société

Et si l’entreprise montrait l’exemple sur la transformation environnementale ?

La transformation environnementale des entreprises. Un gros mot qui peut faire peur tant la montagne a l’air haute, pentue et ardue. Mais comme tout chemin, il faut bien démarrer un jour. En quoi l’entreprise a-t-elle un rôle clé là-dedans ? Pourquoi la France est-elle précurseur sur le sujet ? Quels enjeux business cela traduit-il ? Est-ce que ça coûte cher de se former ? Rencontre avec Antoine Poincaré, directeur de l’Axa Climate School.


8 min
18 septembre 2023par Yannick Merciris

TDS :La prise de conscience sociétale autour de la transition écologique existe. Mais on a l’impression que c’est plus une démarche individuelle. En quoi l’entreprise peut-elle ou doit-elle avoir un rôle là-dedans ?

Antoine Poincaré : Les boites d’aujourd’hui savent que si leur activité émet beaucoup de CO2, elles sont face à un risque de transition. Ce n’est pas une question de “il va faire plus chaud”, il y aura plus de cyclones”. Non. Le monde économique va devoir s’adapter. Collectivement, on va commencer à vouloir que le prix du produit traduise exactement l’impact négatif que l’entreprise peut avoir sur l’environnement, on va avoir des vagues de régulation, on va commencer à dire que le marché complètement libre sur des activités très émettrices comme certains modes de transport, ce n’est plus possible.

Il va y avoir un choc pour les entreprises. Si elles veulent continuer à faire leur métier dans les années à venir, elles vont devoir être capables de baisser leurs émissions de carbone… massivement. Parce que les états ont pris des engagements aussi, donc ça concerne les habitants (on va devoir changer nos habitudes de vie), mais aussi les entreprises. C’est très présent aujourd’hui dans l’esprit des dirigeants, notamment en France.

“En France, on aime croire qu’on peut inventer des modèles de société”

Pourquoi en France, est-on si “éveillé” sur le sujet ?

La présence d’une personne comme Jean-Marc Jancovici a permis de faire naitre un éco-système assez tôt (Carbone 4, The Shift Project), l’émergence de la Fresque du climat, de l’atelier 2 Tonnes, Engie Impact qui fait du conseil en décarbonation… Ça s’auto-entraine.

Je crois, mais ça n’engage que moi, qu’en France on a deux biais. Le premier, c’est qu’on aime croire qu’on peut inventer des modèles de société. On vit avec cette idée que l'on peut réinventer Les Lumières, du moins on a l’orgueil de penser que l'on peut dessiner le cadre de pensée qui pourrait devenir le cadre de pensée mondial. Après, on réussit ou pas, c’est un autre sujet, mais on essaie. On a une âme de leader plus que de suiveur.

L’autre biais, c’est que dès qu’on s’intéresse à la transition environnementale, on s’intéresse à la place que l'on va laisser à l’activité économique et à l’entreprise. Donc savoir comment réguler et quel degré de contrôle l’État doit appliquer à l’activité économique. En France, on est assez à l’aise avec cette notion de régulation, on est un pays assez administré. Alors que dans les pays qui fonctionnent sur un marché plus libre (Angleterre, USA) tu fais face à un choc.

68% des salariés veulent être formés à la transition écologique. Pourquoi ?

Pour une partie, ça fait écho à la fameuse quête de sens dont on parle depuis longtemps. Je vois que le monde est en train de changer, je veux que ma boite change avec, et donc personnellement acquérir les connaissances qu’il faut pour cela. C’est presque un réalignement de valeurs.

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Et puis pour d’autres, cela fait penser à la transformation digitale. C’est le dernier grand choc externe qui vient redéfinir qui sont les gagnants et les perdants de l’activité économique. On s’est dit : “mince le digital arrive, comment je vais faire, il faut que je me forme pour pas passer à côté”. Et bien là, tu te dis pareil avec la transition écologique. Et ça concerne tout le monde : la direction financière, la communication, le business.

Justement le business, désormais les enjeux CSR, font partie de “l’offre”, du moins des prérequis pour les entreprises.

Exactement. C’est la grosse différence entre la transformation digitale et la transformation environnementale. Comment dépasser le cap des très grandes boites et aller jusqu’aux PME ? La transformation environnementale descend des grandes boites aux petites par le biais des appels d’offres. Parce qu’une boite hérite de la responsabilité carbone de tous ses fournisseurs, elle doit montrer qu’elle sélectionne ses partenaires sur ces critères environnementaux. On ne peut plus se dire “on verra l’empreinte carbone plus tard” pour ces raisons-là.

C’est un peu la théorie du ruissellement… mais qui fonctionne vraiment ?

