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Vacances illimitées : à qui profitent-elles le plus ? Employeur ou salariés ?

Vacances illimitées : À qui ça profite le plus ? Employeur ou salariés ?

LinkedIn, Netflix et maintenant Goldman Sachs… Les congés illimités ont pris de l’ampleur aux États-Unis, et commencent à faire leur chemin en France, notamment dans l’univers des startups. Mais qui des salariés ou des employeurs ont vraiment à y gagner ? Game, set and match.


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Les congés illimités du côté des salariés

  • Autonomie ou pression induite ?

Le concept des congés illimités repose - a priori - sur la confiance que les entreprises ont en leurs salariés. C’est ce que nous expliquait dans une interview Nicolas Perroud, Directeur associé chez Anikop, qui a mis en place les “congés libérés” au sein de son entreprise. Plutôt que de se soucier des 3% qui contournent la règle et abusent du système, il a préféré miser sur la responsabilisation des salariés.

Leur faire confiance, c’est-à-dire ne pas regarder le compteur. Chaque salarié est responsable de son travail et prend des congés s’il estime que cela ne va pas pénaliser l’entreprise. Toutefois, dans une entreprise moins bienveillante, il existe un risque : que chacun se mette à contrôler la présence de l’autre, ou encore que les augmentations et primes soient accordées à ceux qui prennent le moins de congés.

  • La sur-performance : atout ou inconvénient ?

La promesse des congés illimités est assez simple : vous faites le job, vous pouvez partir en vacances. C’est ainsi que certaines entreprises américaines permettent à leurs employés de partir en vacances dès lors qu’ils ont réussi leurs objectifs du mois. Dans cette logique, les congés illimités peuvent bénéficier aux salariés qui performent le plus, tout comme les freelances bénéficient directement de leurs gains de productivité.

“Certains salariés sont extrêmement productifs mais ne le montrent pas au quotidien. Avec ce système, ils pourraient profiter de plus de jours de congés”, analyse Emmanuel Baudoin, professeur associé en RH à l’Institut Mines-Télécom Business School et directeur du “HRM Transformations Lab”.  Toutefois, on peut imaginer qu’un salarié qui prendrait beaucoup de congés illimités pourrait être soupçonné d’en avoir encore sous la pédale, et sa charge de travail et ses objectifs pourraient alors être revus à la hausse.

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Les congés illimités du côté de l’entreprise

  • Prend-on vraiment plus de congés ?

Lorsqu’il a décidé de mettre en place les congés illimités dans son entreprise en 2014, Richard Branson, le patron de Virgin, a été très clair :

C'est aux employés de décider seuls des jours, semaines, ou mois qu'ils veulent prendre. Le présupposé étant qu'ils ne le feront que s'ils sont assurés à 100% qu'ils sont, eux, et leur équipe, à jour de leurs projets et que leur absence ne nuira pas à l'entreprise, et donc à leur carrière.

Mais derrière cette affirmation, on comprend la condition sine qua none : avec les congés illimités, il ne s’agit pas de mettre en péril la rentabilité de l’entreprise. Au contraire. Les études sur les congés illimités prouvent d’ailleurs qu’un tiers des salariés emmènent du travail avec eux en vacances. Aux États-Unis, dans les boîtes qui pratiquent les congés illimités, les salariés prennent en réalité moins de vacances : 13 jours contre 15 pour les autres.

  • Une action pour redorer sa marque employeur ?

La récente décision de Goldman Sachs de passer ses salariés en congés illimités est une excellente illustration d’une tentative par l’entreprise de redorer son blason alors qu’une partie des effectifs menaçait la société de démissionner, à cause d’une trop forte charge de travail.

“Pour les entreprises, les congés illimités peuvent être un gage de modernité en offrant la possibilité aux collaborateurs de moduler, à leur guise, une partie de leur temps de travail et de leur temps personnel ”, note Emmanuel Baudoin. Mais si cette mesure n’est pas accompagnée d’une réflexion sur la culture de la performance au sein de l’entreprise, ne risque-t-elle pas de n’être qu’un miroir aux alouettes ?

