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Comment chercher un boulot… incognito ?

Après le succès de “Patron incognito”, place au “candidat incognito” ! Que ce soit simplement pour prendre la température chez un concurrent, ou carrément se mettre en quête d’un nouveau job, passer des entretiens est souvent source de stress pour les salariés en poste. Alors, comment se prémunir de tout retour de flamme quand on postule ailleurs ?


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Il a suffi d’une mise à jour sur son profil LinkedIn pour que pas moins de trois recruteurs le contactent par jour. Nicolas, ingénieur développement, n’avait pourtant pas vraiment en tête de quitter son emploi. “Je commençais à me fatiguer de certaines personnes ou choses dans mon entreprise, mais je n’étais pas vraiment décidé à bouger”, nous confie-t-il. Pourtant, en passant des entretiens dans d’autres entreprises, Nicolas a rapidement ressenti une forme de culpabilité : J’ai eu l’impression de commettre une pseudo-infidélité alors que je savais pertinemment qu’il n’allait rien se passer parce que mes exigences étaient trop élevées”.

Un sentiment de trahison…

Comme Nicolas, de nombreux candidats ont l’impression de franchir la ligne rouge dès lors qu’ils rencontrent d’autres employeurs potentiels. “Il est effectivement fréquent que le candidat ait l’impression de trahir son employeur, même si parfois, il s’agit juste de se renseigner sur les salaires à l’externe pour mieux renégocier ensuite en interne. Pour les managers, il y a aussi souvent cette culpabilité de quitter le navire, un peu comme si on quittait ses enfants, et le risque d’angoisser les équipes si cela s’ébruite alors que rien n’est acté”, confirme Laetitia Sauvage, fondatrice de la plateforme de recrutement About ü.

Pour revenir au cas de Nicolas, le malaise provenait surtout du fait qu’il éprouvait un grand respect pour son patron de l’époque. “Particulièrement humaniste, il était une exception dans son secteur”, se souvient-il. Alors, l’ingénieur passe des entretiens juste “pour voir”. Des déjeuners loin du bureau, histoire d’éviter de croiser fortuitement un collègue. Il n’empêche que le monde est petit et que l’improbable se produit : “j’ai passé un entretien avec un recruteur qui m’a dit clairement qu’il ne souhaitait pas me débaucher par respect pour mon patron qu’il estimait beaucoup. En revanche, il m’a dit qu’on resterait en contact à l’avenir si je venais à changer de travail”.

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Des candidats mis en danger par des pratiques peu orthodoxes

Au final, empêtré dans ses propres contradictions, l’ingénieur a fini par trouver la porte de sortie en reprenant l’entreprise familiale bâtie par ses parents. Une manière quelque part de partir sans trahir, “sans peur de décevoir, ni de me faire virer… car quand on passe des entretiens ailleurs, on s’imagine le pire”, lance-t-il. Des craintes souvent infondées mais pas non plus dénuées de sens, comme nous le confirme Laetitia Sauvage. “Bien sûr, on ne peut pas licencier un collaborateur juste parce qu’il passe des entretiens ailleurs. En revanche, en tant que DRH, je me souviens que je ne voyais pas d’un très bon œil un collaborateur qui passait des entretiens en même temps que nous investissions du temps et de l'argent sur un projet de mobilité interne ou de formation”, affirme-t-elle.

Le risque pour le candidat démasqué ? S’il ne change finalement pas de travail, passer par la suite à côté d’une mobilité interne dans son entreprise. D’autant que les pratiques des recruteurs laissent parfois à désirer et mettent en danger les candidats. “Non seulement, on peut trouver les CV des candidats dans les invitations des calendriers ouverts des recruteurs mal formés sur la gestion des données candidats, mais en plus, peu d’entreprises respectent les obligations légales quant à la destruction des CV”, regrette Laetitia Sauvage. Le pire ? “Certains recruteurs prennent carrément des recommandations sauvages chez l'employeur actuel du candidat”, ajoute-t-elle. Sans oublier la levée des clauses de non-concurrence qui n’est clairement pas facilitée lorsque l’employeur actuel sait exactement où part son collaborateur…

Alors, comment se protéger et postuler incognito ?

Si passer des entretiens incognito comporte une petite part de risque (démultipliée par le nombre de rencontres), cette pratique n’en demeure pas moins saine et complètement naturelle. Alors, comment passer des entretiens sans se faire repérer ?

  1. Déjà, si on ne veut pas être repéré immédiatement, on évite le badge “Open to work” sur LinkedIn. Cela semble évident, mais Laetitia Sauvage nous confirme avoir déjà observé cet écart chez des candidats qui voulaient pourtant rester discrets (loupé). D’autant que certains recruteurs ont tendance à estimer qu’un candidat en recherche active est moins attractif.
  2. Pour candidater incognito, la plupart des travailleurs privilégient aujourd’hui les rencontres sur les jours de télétravail (car c’est toujours plus simple que d’arriver en costard au bureau. CQFD). “ Ce n’est pas une recommandation mais un simple constat, les lundis et vendredis sont surchargés côté recruteurs. Il semble clairement que le télétravail et les visios aient facilité le passage d’entretiens”, affirme notre interlocutrice.
  3. Mettre à jour son profil LinkedIn pour y insérer les mots clefs que chercheront les recruteurs, mais sans en informer le réseau.On peut ou non activer les notifications. Mais par défaut, LinkedIn publie les updates. Si on veut être discret, mieux vaut éviter, même si bien sûr, cela se justifie totalement de mettre à jour son profil qui est comme une carte de visite”, relève Laetitia Sauvage.
  4. Préférer les plateformes de recrutement qui poussent les profils de manière anonyme. “About ü est l’une des seules plateformes à le faire : nous ne dévoilons l’identité d’un candidat qu’une fois le process un peu plus avancé. Cela évite qu’une partie de l’information fuite dans des milieux où tout le monde se connaît”, affirme la fondatrice d’About ü. Idéal pour avancer sans se mettre à nu trop rapidement.
  5. Demander au cabinet de recrutement ou à l’entreprise de respecter la confidentialité des données, en exigeant par exemple la suppression du CV si le process s’arrête, ou encore en formalisant par écrit le non recours à la prise de références sauvages. “Bon, dans la réalité, ce n’est pas facile car le candidat a souvent le sentiment, à tort, de ne pas être en position de force durant un recrutement mais il faut tout de même garder en tête que c’est un droit”, poursuit l’experte.

Enfin, il ne faut pas non plus oublier que si les candidats postulent incognito, c’est aussi le cas des entreprises qui peuvent chercher leurs futures perles tout en ayant besoin d’un maximum de confidentialité. Bienvenue dans le drôle de monde du recrutement sous-marin !

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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