Éducation financière : l’entreprise a-t-elle un rôle à jouer ?
Pour tous, fin du mois rime avec bulletin de paie. On a bossé, on est payé. Mais si l’entreprise allait plus loin et aidait ses salariés à mieux gérer ses deniers. C’est le moment de savoir si vous êtes bien éduqués… financièrement.
“L’argent reste le critère N°1 pour recruter ou fidéliser selon plus de 86 % des salariés”. Ce chiffre issu d’une étude menée par l’entreprise Rosaly en octobre 2024 n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Mais ces études se rejoignent toutes sur un point : le premier levier de motivation pour bosser… c’est l’argent. Et d’où nous vient notre argent ? Dans l’immense majorité, du fruit de notre travail.
”Ok, super ! Tu viens de nous dire qu’on bosse pour gagner notre vie”. Sauf que si bosser nous amène à cumuler les espèces, on est bien démunis au moment de savoir les utiliser. On (je m’inclus dedans) manque cruellement… d’éducation financière.
Les Français, champions de l’épargne mais…
L’éducation financière est définie par l’OCDE comme “la compréhension par chacun du monde économique et financier dans lequel il vit”. Et, toujours selon l’OCDE, “il est essentiel de doter les individus de connaissances et de compétences financières pour les aider à prendre des décisions éclairées et judicieuses concernant leurs finances”.
Manque de bol, on semble vraiment pas au niveau. À la question : “Quelle note donneriez-vous au niveau d’éducation financière des Français” ?”, Yoann Lopez répond : “4/10 !”. Qui est ce mec ? Le fondateur de la newsletter Snowball, qui fait référence sur ces questions des finances persos. “On dit souvent que les Américains sont plus éduqués que les Français, mais ce n'est pas forcément juste. Ils investissent plus à cause de leur système qui les obligent à le faire (car pas de système de retraite comme nous)”.
Pourtant, les Français sont parmi les meilleurs épargnants d’Europe (et du monde) juste derrière l’Allemagne, mais devant le UK et les USA par exemple. En moyenne, un tricolore va mettre 15% de ses revenus de côté. Si on prend comme exemple le salaire médian (1850 € net), on se retrouve avec une poche de 277,50 €/mois. Seul hic, qu’est-ce qu’on fait de ces 277,50 € ? “On a un système social qui peut nous aider à épargner, car on a ce filet de sécurité que beaucoup d’autres pays n’ont pas. Après, il faut voir ce qu’on fait de cette épargne”.
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Éduquer, oui. Conseiller, non.
Une des solutions serait de s’appuyer sur celle qui nous donne cette opportunité : l’entreprise. Puisque notre revenu principal vient du salaire, pourquoi ce dernier ne vient-il pas avec un mode d’emploi ? “J’ai déjà discuté avec pas mal d’entreprises, et le sujet est assez touchy. Il y a une peur des entreprises de “donner le mauvais conseil”, explique Yoann Lopez. “Ça nécessite une énorme neutralité. Il ne faut pas dire : “Ouvrez un PEA (Plan d’Épargne en Actions, ndlr) et investissez sur ça”. Il faut avoir l’approche : “Voilà ce qu’est un PEA, voilà ce qu’est une assurance-vie, etc”. Éduquer, mais pas conseiller. Une frontière très fine. “La neutralité demande beaucoup d’efforts”, appuie notre expert.
Pour autant, il estime que l’éducation financière “peut être un des rôles de l’entreprise. L’intégrer dans l'accompagnement, ça peut être cool, car c’est rarement le truc que tu vas faire le soir après le boulot”. Une étude (Yomoni) précise que “59 % des Français aimeraient bénéficier d’un accompagnement pour mieux comprendre les sujets financiers”.
Mieux gérer son argent pour mieux gérer son travail ?
À l’instar de ce que font les boites pour les parents ou les aidants, pourquoi ne pas accompagner les salariés sur la question de l’argent ? In fine, l’argent est un sujet tout aussi personnel. “Je suis persuadé que c’est un des rôles, mais il faut bien le faire. Et c’est là le point crucial. La vraie question, c’est comment l’employeur peut se positionner : de la formation pour apprendre les bases ? Aiguiller sur la partie retraite comme avec les PER/PERCO (Plan d’Épargne Retraite, ndlr) ?”, interroge la plume de Snowball.
À l’heure où l’on parle de salariés augmentés, d’une envie de développer les compétences pour gagner en compétitivité et en productivité, la question de la gestion des finances persos pose une question à la fois éthique et sociétale : “mieux gérer son argent” n’est-il pas un pas vers “mieux gérer son travail” ?
La possibilité de ne plus prendre un job simplement “parce qu’il est payé”, mais parce qu’on l’a choisi, permettrait de retrouver une certaine santé (financière et mentale), et donc, de facto, de bosser pour les bonnes raisons. “Investir, c’est s’acheter du temps. Plus tu commences tôt, et plus tu auras du temps, et plus tu auras de choix possibles. Ça peut éviter le côté “je reste dans ce boulot de m****, qui ne me plaît pas parce que j’ai besoin de l’argent”*, abonde-t-il.
Les finances persos ont-elles leur place dans le monde pro ?
D’autant que l’expérience que le fondateur de Snowball a glané de ses 60 000 lecteurs, c’est que l’investissement nait très souvent d’un élément déclencheur : “Je gagne mieux ma vie, j’ai une promotion, j’ai un enfant… Et bien entrer dans le monde du travail, c’est un déclencheur aussi”.
D’aucuns diront que les salariés sont déjà assez accompagnés, et que mettre la main sur les cordons de la bourse est infantilisant. Les RH ne sont pas les parents, et les salariés ne sont pas des enfants. “Tous les sujets peuvent être infantilisants, mais quand tu n'y connais rien, tu es obligé d’apprendre”, rétorque Yoann Lopez. “Les gens sont “sensés” bien gérer l’argent, mais comment le faire si on te l’a jamais appris ? Tout le monde a un rapport différent à l’argent, donc la formation est une piste”.
Toujours selon l’étude dirigée par Yomoni, 6 Français sur 10 (61%) des Français montre du “désintérêt à cause d’un manque de connaissances” et le même nombre (59%) a “le sentiment de ne pas être assez intelligent” pour s’occuper de ce sujet.
Une réticence qui a sûrement à voir avec notre relation à l’argent. Est-ce qu’on n’en parle pas parce que c’est tabou ou parce qu’on n’y connait rien ? “Un peu des deux”, sourit l’ancien étudiant en économie. “Le tabou est probablement lié à : “je ne comprends pas, donc je n’ose pas trop en parler. Les sujets qui semblent complexes, on les laisse de côté alors que sur un niveau d’éducation financière basique, tout le monde sera à peu près aligné”, conclut Yoann Lopez. Simple, basique.
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