Pourquoi le silence est pire que l’erreur ?

Combien sommes-nous à préférer taire nos erreurs plutôt que de les faire remonter à nos supérieurs ? Pourtant, c’est une certitude : le silence est toujours délétère.
Nous sommes en 2011. À tout juste 29 ans, Aude Baron se voit confier la création d’un média participatif pour Le Nouvel Obs et en assure la rédaction en chef. Au départ, tout se passe pour le mieux. Le média connaît une forte croissance les premiers mois. “C’est ce qui arrive à tout média bien ficelé. Sauf que par la suite, je n’étais pas assez mature stratégiquement pour continuer à faire grandir le site. Alors les audiences ont commencé à chuter”, se souvient-elle.
Sauf que la jeune femme préfère garder le silence, estimant porter l’entière responsabilité de cet échec sur ses épaules. Quand elle finit par s’en ouvrir à Claude Perdriel, le fondateur du Nouvel Obs, ce dernier prononce des mots qui résonnent encore en elle : “Je ne vous reprocherai jamais une baisse d’audience. Ce que je vous reproche, c’est de ne pas avoir tiré la sonnette d’alarme plus tôt pour que je vous aide. Car vous n’êtes pas seule”.
“À l’époque, je n’avais pas encore suffisamment confiance en moi pour comprendre que demander de l’aide, c’est la base. De plus, j’étais très intimidée par mon patron et je n’avais pas désacralisé le fait que nager en eaux troubles au lancement d’un projet est tout à fait normal”, estime-t-elle.
Derrière le silence, des craintes profondes
Comme Aude, de nombreux salariés n’osent pas appeler à l’aide. “Il s’agit avant tout d’une crainte profonde de l’échec. On a peur d’être jugé, peur de perdre la confiance de son supérieur, peur de perdre notre place. C’est pour cela que l’on cherche toujours à prouver sa valeur ”, analyse Delphine Tordjman, coach spécialiste en leadership. Une insécurité que l’on retrouve particulièrement chez les personnes prenant un poste de direction, quand bien même il est tout à fait normal de trébucher en chemin.
Cette peur peut être exacerbée par des fragilités individuelles, mais provient principalement de l’environnement de travail. Plus celui-ci est sécurisant, moins on voit ce type de comportement. “Le droit à l’erreur fait partie de la sécurité psychologique. Il est essentiel car l’accumulation de petites erreurs peut mener à des catastrophes”, poursuit la coach.
Le devoir d’exemplarité des managers
Créer les conditions de cette sécurité psychologique transite notamment par l’exemplarité du manager. Autrement dit, son aptitude à reconnaître ses propres erreurs, qu’elles soient d’ordre technique ou relationnel. Maintenant qu’elle a fondé son propre média, 2050 Now, Aude Baron n’hésite pas à s’entourer de personnes complémentaires et à solliciter leur avis régulièrement. “En tant que dirigeante, je n’hésite pas à m’exprimer dès que je rencontre une difficulté. J’encourage beaucoup cet esprit collaboratif auprès de mes équipes. C’est important que chacun puisse identifier ses soutiens”, nous explique-t-elle.
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Selon Delphine Tordjman, le travail d’un manager est effectivement d’identifier où se trouvent les “défis” (et non pas les “erreurs”) afin de mobiliser les bonnes ressources pour les résoudre. Elle recommande aussi au manager d’appliquer la règle des 3 P : Protection, Permission, Puissance. Autrement dit, établir un cadre protecteur dans lequel on permet le droit à l’erreur, le tout pour parvenir à la puissance. “Pour ce faire, le manager doit valoriser les personnes qui apprennent de leurs erreurs et font preuve de franchise”, recommande la coach.
Cela passe aussi par des REX réguliers, des sessions de feedback constructif et des discussions ouvertes sur ce qui va bien ou moins bien, en termes de charge de travail ou même de ressenti émotionnel. “Une personne à bout va faire plus d’erreurs”, ajoute Delphine Tordjman.
Un sujet à traiter au niveau macro
Outre le devoir d’exemplarité du manager, le droit à l’erreur se cultive également au niveau macro. “On cherche souvent des solutions immédiates à notre niveau. Alors que plus on remonte nos défis, plus on prend de la hauteur, et plus on va faire preuve d’innovation pour les résoudre”, estime la coach.
Malheureusement, elle constate que beaucoup de dirigeants sont encore très contrôlants, notamment sur les détails, ce qui peut inhiber les individus. “Pour éviter que chacun ne sombre dans le silence, c’est donc typiquement le genre de comportement à éviter”, plaide-t-elle. À l’inverse, éviter les solutions trop fonctionnelles pour adopter un point de vue à 360° permet de s’inscrire dans une démarche de coconstruction. Et donc d’éviter que chacun ne s’isole et ne se terre dans le silence !