Finalement… c’est quoi une bonne boite ?
Comment savoir si je travaille dans la bonne entreprise ? C’est la grande question qu’on se pose tous au moins une fois (dans sa vie ou par mois, c’est selon). Alors on a été demandé à ceux dont c’est le boulot de savoir : Great Place Work qui établit chaque année un classement des boîtes dans lesquelles il fait bon bosser. On vous raconte tout.
La première question est évidente : C’est quoi une bonne boite ?
Jullien Brézun (DG de Great Place to Work France) : Le regard de Great Place To Work nous permet de voir un tas de boîtes. Notre méthodologie part du principe, et d’une croyance aussi, qu’une bonne boite, c’est une entreprise où il y a un haut niveau de confiance ressenti par les collaborateurs et les collaboratrices.
Quels sont les principaux critères que recherchent les employés ?
Nous avons identifié 4 critères importants pour les collaborateurs : la smartworking, la qualité du leadership, l’inclusion et la recherche de sens.
- Le smartworking : C’est la façon d’organiser le travail. Avec la crise Covid, le lieu de travail, le temps de travail et la façon d’organiser le travail ont été bouleversés. C’est une attente forte des jeunes qui rentrent sur le marché de l’emploi.
- La qualité du leadership : On quitte plus son/sa boss qu’une boite. Un bon leader, c'est quelqu’un qui va générer un haut niveau de confiance. C’est un manager qui va construire le terreau pour que chacun puisse développer ses compétences. C’est pas un leader sachant mais un leader aidant qui vient permettre l’éclosion de chacun et chacune. Le pire des comportements, c’est quelqu’un qui va prendre le succès de son équipe.
- L’inclusion : Les collaborateurs attendent que chacun puisse contribuer à sa valeur, à son niveau d’investissement, à son rôle. Que chacun soit entendu dans l’organisation.
- La recherche de sens : La recherche de sens, c’est pas forcément sauver la planète. Toutes les boites ne plantent pas des arbres. Il y a même des boites dans lesquelles on plante des arbres et dans lesquelles le sens est plus difficile à trouver. Ce n’est pas que la mission de l’organisation qui va définir le sens. C’est aussi la culture managériale de proximité qui va donner du sens à l’activité ou au contraire qui va le détruire. “Mon activité a du sens parce qu’elle contribue à un projet collectif “.
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Et la rémunération dans tout ça, elle ne compte pas ?
La rémunération continue d’être un critère de choix… mais il est très variable en fonction du niveau de rémunération. Plus le niveau de rémunération est bas, plus il devient essentiel. Plus le niveau de rémunération augmente, il ne devient pas anecdotique, mais une base. C’est un facteur qui peut être négatif, mais qui est rarement un facteur positif. Les traders ont des rémunérations stratosphériques, sont-ils pour autant les plus heureux ? Pas forcément. Ce n’est pas ce qui génère de la satisfaction, mais en revanche, ça peut générer beaucoup d’insatisfaction.
Les avantages salariaux occupent-ils une place de plus en plus importante pour les gens ?
Ils sont absolument attendus par les collaborateurs. Pourquoi ? Parce que ce sont des preuves concrètes de l’attention que l’entreprise leur porte. Ce n’est pas simple de générer des preuves au quotidien, on en a donc absolument besoin.
Pourquoi la rémunération est un critère si important à l’entrée dans l’entreprise mais pas un levier d’engagement chez le salarié ?
La rémunération, c’est le fondement, le pilier initial du contrat social qui lie le collaborateur à l’entreprise. Une fois qu’il est signé, il est acquis. C’est pour ça que la rémunération disparait au moment où le collaborateur arrive dans l’entreprise. Ce qu’il attend ensuite, c’est pas d’être payé, mais d’être développé. Contre son travail, il attend rémunération. Contre son investissement, il attend développement. Le collaborateur veut grandir, progresser.
Quels sont les principaux critères que recherchent les employés ?
L’entreprise est face à 3 grands défis d’un point de vue RH.
- Un défi d’interconnexion aux machines. Comment construire le schéma qui va nous permettre de tirer le maximum de profit, de productivité et de puissance collaborative à travers les outils qui sont mis en place ? C’est un énorme enjeu.
- La gestion des compétences. C’est ce qu’on appelle la gestion fluide des collaborateurs. Les entreprises ne veulent pas des gens uniquement “sachant”, mais “apprenant”. Pourquoi ? La révolution organisationnelle de la RSE qui va nous amener à transformer la façon qu’on a de travailler… bien malin sait comment elle va s’organiser. La seule chose dont on est certain, c'est qu’elle doit avoir lieu. On doit être en capacité d’apprendre et d’infuser dans nos façons de travailler une démarche plus structurée en termes de RSE.
- L’adhésion au projet collectif par les collaborateurs.
