Savoir gérer les conflits : la compétence qui vaut de l’or
On se demande parfois quelle est la compétence la plus utile dans le monde du travail ? Si vous osez mettre “je sais gérer les conflits”, il est possible qu’on vous ri au nez… mais il est aussi fort probable que ce talent vaille de l’or…
Érigée par le cabinet Gartner comme le prochain “must-have skill” des managers, la gestion de conflits intéresse de plus en plus les RH tout en étant un sujet hautement émotionnel. Mais pourquoi est-elle autant d’actualité ? Et comment mieux former ses équipes en interne ?
Aucun être humain n’apprécie le conflit. “Nous sommes des êtres sociaux qui aiment évoluer dans un système relationnel apaisé. Quand il y a des tensions, cela crée une forme d’inconfort”, introduit Marie d’Hautefeuille, psychologue du travail. Pour autant, nous ne sommes pas tous égaux face au conflit.
Si personne ne va juger satisfaisant d’être dans une telle situation, certains individus vont mieux le vivre, par exemple parce qu’ils y ont été confrontés durant leur enfance. “Personnellement, c’est mon cas. Bien sûr, il n’y a aucune raison de trouver un conflit agréable, mais on peut apprendre à le gérer et ne pas le fuir”, poursuit notre interlocutrice qui se dit cependant frappée par le nombre de ses patients qui se disent mal à l’aise avec le conflit.
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Plus d’exigence donc plus de conflits ?
On pourrait rêver l’entreprise comme un monde pacifique où les conflits n’auraient pas droit de cité, et où la rationalité l’emporterait sur les sentiments… déraisonnables. Mais nous savons tous pertinemment qu’il n’en est rien. “Je crois même que l’entreprise est encore plus conflictuelle qu’avant, notamment parce que les travailleurs avancent de plus en plus “sans filtre””, lance Marie d’Hautefeuille. Avec les réseaux sociaux et l’horizontalisation des organigrammes, chacun s’exprime plus fort tandis que la politesse n’est (pas toujours) d’usage.
Cette plus forte propension au conflit, Luc Mouillère, Président du Réseau des Médiateurs d’Entreprise et médiateur, l’observe lui-aussi. Son analyse ? “Les exigences des travailleurs sont de plus en plus grandes envers les entreprises (la fameuse quête de sens). Les gens sont moins prêts à accepter une pression qu’ils jugent excessive, notamment en matière de management”, observe-t-il. Et du coup, ils n’hésitent pas à se rebeller, sans pour autant toujours exprimer leurs frustrations de la bonne façon.
De plus, outre les conflits interpersonnels, les organisations amènent elles aussi de nouvelles problématiques. Celles-ci se complexifient, adoptant souvent une structure matricielle avec de plus en plus de responsabilités non plus hiérarchiques, mais fonctionnelles, autour d’un projet ou d’une mission.
Sans oublier que d’un point de vue plus global, il existe désormais une plus forte interférence entre l’entreprise et les sujets de société (égalité H/F, inclusion des LGBT+, reconnaissance des travailleurs handicapés, RSE etc). “ Pour répondre à ces enjeux, on ne peut pas se contenter d’avoir une approche juridique. Il faut parvenir à co-construire ensemble des solutions en laissant la porte ouverte à la créativité des parties prenantes”, souligne Luc Mouillère.
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La gestion de conflits, une problématique RH ?
Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, la gestion de conflits semble plus actuelle que jamais ! “Dans un contexte de guerre des talents, agir sur la gestion de conflits est devenu central pour les entreprises, à la fois pour retenir les collaborateurs, mais aussi travailler la marque employeur à l’externe”, insiste Léna Basile, DRH à temps partagé et coach certifiée en intelligence émotionnelle. C’est également une question de performance collective qui impacte irrémédiablement la rentabilité de l’entreprise.
D’ailleurs, nombre d’organisations n’ont pas attendu la publication de cet article (on le sait très bien, on n’est pas fou) pour agir. Après avoir déployé des formations pour gérer les conflits avec l’externe (relations client), les entreprises prennent désormais en main la gestion des conflits en interne.
Léna Basile nous explique ainsi que de nombreuses actions ont été menées en matière de prévention des risques psycho-sociaux. “Quand on parle de gestion des conflits, cela englobe aussi les discriminations et cas de harcèlement”, relève la spécialiste qui nous rappelle que les entreprises dépassant 250 employés sont tenues de mettre en place des procédures en interne. Cellules d’écoute psychologique, voire psychologue et médecin du travail en interne, charte éthique, dispositif de remontée des alertes… les entreprises tentent de mieux s’armer face à ces situations.
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Réel conflit ou mauvaise communication ?
Parce que nous ne parlons pas tous le même langage, 90% des conflits proviennent d’une problématique de communication. “C’est pour cela qu’il est essentiel de faire monter en compétences les RH et lignes managériales sur les sujets liés aux techniques de communication (méthode DISC ou process com par exemple)”, lance Léna Basile.
L’objectif ? Comprendre les mécanismes et fonctionnements des personnes avec lesquelles on travaille pour développer davantage de tolérance et surtout adapter son comportement à son interlocuteur. Autant d’outils qui vont notamment aider les managers à formuler de meilleurs feedbacks à leurs équipes. La DRH à temps partagé nous explique aussi que de plus en plus de cellules de co-développement voient le jour pour créer des lieux ressource sur ce sujet en entreprise.
Travailler à la gestion de conflit, c’est enfin et surtout développer des compétences émotionnelles. Expression de ses propres émotions, capacité à résoudre des problèmes, contrôle des impulsions (3 des 15 compétences de l’Intelligence Émotionnelle) et bien sûr écoute : “en verbalisant les émotions, on les met à distance et on permet davantage à son interlocuteur de mieux saisir ses réactions”, ajoute Léna Basile.
“Le principe de la médiation est justement de faire comprendre que derrière des décisions présentées comme rationnelles, il y a souvent une part émotionnelle importante. Dans un litige, la médiation permet aux parties prenantes de prendre conscience des besoins qui n’ont pas été satisfaits et qui sont souvent à la base du conflit”, explique Luc Mouillère. Une posture qui nécessite du courage et une bonne connaissance de soi !