société

Eux, trentenaires, sans enfants… sont-ils désavantagés face aux parents ?

Tiphaine, Elsa, Bedros, Julien, Éric et Laure ont trois points communs : ils sont trentenaires, n’ont pas d’enfant, et bossent. Comment vivent-ils leur non-parentalité dans un monde où 80% des gens qui bossent sont parents… ou vont le devenir ?


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“Je pense que je suis peut-être plus compréhensif avec les parents parce qu’il y a un certain nombre d’arbitrages qui ne sont pas de leur fait. Et vu l’importance que j’accorde à la famille, ça influence forcément”. Bedros a 33 ans, il est chef d’entreprise dans l’automobile, et comme tous les témoins de cet article, il n’a pas d’enfant… mais il bosse.

Et cet écart parents VS non-parents, il le vit autant qu’il doit le gérer. “Les parents sollicitent plus que les non-parents. Moi, je ne fais pas de distinguo, mais les non-parents ont moins d’imprévus. L’objectif, c’est d’être capable d’accompagner au mieux les gens, dans la parentalité ou autre”.

Eric, 31 ans, responsable d’une équipe d’analystes dans la musique, acquiesce : “Dans mon entreprise, je ne ressens pas de différence de traitement, c’est juste la fréquence des imprévus qui change”. Pas d’enfants, pas de maladie. Pas de maladie, pas d’absence. Pas de palais, pas de palais.

Les “AVANTAGÉS” contre les “NON-DÉSAVANTAGÉS”

Une différence constatée par Tiphaine, 34 ans, consultante et ancienne directrice influence d’un grand groupe hôtelier. “Il y a plus d’avantages qui sont pensés pour les parents que pour les non-parents, mais ce n’est pas une frustration, car ce sont sur des territoires et des contextes qu’on ne connait pas quand on n’est pas parent. Mais on sent qu’il y a moins d’efforts fournis sur les profils “célibataires”.”

Et d’enchaîner avec cette formule qui résume très bien la situation : “Ce sont des avantages que tu as quand tu es parent, mais pas des désavantages en tant que non-parent”.

Tous sont d’accord sur un point : le travail vient te faire moins de remarques sur ta vie perso… que tes proches. “C’est plutôt moi qui en parle, en disant que j’en veux plutôt que les gens”, confesse Julien, 38 ans, créateur de contenus sur les réseaux sociaux.

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Autre point d’accord, la non-parentalité offre une plus grande agilité. “Je me déplace le week-end, je peux bosser le soir. Je suis assez partante et motivée pour faire des choses qui sortent des horaires classiques de travail”, dixit Elsa, 33 ans, et qui bosse pour une grande chaîne de sport.

Oui, c’est con, mais c’est un gage d’agilité, de réactivité, confirme Tiphaine. Tu deviens quelqu’un qui ne va pas te mettre trop de contraintes last minute. Les gens y pensent inconsciemment”.

Notre chef d’entreprise ne peut que confirmer : “Rien que sur mon amplitude horaires, je peux être amené à travailler à des heures indécentes”, dit-il avant d’imaginer déjà la suite : “Avec des enfants, mon emploi du temps serait différent. Aujourd’hui, je privilégie mon boulot avant tout, demain ma vie de famille prendrait l’ascendant. La hiérarchie changerait.

Parfois, la non-parentalité permet aussi de rembobiner : “Oui, si j’avais eu un enfant, je ne me serais pas lancé dans cette reconversion professionnelle, je n’aurais pas pu m’investir autant dans la préparation du concours, ni même me redonner une chance de le repasser”, lâche Laure, 32 ans, qui prépare le barreau pour devenir avocate après un passé de juriste.

De quelle charge parle-t-on ?

Si la non-parentalité permet ce souffle d’air frais, elle permet aussi de prendre parfois un peu de recul sur le rythme effréné que s’imposent quelques darons et daronnes : “Je vois certains parents qui partent plus tôt du travail, et c’est normal, mais je sens qu’il y a une certaine pression pour eux à rattraper. Parfois, ce sont des mails à 23h, minuit. C’est super dur je trouve. Moi à 19h, ma journée de taff se termine”. Ce qu’on pourrait appeler la charge de la reconnexion.