En tout cas le régulateur a fait le choix de se concentrer sur les flux financiers, car je ne sais pas s’ils ruissellent, mais ils circulent ! En mettant un gros focus « régulation » sur des acteurs comme les banques et les fonds d’investissement (aujourd’hui surtout sur le reporting / transparence), l’idée est simple : plus on sera transparent (et demain contraignant) sur les flux de financement, plus on pourra toucher « l’économie réelle ».

“Les RH ne doivent pas être le fer de lance sur la transition environnementale plus qu’un autre département. C’est aussi à chacune des directions de s’en emparer”

16% des RH sont formés au sujet de la transition écologique. Est-ce à eux de porter ce sujet ? Au directeur financier ? Il faut un département CSR pour chaque boite ?

Je ne pense pas que ça doit être porté par les RH plus que par une autre fonction. Soit l’entreprise est assez grosse pour avoir une direction CSR, ou alors une direction de la transfo. Qu’on ait ou pas cette personne, toutes les fonctions vont devoir s’en emparer. Le Head of CSR, c’est pas une baguette magique. Il faut aller parler à tout le monde : aux sales pour pas vendre n’importe quoi, à la direction financière pour les reportings, au marketing pour ne pas greenwasher, à la direction juridique pour voir s’il n’y a pas un risque climat qui aurait été zappé.

Les RH ne doivent pas être le fer de lance sur la transition environnementale plus qu’un autre département. C’est aussi à chacune des directions de s’en emparer. En revanche, elles ont la gestion des compétences dans leur spectre. Et si une boite doit se transformer, c’est aussi par les collaborateurs. C’est à ce degré qu’ils sont impliqués.

Quels sont les nouveaux métiers qui vont apparaitre ?

Sur les nouveaux métiers, il faut faire une dichotomie entre les métiers verts et les métiers verdissants. Les métiers verts, ce sont ceux qui n’existaient pas et qui vont exploser : les énergies renouvelables, la mobilité douce, etc. Ces fameux métiers qui n’existent pas encore, c’est rigolo pour faire un article. On en a beaucoup parlé à l’époque du digital. Mais d’un point de vue volume… ce n’est pas ça qui a changé l’emploi, mais bel et bien la digitalisation des métiers existants.

Le véritable enjeu est donc dans la transformation… de nos métiers existants ?

Exactement ! Réfléchis à comment toi tu bossais il y a 10 ans, le digital l’a radicalement changé : le rôle des réseaux sociaux, la monétisation, l’immédiateté de l’info, etc. Ce qui va se passer avec le green, il va surtout y avoir un verdissement massif, la prise en compte des enjeux environnementaux dans tous les métiers qui existent déjà.

Comment on peut se préparer pour que nos métiers deviennent durables ?

La formation est une partie de la réponse, mais pas que via l'AXA Climate School, je te parle de ce que tu apprends à l’école aussi. Il y a une partition à faire sur ce qu’on appelle le modèle “1h, 10h, 100h”.

  • 1h : formation basique pour tout le monde sur ce qui est en train de se passer et de l’impact que ça va avoir sur mon métier.
  • 10h : Des personnes qui ont besoin de monter en compétences pour la réalité de leur métier. Le verdissement des métiers.
  • 100h : La reconversion professionnelle (le reskilling), car on sait qu’on va avoir besoin de nouveaux métiers, notamment sur la rénovation énergétique des bâtiments, massivement.

Donc, la formation c’est finalement très variable en fonction de l’objectif.

Justement, parlons-en. Ça marche comment l’AXA Climate School, et surtout, ça coûte combien ?

La Climate School, c’est de la formation en ligne asynchrone, qui peut se découper par des petits chapitres de 5 min. C’est réalisé par des journalistes et des ingénieurs pédagogiques pour assurer la transmission de connaissances. Il y a 3 niveaux :

  • Planète : compréhension scientifique de comment ça marche la planète.
  • Entreprise : “Quelles conséquences ont les accords de Paris ? “C’est quoi une empreinte carbone ? etc.”
  • Métier : je suis RH, je fais quoi ? Je suis juriste, je fais quoi ?

Et ça coûte environ, 15 euros par utilisateur et par an.

💡 En savoir plus sur l’AXA Climate School Entité d’AXA spécialisée sur le climat (200 collaborateurs) créée il y a 5 ans avec différents services qui ont comme point commun “d’aider à accélérer la transition environnementale des entreprises, des collectivités” avec 3 grandes activités : l’assurance climatique et paramétrique (couvrir l’année qui vient), du conseil en adaptation climatique (anticipation d’un temps plus long avec les potentiels risques en 2030, et comment s’adapter) et la formation (des collaborateurs à la transition) : La Climate School.

Yannick Merciris

Head of Editorial The Daily Swile

Journaliste qui aime autant les mots que le ballon rond. Vu que je gère mieux le premier que le second, j’ai décidé […]

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