Est-ce que la flemme, c’est génétique ?
Et si cette douce envie de buller était le fruit de votre patrimoine génétique ? Avouez, ce serait un prétexte plutôt arrangeant pour esquiver la rédaction de ce dossier diablement ennuyeux… Alors, pour en avoir le cœur net, nous sommes allés poser la question à un spécialiste.
Atteindre son but en minimisant au maximum sa dépense énergétique ? C’est le propre de l'Homme ! Voilà plusieurs décennies que la littérature scientifique documente ce qui est en fait un trait caractéristique de notre espèce.
“Nous nous organisons toujours pour réaliser les choses à moindre coût”, nous explique Boris Cheval, chercheur à l’Université de Genève et co-auteur de l’ouvrage Le syndrome du paresseux, Petit précis pour combattre notre inactivité physique (Dunod). Et cela est vérifiable même chez les plus actifs d’entre nous : si vous observez un sportif de haut niveau, vous constaterez que tous ses mouvements sont optimisés pour dépenser le moins d’énergie possible.
Tous des flemmards en puissance ?
Pour mieux le comprendre, les anthropologues ont observé les tribus traditionnelles à l’image des Hadza (une population de chasseurs-cueilleurs vivant en Tanzanie). Le célèbre paléoanthropologue, David Lieberman, explique ainsi que quand elles ne sont pas en train de marcher dans le but précis de récupérer de la nourriture, ces populations sont sédentaires.
“Nous sommes construits pour faire de l’activité physique, donc si nous n’en faisons pas, c’est mauvais pour notre santé. En revanche, nous sommes aussi programmés pour préserver au maximum nos ressources, ce qui explique que nous soyons naturellement attirés par les comportements sédentaires”, poursuit le chercheur.
Le hic, c’est que toute la société contemporaine a été bâtie avec la volonté de nous permettre d’en faire toujours moins : la voiture, l’escalator, la chaise de bureau, les services comme la livraison à domicile… Pour peu, on pourrait presque vivre sans plus décoller nos yeux de l’ordinateur et nos fesses du canapé.
Or, les neurosciences ont démontré que l’effort physique était toujours considéré comme un coût et donc quelque chose de négatif dans notre cerveau. D’où notre propension à la paresse. C’est pourquoi il faut avoir un but ou un apport positif suffisamment élevé pour nous engager dans une activité. “C’est également important que ce but soit atteignable. Si tel est le cas, et la récompense à la hauteur, on peut alors mettre beaucoup d’énergie pour y arriver”, poursuit Boris Cheval.
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J’peux pas, c’est génétique
Mais maintenant que nous avons pu constater que nos ancêtres nous ont légué cette tendance à nous économiser, comment expliquer que certaines personnes soient plus énergiques et motivées que d’autres ?
“Il existe effectivement une variabilité génétique, c’est ce que démontrent les études avec les jumeaux”, constate le chercheur. De même, des études dites d’associations génomiques à large échelle (ou GWAS en anglais) menées par des scientifiques comme David Raichlen ou Yann Klimentidis démontrent qu’il existe bien des différences individuelles dès la naissance.
Ainsi, on peut estimer que la génétique serait responsable à hauteur de 15% de cette propension à l’inactivité physique. Jouent ensuite l’environnement ou encore le fait d’avoir eu des expériences positives dans sa jeunesse en faisant du sport.
Motivé, motivé, il faut se motiver
Au final, ce qu’il faut donc bien comprendre, c’est que pour lutter contre cette inclinaison naturelle à la paresse, il faut avoir un but suffisamment fort pour nous lever du canapé. Et malheureusement, l’objectif d’être en bonne santé n’est généralement pas assez convaincant.
C’est ce qui explique que tant de personnes décrochent deux mois après avoir mis en place leurs bonnes résolutions pour la nouvelle année. L’idéal étant donc de trouver une activité dans laquelle on éprouve un réel plaisir.
Il est aussi tout à fait possible de faire un parallèle avec la flemme éprouvée au travail. “*Il y a quelques mois, on m’avait interrogé sur la difficulté à recruter des saisonniers, et si c’était lié à une perte de motivation de la jeune génération. La réalité est que ces métiers ne sont pas attractifs en raison de leurs horaires atypiques et de leur faible rémunération. La récompense n’est pas suffisamment forte par rapport à l’effort à fournir, ce qui crée du désengagement”*, analyse Boris Cheval.
Alors, si vous n’avez plus envie de vous décarcasser pour votre travail, c’est certainement que vous avez perdu la flamme. Cela peut être lié au manque de reconnaissance, à une surcharge trop importante, au contenu même de la mission, à l’environnement de travail.
Alors, dans toutes les activités de notre vie, la flemme peut toujours s’inviter dès lors que les facteurs de motivation ne sont pas suffisamment forts pour lutter contre nos penchants naturels. À méditer la prochaine fois que vous serez en flemmingite aigüe !