“Le sujet de la charge mentale devient vite un sujet de charge parentale, alors que la charge mentale, tu peux aussi l’avoir en tant que célibataire et sans enfant, rétorque Tiphaine. On pense que la vie des gens est beaucoup plus simple sans enfant, mais tu ne connais pas la vie des gens. Peut-être que j’ai une personne à charge, un parent en situation de handicap…”

Pour Eric, les problèmes des parents peuvent être rapidement caricaturés : “Il y a un manque de sensibilisation dans les entreprises sur les problématiques des parents, c’est pas uniquement des histoires de crèche, c’est plus subtil que ça”.

Faire un enfant, ça change vraiment la vie… pro ?

“Là, je ne sais pas comment je ferais pour faire tout ce que je fais maintenant si j’avais un enfant. Il faudrait que je choisisse, je ne pourrais plus être autant disponible. Mais c’est normal, je voudrais ne plus être autant disponible”, panique puis tempère avec douceur Elsa. “Je vois les autres, et elles y arrivent”. “Elles”, c’est le pronom utilisé comme si la charge du foyer était encore bien trop ancrée d’un seul côté du genre.

Pour Julien, cuistot à ses heures perdues aussi, un enfant change la vie, et c’est tant mieux : “Je bosserais différemment : pas papa au foyer, mais presque. Je me rendrais hyper disponible, j’irais le chercher à l’école, je ferais la popote”.

Son de cloche totalement différent pour Bedros, notre boss de l’auto : “Je pense que j’aurais une adrénaline que je n’ai pas aujourd’hui. La famille, c’est une raison de plus de réussir. D’ailleurs, si j’ai repris la boite de mon père, c’était pour reprendre le patrimoine familiale et bosser avec mes frangins. La famille, c'est pas un sacrifice, c’est une évolution, c’est un complément”.

Malgré son désir d’enfant, Éric compose avec sa non-parentalité avec philosophie : “J’ai une contrainte en moins par rapport aux parents : je n’ai pas besoin de m’organiser si je veux bosser un soir par exemple. Ça nous met dans une position intellectuelle dans laquelle tu es prêt à accepter des challenges imprévus. Une possibilité de carrière supplémentaire ? “Oui peut-être… après tous les managers de ma boite sont parents”, sourit-il.

Femmes et hommes, pas logés à la même enseigne de la non-parentalité ?

“Quand j’ai pris mon nouveau job, je me suis posé la question “imagine je tombe enceinte, c’est peut-être pas le bon moment, j’ai envie de prouver ce que je sais faire pendant 1 ou 2 ans”, se souvient Elsa.

Julien peste contre une situation très archaïque, surtout dans certains secteurs : “Je me dis que ça n’a pas encore trop évolué. Les femmes, on les paie moins parce qu’on se dit qu’elles vont faire un gamin, et qu’elles ne vont pas être là pendant longtemps. C’est ce qui passait quand j’étais en restauration, les patrons n’embauchaient pas de femmes à cause de ça”.

Finalement, Tiphaine conclut par des mots forts, intenses et qui sont ceux qui peuvent (et doivent) infuser notre société : “Si demain je décide de me lancer, je sais que financièrement j’aurai de quoi poursuivre ma carrière, avoir du confort et du temps pour mon enfant. Je serais une femme dans son plein potentiel et sur l’ensemble de son spectre avec une maturité de corps et d’esprit”, et de claquer : “Ceux qui n’accepteront pas mon congé mat, tant pis pour eux, et je ne me braderai pas en revenant de congé mat, au contraire. La maternité ne sera pas un recul, ça sera juste une pause”. Drop the tétine !

Yannick Merciris

Head of Editorial The Daily Swile

Journaliste qui aime autant les mots que le ballon rond. Vu que je gère mieux le premier que le second, j’ai décidé […]

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