société

Changer de ville pour changer de vie : bonne ou mauvaise idée ?

Un Français sur deux se dit frustré de ne pas passer plus de temps avec sa famille et ses amis. Que celui qui n’a jamais rêvé de tout plaquer pour changer de vie lève le doigt ! Mais où aller pour trouver ce fameux équilibre entre vie perso et vie pro sur lequel tout le monde fantasme sans oser sauter le pas et surtout, quel est le prix à payer ?


7 min
7 décembre 2022par Yannick Merciris

Béatrice adorait la capitale, elle y avait un boulot sympa, dans les médias, des amis, une vie sociale intense. Et puis en 1998, elle est tombée amoureuse d’un marin breton. Elle a tout plaqué pour s’installer à Quimper avec cet homme qu’elle a épousé quelque temps plus tard. Amoureuse, insouciante et confiante, elle ne s’est pas posé de questions, elle a largué les amarres. En route pour l’aventure.

Les premières années ont été dures professionnellement. Pas facile de retrouver du taf en Bretagne. Elle a dû changer de braquet, recommencer à zéro, prendre un boulot d’assistante mal payé, parce que c’est tout ce qu’elle a trouvé. Parce qu’un marin, ça bosse dur, mais ça gagne pas bien sa vie. Et qu’il fallait bien trouver de quoi payer les factures. Fini les virées au resto, les week-ends à jouer les touristes, les séances shopping. Il a fallu se serrer la ceinture, encore plus après la naissance de leurs deux filles.

Paris-Quimper-Toulouse, le grand écart pour changer de vie

Et puis il y a 6 ans, après un divorce compliqué, elle a saisi une opportunité à son travail et obtenu une mutation… à Toulouse. Elle ne connaissait personne là-bas. Et une fois de plus, elle a du tout recommencé à zéro. Seule avec ses filles adolescentes et son chien.

“Quimper, c'était sympa, mais il ne se passe rien là-bas, alors qu’à Toulouse, j’ai le soleil, je suis à 3 heures de la montagne et à 1h30 de la mer, le climat est nettement plus agréable et la vie culturelle beaucoup plus dynamique, j’ai une vraie qualité de vie, pour les filles, c’est génial, l’ainée qui fait des études supérieures a trouvé une école à Toulouse”, sourit-elle.

Elle a trouvé une petite maison dans un quartier tranquille de la ville et au bout de 3 ans, elle a même sympathisé avec ses voisins. Elle ne se voit pas quitter Toulouse désormais. Pour elle, c’est le bon compromis entre Paris et la province.

“Toulouse offre tous les avantages d’une grande ville, mais à taille humaine”, tempère-t-elle. “La qualité de vie est chouette, dans le Sud, tu vis tout le temps dehors, du coup, tu fais des rencontres, ça ne devient pas forcément des amis, mais tu ne te sens pas seule”.

Baisser son salaire = baisser son pouvoir d’achat ?

Côté salaire, il ne faut pas se leurrer, c’est pas le délire : “C’est un choix, tu gagnes moins de thunes qu’à Paris, mais tu as une meilleure qualité de vie, là, j’ai une maison, un extérieur avec une terrasse, je n'aurais jamais eu les moyens d’avoir ça à Paris ou en proche banlieue avec les filles”.

La voiture de Béatrice a rendu l’âme la semaine dernière, après 16 ans de bons et loyaux services. Elle n’a pas les moyens de se racheter un véhicule, mais elle s’est mise au vélo depuis qu’elle s’est installée à Toulouse. “Je fais tout à vélo, je vais bosser à vélo, je vais faire des courses à vélo, je n'aurais jamais fait ça à Paris, trop dangereux, alors qu’ici, c’est hyper agréable”.

Une folle envie de nouveaux horizons, un ras-le-bol du rythme parisien, des embouteillages, de la vie trop chère, le rêve d’une vie plus calme près de la mer, sous un climat plus doux que celui en bordure du périf.

Quitter Paris, c’est galérer à trouver du boulot ?

En juin 2019, Billie et Franck ont embarqué leurs deux filles, leurs meubles et quitté Saint-Ouen en région parisienne pour Montpellier. “L’idée me trottait dans la tête depuis des années, quand je me suis retrouvée au chômage, ça a été un déclic, on a commencé à regarder des annonces de locations à Montpellier, et puis ma mère qui vit là-bas a commencé à faire des visites, elle a trouvé une maison, elle m’a appelée, j’ai fait l’aller-retour dans la journée et j’ai signé le bail… c’était parti.”

