Taf, sexe, amour : ils ont tout mélangé, mais l’ont-ils regretté ?
Héloïse et Alexandre, Théo et Myriam, Aron et Lola, Maëva et Baptiste, Yasmin et Robin. Qu’ont-ils en commun ? D’avoir été collègues et d’avoir vu naitre entre eux une petite flamme ou un grand brasier. Témoignages.
Des regards qui se croisent, un sourire qui s’esquisse, des mains qui se frôlent dans les couloirs, des bouches qui se cherchent fiévreusement dans un escalier à la volée… Un collègue vous plait, et tout est changé.
Chaque journée est à rejouer, chaque jour travaillé se change en évènement, chaque réunion devient une scène où s’exprime le caractère irrépressible de votre désir.
Mais calmons-nous, et redescendons de quelques degrés pour écouter le récit de ces salarié‧es qui ont, presque, tout osé…
“Mon secret, c’est que j’ai été la maitresse”
S’il n’y avait pas eu ce pari autour d’un match de foot, le stage d’Héloïse* se serait sûrement passé tout autrement. “Je perds mon pari et lui envoie un message. De ce jour-là, j'ai lancé une machine qui ne s’est pas arrêtée. On s'est parlés quotidiennement”. Lui, c’est Alexandre*, marié, de 10 ans son aîné, manager et responsable de la mission handicap et RSE.
La relation s’installe, entre flirt et amour platonique. L’élément qui catalyse ce jeu de séduction ? Les deux collègues occupent le même bureau. “Le flirt se manifestait par des regards. On s'envoyait pas mal de messages via le Skype du boulot” se souvient la trentenaire, alors stagiaire comme psychologue du travail en entreprise. Évoluant dans deux équipes distinctes au sein de la même direction, les deux collègues n’ont aucun lien hiérarchique direct, et travaillent assez peu ensemble, sauf sur quelques projets connexes.
Premier séminaire, soirée alcoolisée, et c’est le premier baiser. Le flirt au bureau continue, et s’étend hors des horaires de travail : “Lui n’habitait pas à Paris, il arrivait le matin en train et moi, j'avais changé d'itinéraire pour pouvoir le rejoindre à la gare, comme ça on passait le trajet en métro ensemble. Et le soir, on s'attendait. Tout le monde partait et nous, on allait boire un verre tous les deux, minimum une fois par semaine”.
Mais un tel secret est dur à garder. “On le cachait aux collègues, mais c’était devenu un peu envahissant. Aux verres d’équipe, ça avait commencé à se voir, on se faisait du pied sous la table, tout le monde avait capté et essayait de nous piéger” se rappelle Héloïse. Peu à peu, des tensions s’installent : “Ça a quand même beaucoup dégradé les relations au travail au bout d'un moment. Je ne sais pas trop si c'était de la jalousie. Quand tu es suspicieux par rapport à tes collègues… Tu te sens un peu trahi.e. Tu te dis : ‘ma collègue se fout de ma gueule’ “.
Suite au départ de sa manager, tout est chamboulé : Héloïse se voit proposer un contrat, le service s’apprête à être réorganisé et Alexandre à devenir son chef. Au retour des vacances, la situation entre collègues s’étant apaisée, elle accepte le poste et se désintéresse de son crush, devenu son boss. “C’était redevenu professionnel, comme avant” décrit-elle. Avec le recul, elle s’estime chanceuse d’avoir pu récupérer l’estime de ses collègues : “Peut-être que s'il n'avait pas été marié, ça ne se serait pas passé comme ça. Mais là, il a dégringolé dans leur estime et moi aussi. J'aurais pu flinguer une opportunité professionnelle à cause de ça”.
“Il y avait une salle de réunion au sous-sol […] On se chauffait de ouf”
Être attiré par la nouvelle stagiaire, c’est ce qui est arrivé à Théo*. Il a 28 ans, Myriam* en a 22, tous les deux sont célibataires et ce soir-là, c’est afterwork. “C'était sa première semaine. Moi, c'était limite la première fois que je la voyais. Comme il y avait beaucoup de blagues en dessous de la ceinture à l’agence, il y avait beaucoup de liberté de parole”. Un terrain propice au rapprochement pour le jeune graphiste.
