Claudia Goldin, Prix Nobel du gender gap et de la lutte pour la parité salariale
À 77 ans, Claudia Goldin est entrée dans l’histoire en décrochant le Prix Nobel d’économie pour son travail sur le gender gap. Un travail de longue haleine, mais une problématique qui est encore à des années lumières d’être résolue.
Le 9 octobre 2023 restera dans l’histoire des Prix Nobel comme à part. À part, car c’est la première fois qu’une femme, seule, a reçu le prix Nobel d’économie. Son nom : Claudia Goldin. Elle a consacré sa vie à l’étude du gender gap. En VF : l’inégalité salariale entre les femmes et les hommes.
Avant de comprendre ce qu’elle a réellement fait, gardons en tête ce chiffre tout au long de l’article. L’écart de salaire entre les femmes et les hommes en France est de 15,5% EQTP (Insee). Et on estime, qu’on atteindra la parité salariale en France en 2082… selon le World Economic Forum.
Mais Claudia est Américaine, donc son objet d’étude est resté focus sur les US. Elle a analysé plus de 200 ans de data, de chiffres, etc pour tenter d’expliquer (mais pas justifier) les raisons des inégalités salariales. Et contrairement à ce que beaucoup peuvent croire, ce n’est pas parce que les femmes se sont mises à travailler plus tard.
Un dessin qui vaut 1000 mots
On voit bien qu’avec l’agriculture encore très présente au début du XIXe siècle, les femmes bossaient beaucoup. Puis avec l’avènement de l’industrie, petit à petit, on a eu besoin de moins de mains d’œuvre professionnelle. Les femmes n’ont pas arrêté de “travailler” pour autant. Mais elles ont occupé des tâches dites domestiques. Ce qu’on appelle aussi le travail invisible ou non-rémunéré.
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Puis à chaque grand bouleversement sociétal, la place de la femme dans le monde du travail a progressé. L’accès à l’éducation, l’avènement de la société de services, la pilule contraceptive sont des points clés de l’histoire pour l’accès des femmes au travail. Elles sont devenues peu à peu plus diplômées (aujourd’hui plus que les hommes en moyenne) et pourtant elles n’ont pas fermé ce gender gap. “La pilule a été un levier de l’accès des femmes à l’éducation supérieure et au marché du travail, leur ouvrant la voie de l’émancipation économique”, note The Conversation.
La parentalité ou l’art de creuser les inégalités
Pour comprendre, on peut regarder un autre dessin très parlant.
C’est au moment de la parentalité que les inégalités explosent entre femmes et hommes. Les femmes étant généralement moins bien payées, ce sont principalement elles qui se mettent à temps partiel dans le foyer. Un calcul mathématique qui accroit les inégalités entre femmes et hommes. Aujourd’hui en France, “plus d'une femme sur quatre travaille à temps partiel (26,7 %) contre moins d'un homme sur dix (7,5 %)”, constate la DARES.
Ce rapport au travail est à la fois sociétal et bestial. “Cette tendance du travail à être “vorace” — c'est-à-dire à demander beaucoup d’heures de présence (au bureau ou à la maison), à vouloir que les employés soient toujours sur le pont — est aujourd’hui le frein principal à la progression des femmes, en particulier dès qu’elles ont un enfant”, remarque Esther Duflo, prix Nobel d’économie en 2019 sur Radio France.
Claudia Goldin, cheffe d’orchestre de la parité
L’un des autres faits d’armes de Claudia Goldin est à noter dans le courant des années 2000 quand elle met en lumière l’impact de la discrimination dans le recrutement… dans les orchestres philharmoniques. En étudiant la mise en place des auditions à l’aveugle au moment des “castings”, les femmes ont fait un bon de géant au sein des orchestres : on augmente d’un tiers la probabilité de recruter femme contrairement à une audition classique.
D’après les recherches de Claudia Goldin (et Cécilia Rouse, une anthropologue), “l’introduction progressive des auditions à l’aveugle est responsable de 25% de la croissance du nombre de femmes dans les grands orchestres symphoniques”, écrit Esther Duflo, toujours pour Radio France.
2082 ou 2154?
À 77 ans, le travail de Claudia Goldin est reconnu par l’un des prix les plus importants et continue de marquer l’histoire après avoir été la première femme titulaire à enseigner l’économie à Harvard. Une icone mise en lumière qui est “la première économiste à se saisir de la femme comme objet économique” selon Philippe Askenazy, directeur de recherche au CNRS.
Pour autant, le travail sur le gender gap est encore loin d’être achevé. Si vous vous souvenez bien du début de l’article, nous écrivions que la parité salariale serait atteinte en 2082 en France. Dans le monde, il faudrait attendre 2154…