Quels sont les red flags facile à identifier aussi bien du côté recruteur que recruté ?
Chaque année, on interroge et on compare les résultats d’étude auprès de 5000 salariés. On constate de grands écarts entre une entreprise dite “Great Place To Work” et une entreprise lambda.
- Un très haut niveau d’éthique : Si vous voulez être une organisation responsable, le niveau éthique et d’inclusion attendus doit être au top. C’est non négociable.
- Un haut niveau de confiance… que l’on atteint par un haut niveau de transparence, de qualité de feedback et de remontées d’informations.
- Faire le pari du management intermédiaire. Le rôle du management intermédiaire est crucial. La cheville ouvrière qui va donner du sens au quotidien, c’est souvent le management intermédiaire.
Paradoxalement, le mid-manager est la clé d’une entreprise, mais il semble aussi parfois bien seul…
Il est très tiraillé. Le middle manager, c’est toutes ses strates managériales qui vont générer de la proximité, qui vont connaitre les gens et qui vont savoir leur porter attention. Son rôle, c’est : “Je te connais, je suis là pour te soutenir, pour te faire progresser et en même temps, je t’aide à comprendre l’importance de l’action que tu mènes dans le cadre d’un collectif”. C’est le middle manager qui donne ce sens-là.
Sur quoi les employeurs doivent progresser encore aujourd’hui ?
La clé, c’est la mesure. Les entreprises doivent progresser sur leur aptitude à mesurer l’impact sur ses collaborateurs et ses collaboratrices. La mesure, c’est l’outil qui te permet de progresser année après année. Peu importe l’outil, Great Place to work ou un autre, mais mon message, c’est mesurer ! La clé, c’est factualiser la qualité de l’expérience du collaborateur.
Et les salariés, sur quoi doivent-ils faire des efforts ?
S’exprimer ! Prendre le temps de dire ce qu’il ressent, donc d’avouer ses difficultés, d’avouer ses erreurs, d’avouer son besoin d’être aidé, ne pas prétendre être parfait. C’est normal ! Il faut accepter de se tromper.
Dans une culture de la performance, ce n’est pas difficile d’avouer qu’on n’y arrive pas ?
Prenons l’exemple de Rafael Nadal. Il joue plutôt bien au tennis. Est-ce qu’il a un coach ? Oui. Est-ce qu’il apprend tous les jours ? Oui. Son coach, qui joue beaucoup moins bien que lui, lui dit : “ton coup droit, c’est pas bon”. C’est la même chose dans le monde de l’entreprise. On a besoin d’être accompagné. Même si on est bon, on doit progresser. Il faut dépasser nos peurs pour être en honnêteté et en transparence.
Le contrat social s’est-il inversé ? Qui a le plus de pouvoir aujourd’hui entre l’employé ou l’employeur ? Comment arriver à une osmose ?
L’histoire prouve que le rapport de force entre le collaborateur et l’entreprise ne cesse de fluctuer. L’enjeu, c'est de construire une relation fraternelle entre l’entreprise et le collaborateur. Ca ne veut pas forcément dire “amicale”, c’est une relation équilibrée qui va permettre à chacun d’apprendre l’un de l’autre. Cette relation est amenée à évoluer et parfois à se séparer. Le tout sans animosité. C’est une relation d’adulte à adulte. Tout abus de pouvoir, qu’il soit côté collaborateur ou qu’il soit côté entreprise, me semble dramatique.
Quels sont les futurs éléments primordiaux à privilégier pour les RH ?
Le grand défi RH pour les années à venir, c’est la notion de RSE et d’impact. La transformation de nos métiers pour que notre mode de fonctionnement puisse perdurer à long terme va supposer une grande transformation. Et c’est grande transformation ne peut pas être uniquement portée par la direction de la RSE mais elle doit infuser dans toute l’organisation du Top management au middle management à l’ensemble des collaborateurs et des collaboratrices. C’est l’énorme enjeu des RH de faciliter cette démarche. Là, on en est en 1990 de la RSE, ça veut dire ce travail de la RSE pour infuser partout, va prendre du temps.
Comment on fait pour convaincre les dirigeants du côté essentiel et de l’apport business important de la RSE ?
Je n’ai pas la phrase magique, mais je vois deux étapes. Adhérer et s'engager. Adhérer car sous la pression des marchés financiers, des réglementations et des collaborateurs, l’entreprise va se transformer. C’est là où les RH jouent un rôle essentiel.
Et s’engager de manière sincère. On a lancé un deuxième diagnostic qui s’appelle Humacap qui a vocation à évaluer, non plus le niveau de confiance, mais le niveau de sincérité ressenti par les collaborateurs sur l’engagement RSE de l’organisation. Est-ce que l’entreprise s’engage sincèrement ? Qui d’autres que les collaborateurs pour le dire ?