  • De la performance collective à l’auto-censure ?

En donnant la liberté aux salariés de gérer leurs congés comme bon leur semble, on les responsabilise et on décharge les managers… peut-être à outrance ? Emmanuel Baudoin souligne :

Avec les congés illimités, il y a forcément une forme de normalisation sociale qui se met en place entre les salariés.

Dans certains contextes, “les gens ne prennent pas de vacances alors qu’ils en ont besoin (...) La raison est qu’ils sont poussés à ne pas le faire”, affirme de son côté Peter Cappeli, professeur en management à la Wharton School of Business aux Etats-Unis.

  • Un avantage financier ?

Autre point plus “vicieux” : en optant pour les congés illimités, les entreprises ont l’avantage de ne pas avoir à rémunérer les congés payés acquis en cas de départ. Sans oublier que si les salariés prennent moins de congés que ce à quoi ils ont droit en temps normal, l’entreprise est encore plus gagnante.

Pour autant, cette pratique est très liée à la culture et législation anglo-saxonne. En France, les entreprises qui pratiquent les congés illimités partent normalement du cadre légal fixant un minimum de 5 semaines de vacances par an, le reste allant sur le compteur des congés libérés.

Alors, à qui profitent vraiment les vacances illimitées ?

Il n’existe pas de réponse binaire à cette question. À première vue, les congés illimités sont un gain social pour les salariés. Ils permettent par exemple de s’offrir du temps durant des moments particuliers de la vie, comme un emménagement ou encore lorsqu’un proche est dans le besoin. Emmanuel Baudoin illustre :

On peut aussi imaginer que les salariés en rupture avec leur entreprise pourraient profiter de ce temps pour se former et/ou préparer leur départ.

Là où cela dérape, c’est si les salariés prennent moins de vacances que le minimum auquel ils auraient droit. Mais est-ce réellement un avantage pour les entreprises ? Pour Emmanuel Baudoin, “si la santé des salariés est affectée à cause d’une pression insidieuse permanente, les congés illimités ne sont pas bénéfiques puisqu’au final, les salariés risquent de se retrouver en arrêt maladie et/ou de quitter leur entreprise”.

Preuve que l’entreprise n’est pas gagnante à tous les coups, en Angleterre, l’entreprise Facet est revenue en arrière après avoir constaté que ses salariés prenaient encore moins de vacances depuis que les congés illimités avaient été mis en place. Du coup, la société a préféré opter pour 32 jours de congés payés pour tous, afin d’éviter ce “piège à culpabilité”.

Aux États-Unis, ce n’est donc finalement pas le sujet des congés payés qui est plébiscité par les salariés, mais avant tout la flexibilité organisationnelle. Bien sûr, les congés illimités peuvent être une vraie réussite s’ils s’insèrent dans une réflexion globale sur la culture de l’entreprise, comme le partage d’objectifs communs et la pleine confiance accordée aux salariés. Alex Levenson, senior research scientist à la Marshall School of Business, affirme :

C’est une histoire d’équilibre vie pro-perso. Ajouter des avantages additionnels aux salariés sans se préoccuper des questions fondamentales autour de la charge de travail ne change pas la situation.

Pour que les congés illimités fonctionnent vraiment, le cadre juridique et les règles du jeu doivent donc être clairement posés (“les congés doivent demeurer sanctuarisés”, note Emmanuel Baudoin), sans quoi ces congés libérés ressemblent plutôt à une imposture.

Au final, toutes les entreprises ne pourront - ou n’auront - pas intérêt à mettre en place les congés illimités. Quant aux salariés, cela pourra ou non être bénéfique selon l’encadrement de la mesure. Bref, l’effet sera protéiforme”, conclut l’expert. Et personne n’a de boule de cristal pour prédire l’avenir !

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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