ou sur une rivière plutôt qu’au bureau”, explique Yvon Chouinard, son illustre fondateur, dans l’ouvrage Hommes d’affaires malgré moi.
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Mettre le paquet pour se faire plaquer ?
Alors que le phénomène de job hopping s’accélère avec des candidats qui se volatilisent du jour au lendemain, on pourrait se demander si cela vaut vraiment le coup côté employeur de sortir le grand jeu ? Pour Marie-Sophie Zambeaux, point de doute : “il faut d’autant plus chouchouter le collaborateur qu’il risque de vous quitter un jour ! Autant lui donner envie de rester le plus longtemps possible et de coopter d’autres talents parce qu’il se sent bien au sein de votre organisation”.
L’objectif ? Éviter de remplir le tonneau des Danaïdes des RH. “La baignoire des talents se vide presque plus vite qu’elle ne se remplit, et la fonction RH continue à faire son Shadok du recrutement et son Caliméro de la pénurie de compétences”, explique Thomas Chardin, Fondateur et dirigeant de Parlons RH.
Car les difficultés de recrutement atteignent leur paroxysme avec 61 % des recrutements jugés difficiles par les organisations selon la dernière enquête BMO de Pôle Emploi, soit 16% de plus par rapport à 2021. En face, 58 % des candidats pensent que le marché est désormais à leur avantage et le turnover n’a jamais été aussi élevé. Tournant autour de 15%, il a doublé en 20 ans. Et pour Marie-Sophie Zambeaux, “le recrutement n’est que la partie émergée de l’iceberg, dissimulant les problématiques de fidélisation, d’engagement et d’absentéisme”.
- 79% des candidats affirment qu’une mauvaise expérience de recrutement génère chez eux une réaction négative.
- 1 candidat sur 2 va constater une dégradation de sa vision de l’entreprise et va partager sa mauvaise expérience avec son entourage.
- 47% vont refuser de postuler à nouveau au sein de l’entreprise.
- 23% vont réduire leurs achats de produits, ou totalement boycotter l’entreprise.
Gare au phénomène de la maison témoin
Au-delà de traiter son salarié comme son client, il s’agit aussi de pratiquer la symétrie des attentions candidat-collaborateur. Autrement dit, d’assurer le service après-vente du recrutement, le grand oublié des politiques RH. Notre experte alerte ainsi sur le syndrome de la maison témoin : “Attention aux effets de manche, aux communications fallacieuses et déceptives qui peuvent se retourner violemment contre vous. Une **distorsion flagrante entre l'image idyllique véhiculée et la réalité vécue du terrain peut avoir des conséquences désastreuses”.**
C’est ce qu’explique Thomas Chardin dans " DRH mission ou démission : 3 pistes d'action à l'heure du choix " : "La promesse employeur véhiculée auprès des candidats se doit d’être une réalité vécue par les salariés. Dans le cas contraire, cette distorsion communicationnelle sera sans nul doute contre-productive. Elle mettra en péril la pérennité des recrutements opérés, augmentera l’absentéisme et le turnover".
Mais le salarié est-il vraiment un client ?
On ne peut que saluer le concept de symétrie des attentions, et juger positif que l’on considère le collaborateur comme un client. Toutefois, il y a une forte différence de nature entre les clients/usagers et les collaborateurs, et donc une différence notable d’attentes.
Déjà, le cadre légal n’a rien à voir. Il existe un lien de subordination au sein de l’entreprise, mais aussi une responsabilité de l’employeur envers son employé. “Même si on améliore au maximum l’expérience collaborateur, le salarié demeure une personne que l’on rémunère chaque fin de mois en contrepartie de son travail. Et l’employeur a encore plus de devoirs envers son employé que son client”, explique Marie-Sophie Zambeaux. Bref, on ne peut pas appliquer exactement les mêmes recettes pour les uns et pour les autres !
“Pour que la symétrie des attentions fonctionne, il faut s’interroger sur les attentes réelles des collaborateurs et l’évolution de ces dernières pour viser juste (expérience candidat, expérience collaborateur, politique de mobilité interne, politique de formation, RSE..)”, conclut notre experte. Alors, doit-on prendre soin de ses collaborateurs comme de ses clients ? Oui, certainement, et même aller plus loin. Et tant pis s’ils vous quittent un de ces quatre matins. L’amour vaut d’être vécu.