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Le futur de l’entreprise sera celui du travail (par Benoit Serre)

Comment conserver la founder’s mentality quand on ne cesse de grandir ? Un grand défi décrypté par Benoit Serre, DRH de L’Oréal France et Vice-Président Délégué ANDRH (Association Nationale des DRH)


4 min
10 février 2023par Contributeur externe

Chacun peut entendre quasiment chaque jour des avis et des opinions sur le travail, son organisation, son management, son sens, sa comptabilisation. Nous sommes dans cet entre-deux mêlant certitudes que des choses ont changé et doutes sur le fait qu’elles puissent vraiment changer. Différentes théories se font jour, allant de la perte de la valeur travail au droit à la paresse en passant par le refus de rejoindre des organisations dont l’activité nuit durablement à la planète malgré leur utilité immédiate et incontestable.

Malgré ces débats, les principales aspirations sont connues et elles se placent autour des notions de liberté, d’autonomie et de confiance. Ces attentes ne sont pas nouvelles, mais elles connaissent une acuité particulière puisque paradoxalement, elles ont été vécues durant la crise sanitaire et plus spécifiquement durant le confinement. On pense bien entendu au télétravail qui n’aura été que le révélateur concret d’un souhait de plus grande autonomie dans son organisation personnelle et de plus grande liberté dans son organisation professionnelle.

Ces périodes tout à fait inédites ont aussi permis d’identifier où se trouvaient les freins et les blocages et c’est autour du contrôle et de la hiérarchie qu’on a pu les trouver. L’idée n’est pas de refuser l’un et l’autre, mais sans doute de réévaluer leur prévalence et d’une certaine manière leur dominance dans les modèles de management.

La conséquence de ce couple « reporting/hiérarchie » a été au fur et à mesure du temps, et parfois en raison des exigences des Pouvoirs Publics aussi il faut le reconnaitre, de développer une bureaucratie d’entreprise certes légitime acte par acte, mais exaspérante et mal vécue quand on les additionne.

C’est d’ailleurs sur la base de ce constat qu’un vaste mouvement de simplification a été engagée dans de nombreuses grandes entreprises sans que pour autant les résultats semblent probants. Ce n’est pas un défaut de volonté, mais cette bureaucratisation a peu à peu structuré le système de management et la réduire revient à remettre en cause la chaine des pouvoirs et des décisions dans les organisations, ce qui est tout de suite beaucoup plus difficile, notamment pour celles et ceux qui pourraient en être les premières victimes après en avoir été les principaux bénéficiaires.

En tout état de cause, les aspirations des individus, comme les exigences des activités qui se transforment de plus en plus vite, laissent apparaitre des champs concurrentiels, rapides, inattendus et parfois très innovants, ou encore la capacité des consommateurs à changer et à remettre en cause leurs fournisseurs. Autant d’éléments qui imposent, dans un horizon pas si éloigné, à repenser nos modèles d’organisation pour les rendre plus souples, plus agiles, plus adaptables et surtout plus fondés sur la confiance que sur le contrôle, respectueux de l’expertise plus que de la hiérarchie.

Ces modèles existent puisqu’ils sont souvent l’une des raisons de l’hyper développement des nouveaux acteurs de l’économie dont la solidité repose sur la vitesse d’adaptation. Ces start-up devenues licornes grossissent très vite en activité comme en équipe et comme leurs ainés, elles sont guettées par le risque de bureaucratisation dont elles tentent souvent de se prémunir, car elles ont identifié les faiblesses que cela provoque.

Prenons le pari que ce sont elles qui constitueront demain le futur de l’entreprise. Il suffit de les observer pour constater qu’elles traquent la sur-hiérarchisation en essayant de conserver des organisations les plus plates possibles sans pour autant nier la nécessité de la verticalité. Ce sont elles qui osent remettre en cause le schéma hebdomadaire de travail, parfois avec excès ou les contraintes de prise de congé comme d’horaires.

Ces entreprises qui créent le futur ont bien appris les leçons du passé et si leurs ambitions économiques sont intactes, elles savent qu’elles ne pourront parvenir sans changer les règles malgré quelquefois une législation du travail qui les entravent. Ce sont dans ces entreprises-là que le futur du travail s’écrit, car elles veillent à repenser leur organisation, non pas en rejetant par principe les modèles classiques, mais en en extirpant les faiblesses et les lourdeurs.

Le pari est osé car la société comme la réglementation demeurent n’ont pas encore vraiment opéré cette mue pour les accompagner. Elles se mettent en risque avec la conscience que pour recruter, fidéliser, être agile et performer pour réussir leur développement, il faut proposer un autre modèle plus attractif car plus soucieux des aspirations de l’individu.

Peut-être que cette nouvelle économie fondée pourtant bien souvent sur les technologies ont enfin compris que la richesse de l’entreprise n’est faite que de femmes et d’hommes que l’innovation doit servir et non remplacer. Le futur d’une société du travail plus inclusive, plus responsable, plus respectueuse de l’individu passera par elles si elles savent tenir dans le temps les principes qui ont présidé à leur création.

Une tribune signée Benoit Serre.

Contributeur externe

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