Société

Mais pourquoi n’ose-t-on pas demander de l’aide ?

Alors que l’être humain est naturellement porté à aider autrui (même si nous sommes d’accord, cela ne crève pas les yeux chez tout le monde), la plupart d’entre nous n’ose pas demander de l’aide. Pourquoi ? Et que gagnerait-on collectivement à agir différemment ?

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Vous avez beau être coincé devant votre écran par ce sujet qui vous rend fou, impossible d’aller demander de l’aide à votre voisin Jean-Michel. Rassurez-vous, c’est le cas d’une majorité d’entre nous, 59% plus exactement selon une enquête (“Asking for Help May Be a Privilege”). “C’est quelque chose que je retrouve très souvent chez mes coachés qui prennent tout sur leurs épaules”, constate Aurélie Durand, psy, coach et co-autrice de l’ouvrage “Le SAV des managers” (Vuibert).

Alors, pourquoi tant de retenue quand il s’agit de demander de l’aide pour soi-même ?

Une question d’éducation

Pour Julie Garel, psychanalyste, coach et conférencière qualité de vie au travail, l'un des obstacles émane de notre éducation. “On nous a appris à être discrets et à rendre service, mais pas à demander”.

C’est ce qu’elle nomme le “moi hypertrophié”. On retrouve ce type de profil très régulièrement dans la population de soignants. “Ils ont la satisfaction d’obtenir la reconnaissance des autres et pensent que leur valeur vient du fait qu’ils sont autonomes et ne dérangent personne”. Un profil que l’on retrouve souvent chez les aînés d’une fratrie à qui l’on a donné des responsabilités très tôt et qui peuvent craindre de perdre de la valeur s’ils demandent de l’aide. “Je vois aussi beaucoup ce profil chez les entrepreneurs”, poursuit la spécialiste.

Un constat également partagé par Aurélie Durand. “Je vois un certain nombre de personnes qui sont dans le sacrifice mais ne demandent jamais rien aux autres. Elles sont soumises à des schémas de pensée dans lesquels elles considèrent qu’il ne faut pas déranger les autres car ils ont déjà bien à faire”.

La peur du refus

Si l’on a si peur de demander, c’est aussi parce que l’on craint la réaction d’autrui. “Bien sûr, cela peut arriver, et clairement bloquer une personne à l’avenir sur sa capacité à demander de l’aide. Pourtant, ce n’est pas parce que l’on a essuyé un refus une fois que cela va se répéter”, souligne Aurélie Durand.

Dans une étude consacrée au sujet, les participants pensaient que 1 personne sur 5 accepterait de les aider… alors qu’en réalité plus de la moitié leur donnaient le feu vert. “On a tendance à surestimer le risque de se voir opposer un non”, lance Julie Garel.

Pourtant, l’être humain est enclin à aider son prochain, d’abord car cela lui apporte de la satisfaction personnelle. Par exemple, un article publié dans Psychiatry démontre qu’une majorité d’Américains déclarent que de petits actes de gentillesse les font se sentir bien, heureux et reconnaissants. On sait notamment que nous produisons de l'ocytocine lors de ces moments.

La volonté de ne pas être en dette

Demander de l’aide à autrui, c’est aussi s’exposer à cette désagréable impression de devoir quelque chose à l’autre. “Quelque part, c’est une manière de se mettre sous emprise d’autrui, relève Julie Garel.

Pour Aurélie Durand, se sentir en dette peut renvoyer à une perte de confiance en soi, un syndrome de l’imposteur. De plus, le fait de demander ou non renvoie également à la qualité de la relation avec autrui. “Est-on dans le plaisir de partager avec l’autre, de co-construire ou entretenir une relation, cherche-t-on une complémentarité d’expertise ?”, questionne la coach. Selon la réponse, l’individu va ou non se sentir en dette.

La question de l’égo

Ne pas vouloir solliciter de l’aide peut aussi faire écho à une certaine forme d’ego. “Il y a parfois la crainte de paraître incompétent”, analyse Aurélie Durand. Elle ajoute : “il s’agit aussi d’un sujet culturel dans une société où l’on a davantage axé la réussite professionnelle d’un point de vue individuel plutôt que collectif”.

Malheureusement, en refusant de passer la balle face à nos propres limites, on expose l’organisation à une perte d’efficacité puisque l’on se prive de la compétence de l’autre. “De plus, cela peut créer un déséquilibre dans la relation, et laisser penser à autrui que l’on se sent au-dessus de lui parce qu’on ne sollicite jamais son aide”, poursuit-elle.

Bon, comment on dépasse tout cela ?

Déjà, en se disant que demander de l’aide, c’est offrir l’opportunité à l’autre de ressentir la satisfaction d’aider son prochain. Si vous aimez rendre service, pourquoi ne laissez-vous pas les autres en faire de même ? C’est aussi une façon de renforcer le lien avec autrui.

De plus, prenez conscience, particulièrement dans un cadre professionnel, que vous priver d’aide revient aussi à vous priver d’une certaine forme d’intelligence collective. “Il est bon de changer vos habitudes si elles sont contre-productives pour vous ou le collectif”, recommande Aurélie Durand.

Pour vous aider dans cette démarche, vous pouvez aussi observer les personnes autour de vous. Il est probable qu’un certain nombre d’entre elles “osent” demander de l’aide. Quel regard portez-vous sur elles ? Au fond, il est important de vous questionner sur vos craintes : avez-vous simplement peur de demander un service, êtes-vous dans un évitement émotionnel (peur de ressentir de la honte par exemple), ou carrément de passer pour une personne incompétente ?

Enfin, si passer le cap est si difficile pour vous, peut-être pouvez-vous commencer par la stratégie des petits pas en sollicitant de menus services à des personnes proches de vous. “Il est important de tester et expérimenter pour sortir de vos biais de perception et vous confronter au réel”, conseille Julie Garel. Vous verrez, autrui est souvent bien plus prompt à vous aider que vous ne l’imaginez.

Paulina Jonquères d'Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias [...]

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