Apprendre à apprendre : la clé de toute carrière réussie d'après Kering

Si on vous proposait de retourner sur les bancs de l’école, nul doute que pour une grande partie d’entre vous, l’idée serait plus douloureuse que savoureuse. Seuls quelques-uns ressortiraient avec joie leur trousse et leur cahier. Et pourtant, se former est indispensable pour durer. Mais pour se former, il faut déjà apprendre… à apprendre. C’est toute la politique développée par Pauline Kiejman, Global Head of Learning & Development chez Kering, qui a mis en place un Global Learning Day pour tous les salariés du groupe.
Pourquoi ne pas avoir fait une simple journée de formation ?
Pauline Kiejman : Le Global Learning Day, c’est avant tout une manière de mettre sur le devant de la scène le fait que le collaborateur doive se développer. C’est donner à chacun le temps nécessaire pour savoir les compétences qui vont lui permettre de réussir. Il y a des outils, des méthodes… mais on ne lui dit pas quoi apprendre. Ça, c’est à eux de le décider, en lien avec leur manager. On se concentre sur le “pourquoi je dois apprendre ?”, le “comment je dois apprendre ?” et “comment identifier le quoi apprendre ?”.
En quoi, c’est une réponse à un problème de culture d’entreprise ?
On s’est rendu compte que dans nos métiers, on a plutôt tendance à embaucher des gens qui ont déjà les compétences. Ça nous fait rentrer dans un cercle vicieux car au bout de 2-3 ans, ils ont la maitrise totale de leur poste, ils ont donc potentiellement l’envie de changer, et on n’a pas forcément le poste qui suit.
Le learning permet de travailler sur cette dynamique. On embauche des gens qui ont des compétences, peut-être pas toutes, mais on prend le risque de voir des gens grandir et se développer. Ça construit des parcours de carrière, et ça réduit le turn-over.
On parle d’un travail de culture car on aide les managers à comprendre que la formation peut les aider à embaucher des compétences et des gens d’horizons différents. Cela donne plus de flexibilité, d’ouverture et de curiosité sur les profils. Et bien sûr plus de confiance sur les RH dans leur capacité à les aider.
Un des indicateurs qu’on suit, c’est le taux d’annulation des formations. On est passé de 20-30%, il y a 4 ans, à moins de 5% aujourd’hui. On est une entreprise assez décentralisée, avec des cultures fortes dans chacune des maisons. Il faut les respecter, pour autant, il faut un langage commun entre tous les managers. Et ce référentiel, c’est la compétence.
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Quelle est la différence entre la formation et le learning ?
La formation, c’est une action ponctuelle. Vous êtes invité, on vous transmet du contenu, et vous attendez que ça se passe. Avec un peu de chance, vous aurez appris 2-3 trucs que vous pourrez mettre en place dans votre métier. Le learning, c’est vous qui en êtes responsable, tous les jours. Qu’est-ce que j’ai appris de cette expérience, ce projet, de ce collègue… Qui fait bien la chose que j’aimerais bien faire et comment lui demander de me l’apprendre ? Vous êtes au volant de la voiture. C’est tous les jours et pour tout le monde !
Pourquoi il est nécessaire et primordial “d’apprendre à apprendre” ?
L’agilité d’apprentissage, c’est la clé de toute carrière réussie. Je fais partie d’une génération qui a déjà fait 1000 mini révolutions. Ces transformations vont aller de plus en plus vite. Avoir une culture de l’apprentissage, c’est absorber les crises, les changements de manière plus rapide. C’est nécessaire pour l’organisation.
Ce que je remarque, c’est que la plupart des gens n’ont pas conscientisé le processus. Ils ne se disent pas “tiens, comment j’apprends ?”, ils se disent “il faut que j’apprenne un nouveau truc”. Se poser la question, c’est se donner la possibilité d’avoir plus d’appétit… et d’avoir moins peur !
Beaucoup de gens n’ont pas forcément eu de bonnes expériences d’apprentissage à l’école et se sentent coincés. Ils n’ont pas envie de se remettre dans cette position inconfortable. Ce n’est pas qu’une question d’âge, c’est ceux qui sont prêts à se remettre dans une position d’inconfort. C’est aussi comme ça qu’on peut redonner du pouvoir et de l’espoir.
Le learning, est-ce vraiment rentable pour une entreprise ?
On parle de crise financière, politique, mondiale, peu importe le nom. Cela veut dire que les choses vont changer. On ne peut pas faire comme si le monde était le même qu’il y a 2 ans ou 6 mois. Développer cette compétence-là, c’est rentable pour l’entreprise… Mais si on le dit autrement : si on ne le fait, on risque de couler.
Il y a des entreprises qui étaient "successfull" et qui se sont écroulées. Quand j’ai commencé à bosser, tout le monde avait un Blackberry et maintenant, c’est fini, ça n’existe plus. C’est une question de survie. **Sur l’IA, c’est pareil, ce n’est pas une question d’outils, mais de métiers.**