Sentant qu’il a des chances de conclure, le jeune homme bat le fer tant qu’il est chaud et l’invite le week-end même pour l’anniversaire d’une amie. Ils rentrent chez lui et couchent ensemble. Mais le bureau reste le lieu le plus excitant. “Assez rapidement, on s’est rendus compte qu’on n’était pas trop intéressés l'un par l'autre. Mais au travail, on s’envoyait plein de messages. Il y avait une salle de réunion au sous-sol et c'est arrivé qu'on s’y retrouve tous les deux. On se chauffait de ouf, à se frotter un peu, et ça nous faisait triper parce que c’était secret. C'est ça qui était vraiment chouette dans cette histoire, c'est ce côté un peu interdit”, observe Théo.
Un petit pas de côté qu’il s’est autorisé à l’époque, n’ayant pas de lien hiérarchique avec elle : “Je m'en foutais que ce soit bien ou pas bien, pour moi ce n'était pas très grave et pas très engageant professionnellement. Il n’y avait pas d’enjeux, ce n'était pas une nana pour qui on allait me demander à la fin de son stage : ‘est-ce qu’on la garde ou pas’. Parce que, là, je me serais retrouvé dans une position pas très honnête” concède-t-il avec le recul.
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“On est restés cinq ans ensemble, on a même acheté une maison”
“Je me suis fait larguer le jour où j'ai commencé mon boulot. J'ai passé mes dix premiers mois en peine de cœur”. Ce nouveau job dans un grand groupe de presse, il avait plutôt mal commencé pour Aron*. Mais c’était sans compter l’arrivée soudaine de Lola*, stagiaire dans l’équipe print. Quatre ans d’écart, mais pas mal d’atomes crochus. Lui n’est pas son tuteur, mais son manager indirect lorsqu’il arrive à la journaliste d’écrire pour la version web du média.
“On flirtait un peu ensemble via le Google chat du boulot, parce qu’on n’était pas du tout dans le même open space. Au début, c'était pour parler d'articles, de relecture de papiers, puis après, tu te mets à parler de trucs un peu plus perso, des private joke commencent à naître”.
Un week-end de juin, c’est le premier rencard. Et puis, arrive la "Garden Party". “On a passé notre soirée ensemble, à faire la fête, s'amuser, picoler, danser”. Les deux collègues partagent un Uber pour rentrer, et Aron l’embrasse sur le pas de la porte avant de rentrer sagement. “Elle a fini son stage le lendemain, et après, on a passé un super été ensemble et ça a continué parce qu’on est restés cinq ans ensemble. On a même acheté une maison” confie-t-il.
Aujourd’hui, les deux ex-collègues ne sont plus ensemble. Et Aron en a tiré une leçon qui donne matière à réflexion : “Avoir une relation avec une collègue, c'était plutôt cool. Ce que je ne referai pas, c’est me mettre en couple avec quelqu'un du même milieu professionnel. Avec le recul, tu échanges sur les mêmes problématiques et ça t'enferme un peu dans un cadre et au final, tu es moins ouvert à d'autres choses” conclut le journaliste.
“On a couché ensemble pendant un spectacle en régie”
Certains salarié‧es ont le sens du spectacle. Maëva*, jeune danseuse, travaille en tant qu’ouvreuse à l’opéra le temps de se professionnaliser. Elle y rencontre Baptiste*, ingénieur son, cadre en CDI et de 10 ans son aîné. Ils ne bossent pas ensemble mais se croisent lors du placement des spectateurs, les soirs de représentation. Entre eux, ça a commencé tout doucement : elle lui parle de son futur voyage au Canada, il lui partage son mail pour qu’elle lui envoie des photos. “Pendant tout l'été, on s'est écrit par mail. Et on s'est vraiment découvert à ce moment-là” se souvient-elle.
Quelques rencards à l’extérieur, “des bisous en cachette dans ‘les escaliers lointains’” - leur nom de code pour les escaliers de secours - et puis des initiatives plus audacieuses : “On a couché ensemble pendant un spectacle en régie. Et on l’a aussi fait dans une loge. Mais je crois que je préférais quand même la régie. C’était plus drôle. J’étais en service, il était en service. Il y avait vraiment un truc complètement what the fuck et improbable” se remémore Maëva en riant.