Ils ont eu de la chance, ils ont trouvé en plein centre de Montpellier, dans le quartier des Beaux arts, une jolie petite maison avec un joli petit jardin dans un mini Montmartre… Franck étant intermittent du spectacle, il s’absente quelques semaines par mois pour des tournages à Paris, laissant Billie seule à Montpellier avec leurs deux filles.

Billie au début était plutôt confiante, avec son CV, elle s’est dit qu’elle trouverait un taf facilement, d’autant qu’elle avait quelques pistons. Elle a mis 3 ans à retrouver du boulot, une vraie galère, peu d’offres, des salaires de misère, et dans son domaine, la com et l’événementiel, le néant professionnel… Il lui a fallu changer de braquet et chercher tous azimuts. Elle a enchainé les petits boulots, la plupart du temps mal payés, sans aucun lien avec son expérience professionnelle.

La solitude du Parisien en province…

Trouver ses marques, même dans une ville qu’on connaît, c'est pas simple, le mythe d’une vie en province plus douce et agréable se heurte à la réalité : on a tous besoin d’une vie sociale et d’un socle d’amis. Et quand on débarque dans une ville où on connaît personne, bonjour la galère….

“Tous les matins, après avoir déposé les filles à l’école, j’allais boire un café sur la place des Beaux Arts, à côté de la maison, je voyais les mères de famille qui se retrouvaient entre elles en terrasse… J’y suis allée tous les jours, j’en pouvais plus de solitude… Au bout d’un moment, elles ont fini par s’habituer à voir ma trogne et ont fini par m’inviter à leur table… Et là c’était parti, j’ai commencé à être invitée à des apéros, à des anniversaires, à des diners”.

Je me suis fait des “amis de quartier” dit Billie, “mais ça remplacera jamais ma bande de potes parisiens qui débarquaient chez moi à l’improviste à Saint-Ouen”. Malgré tout, trois ans après, elle ne regrette rien. Les débuts ont été durs, mais elle s’est accrochée à sa nouvelle vie : On a des activités plus simples en bord de mer, on passe 10 mois par an à la plage, les filles ont plus de liberté”.

Moins de stress ? “J’ai l’impression de poser une RTT tous les jours”

“Je gagne moins bien ma vie, quand je fais les courses au supermarché, je constate que la bouffe coûte aussi cher qu’à Paris, mais les loyers sont moins chers (encore que, depuis le COVID, la donne a changé, les prix des maisons avec jardin se sont envolés). Ce qui fait la différence, c’est que je dépense moins d’argent qu’à Paris, j’ai plus du tout les mêmes priorités, déjà, je fais tout à vélo et ça, c’est génial, et j’achète moins de vêtements, je passe ma vie en jean et en baskets”.

Pour Billie, la vraie différence, par rapport à sa vie parisienne, c'est le stress ! “À Paris, je courais tout le temps après le temps, je me ruinais en nounou. J’étais en stress pour le boulot, pour les filles. Aujourd’hui, je bosse de 9h à 17h, j’ai plus besoin de nounous, je vais chercher mes filles à l’école à 17H30, j’ai l’impression de poser une RTT tous les jours”.

Le prix à payer pour ce rêve d’une vie plus douce et plus agréable ? “Faut pas se mentir, j’ai un travail sans intérêt, je bosse pour payer mes factures, mais ça me plait de ne plus avoir autant de stress”. Exit le plan de carrière, Billie ne reviendrait à Paris pour rien au monde. Elle a choisi de privilégier sa vie perso, elle s’occupe de ses filles, va déjeuner tous les dimanches chez ses parents et vient d’accoucher d’une troisième petite fille, la première à être née en province.

Revenir à Paris… mais en touristes !

Si c’était à refaire, Billie et Béatrice sont unanimes : aucun regret, retourner vivre à Paris, c’est no way ! Désormais, c’est en touristes qu’elles reviennent à la capitale, le temps d’un week-end, pour assister à un concert ou fêter l’anniversaire d’un pote parisien. Et elles savourent de redécouvrir cette ville qu’elles ont tant aimée, mais quitté sans retour.

Tant pis pour les plans de carrières et les bons salaires, l’une comme l’autre ont gagné une vie qu’elles estiment plus douce et agréable en famille. Elles reconnaissent que sans enfants, leur choix aurait peut-être été différent. Mais dans la vie, tout est affaire de choix.

Yannick Merciris

Head of Editorial The Daily Swile

Journaliste qui aime autant les mots que le ballon rond. Vu que je gère mieux le premier que le second, j’ai décidé […]

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