Mais ce que la danseuse préférait, c’était ce boost d’émotions fortes au quotidien : “J'aimais bien parce que je travaillais avec lui sans travailler avec lui. C’était chouette de le voir, d’avoir ces papillons en permanence quand je le voyais et juste d’être heureuse en fait” confie-t-elle.
Amoureuse, elle finit par le devenir. C’est au moment de quitter son job qu’ils officialisent la nouvelle de leur couple auprès de leurs collègues. “On voulait attendre de savoir où on voulait aller, nous, et d’avoir des bases solides avant d’en parler. Et aussi que notre histoire nous appartienne le plus longtemps possible”. Une bien sage réflexion, pour une jolie histoire d’amour qui aura duré deux ans.
Pour Maëva, être en couple avec un collègue, ça facilite les choses parce que ça permet de “se comprendre, de pouvoir parler sans passer par des tonnes d’explications”. Mais ça reste un point d’accroche : “Il n’y a pas que le boulot qui nous rattachait. Le fait de travailler ensemble, c'est juste un point commun, un autre langage en commun. C’est un plus, mais ce n’est pas le tout” pointe-t-elle.
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“Cette histoire-là, c'est celle qui m'a fait le plus souffrir et celle qui m'a fait le plus grandir”
“Tu mélanges du sexe avec quelqu'un que tu kiffes au travail et un couple qui ne va pas bien, et ça amène vite à la rupture” résume de but en blanc Yasmin*. Collègues, amants, amoureux… Elle et Robin ont tout traversé ensemble. Dans ce média gastronomique, il est responsable vidéo, elle est responsable édito. Leurs compétences se complètent.
Ils collaborent sur de nombreux projets, deux à trois fois par semaine. Les frontières entre pro et perso sont subtiles lors de ces rendez-vous de travail qui se terminent souvent en tête-à-tête au restaurant. Et puis la distance qui sépare leurs bureaux est comme un fil tendu qui aiguise leur désir, deux bâtiments séparés par une cour, mais qui se font face à travers une fenêtre. “Cette disposition avait de l'importance. Je me souviens que je lui envoyais des messages ou des sons, et je regardais à quelle rapidité elle ouvrait le message, comment elle réagissait” se rappelle Robin.
Les moments les plus précieux, ça reste les soirées, où ils s’éternisent pour quelques moments volés. “Mais parfois, il fallait rentrer. Parce qu'on avait des vies, et des gens dans nos vies” souffle Yasmin, amère. Quelques mots qui trahissent le poids de l’adultère. Premier baiser dans une ruelle, première relation sexuelle à la fête de Noël du bureau, et leur attirance ne tarit pas. S’enchainent les “parties de sexe au boulot, soit sur mon bureau, en salle de réunion, jusqu’à dormir sur des tapis et utiliser des rideaux comme couette” se rappelle Robin.
Une connexion irrépressible qui finit par ne plus passer inaperçue… “Un jour, je me fais convoquer dans le bureau par le PDG. Il ferme la porte et me parle d'un truc dont on se fout complètement, et me dit juste après : “au fait, on a installé un nouveau système de sécurité. Du coup, on a des caméras dans tous les bureaux” raconte Yasmin. Une manière délicate de les prévenir que leurs ébats avaient été repérés sur les caméras.
Que leur procure cette relation ? “Du sexe, de l’excitation, du piment” résume Yasmin. Mais ce n’est pas tout : “Ça m'apportait quelque chose en plus, ce jeu de séduction dans un lieu où il n'y en a pas normalement. C’était grisant. Ce qui était cool aussi, c’était la motivation que ça me donnait dans mes projets : l’envie de plus me dépasser pour l'impressionner. Mon travail professionnel a été meilleur, même si j'étais moins professionnel” résume Robin en riant.
Mais à jouer gros, on risque gros. “À un moment donné, notre histoire a explosé” lache Yasmin. Robin pose sa démission, quitte son appart’ et va retrouver sa copine dans le Sud. Un mois plus tard, il finira par la quitter et partir faire un tour du monde d’un an, tout en restant en contact avec Yasmin. En couple depuis cinq ans, mariés depuis un an et demi et en processus d’adoption depuis deux ans, ils portent aujourd’hui un regard tendre sur un début de relation… explosif.
*Les prénoms ont été modifiés par souci d’anonymat