L’hypnose peut-elle nous aider à mieux travailler ?
Et si vous faisiez appel à l’hypnose, non pas pour arrêter de fumer, mais pour mieux travailler ? Vous y croyez ou pas ? Quand un hypno-sceptique rencontre une coach et thérapeute en hypnose, voilà ce que ça donne.
“Yannick, il faut que je te présente ma coach. On travaille sous hypnose, ça pourrait être intéressant d’en parler, non ?”. Quand ma collègue a lâché ça, j’ai tout de suite fait un pas en arrière. Immédiatement, dans mon cerveau, j’ai vu Messmer qui fait faire la poule à des gens sur scène. Drôle, certes, mais pas vraiment sérieux. Et quasi immédiatement, je me suis dit : “Ouah, c’est hyper cliché comme jugement”.
Du coaching à la thérapie
“C’est rare que quelqu’un vienne juste pour tester. Les gens viennent avec des problèmes”, indique Anne Rigaud Walker. “Le client perso vient avec soit des problèmes physiques (je n’arrive pas à avoir un enfant, je dors mal, je suis anorexique, je veux arrêter de fumer…), soit des problèmes psychologiques (burn-out, stress, anxiété…). Des managers très durs sont arrivés à changer de comportement. Les causes sont souvent liées à l’enfance d’ailleurs, ou bien des personnes qui se mettaient en posture de victime (c’est pas ma faute, etc.). On règle le problème en prenant les sujets au lieu de les subir”.
Finalement quelle différence avec un psy classique ? On vient, on parle de ses problèmes et on part. “C’est vrai qu’on est plus proche de la thérapie”, concède-t-elle dans un premier temps avant d’embrayer tout sourire : “Mais que veulent les gens ? ils veulent s’en sortir. Avec une thérapie conversationnelle classique, on peut rester très longtemps avant d’obtenir une compréhension très fine du sujet, mais ça ne va pas forcément bouger. Si on ne va pas dans le cœur du réacteur, on ne change pas vraiment. Ce sont des rustines, mais ce n’est pas un changement pérenne”.
Pourquoi autant de doutes sur l’hypnose ?
Forcément, je lui demande si elle comprend le scepticisme qui entoure sa profession. “Oui”, claque-t-elle dans un grand sourire, puis elle argumente : “il y a eu beaucoup d’études qui ont été faites sur l’hypnose. L’école de médecine d’Harvard s’est penché sur le sujet et utilise aujourd’hui ces protocoles. Les neurosciences font aussi un boulot fantastique pour arriver à expliquer le fonctionnement de l’hypnose et surtout pourquoi ça marche”.
Moi, ça ne me tente pas. “Je pense que ça ne marcherait pas avec moi”, lui lâche-je en face. Un cliché que je véhicule mais qu’elle comprend et qu’elle explique immédiatement. “J’ai besoin que le client ait envie. Ça se fait à deux, c’est une danse. Si tu restes statique sur la piste, la chorégraphie ne va pas fonctionner, j’ai besoin de l’autre. Mais en quelques mois versus plusieurs années pour une thérapie classique, ça peut vraiment bouger”.
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Messmer, le cliché de l’hypnose
L’hypnose, ce n’est pas une question d’y croire ou de ne pas y croire. D’ores et déjà parce que de nombreuses études scientifiques ont été et sont faites sur le sujet. Et puis aussi… parce que je l’ai vu, de mes yeux vu ! (scientifiquement ça vaut rien, mais quand même). J’ai déjà interviewé Messmer, et je l’ai vu faire des choses devant moi. Pas de doute, l’hypnose ça marche. Mais ce qui m’intéresse, c’est de comprendre, ce qu’on peut en faire avec. À part un spectacle.
“On est tous réceptifs à l’hypnose car c’est un état naturel”, débute Anne Rigaud Walker, coach et thérapeute par l’hypnose depuis 2015. “Messmer ça marche, car il sélectionne les profils les plus réceptifs. Certains, au moindre claquement de doigt, vont tomber dans une transe profonde, mais c’est rarissime. Messmer a des équipes dans les salles de spectacle qui repèrent les gens. Ce n’est pas représentatif. En séance, j’ai juste besoin de gens détendus, en état de relaxation. Rien de plus”.
On est tous hypnotisés et “hypnotisables”… sans même le savoir.
Ce que je retiens, c’est que l’hypnose est un “état naturel”. Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ? “Par exemple, quand tu conduis sur l’autoroute, au bout d’un moment, tu es là sans être là. Des réflexes se mettent en place : c’est un état d’hypnose”, m’explique-t-elle.
Et là, ma curiosité est piquée. Que se passe-t-il dans notre corps pour arriver dans cet état ? “C’est très léger”, me rassure immédiatement Anne Rigaud Walker avant d’enchainer : “sous hypnose, les clients me parlent. On ne perd pas totalement son esprit. La seule chose qui change c’est la fréquence du cerveau. On passe d’ondes Beta (très courtes et rapprochées) à des ondes alpha (plus longues et plus écartées)”. Et comment on rentre dans ces ondes alpha ? En étant très relaxé.
Et force de constater que ce raconte Anne Rigaud est parfaitement juste. “Si l'on portait en permanence un casque à électrodes qui mesure l’activité électrique de notre cerveau (électroencéphalographie ou EEG), nous observerions que l’on expérimente, chaque jour, de multiples états de conscience, chacun correspondant à l’émission d’ondes cérébrales différentes, d’une gamme de fréquence particulière (en hertz)”, explique le site Sciences et Avenir.
Le grand tabou de la santé mentale
En filigrane, notre conversation évoque aussi un grand tabou : celui de la santé mentale. Se “faire aider” dans un monde où la productivité et l’efficacité prime (malgré un besoin de sobriété), comment éviter d’être pris pour un “faible” ? “Oui, c’est tabou, même si de plus en plus de gens se font aider. On n’en parle juste pas. Pourquoi ? C’est l’ego qui prend le relais. C’est comme si être aidé résultait d’un aveu de faiblesse. On ne peut pas tout faire tout seul”, proteste-t-elle. L’hypnose en thérapie.
En conclusion, je lui fais part de mon ressenti. Et si on avait juste besoin de prendre le temps, de faire un break, de se mettre en situation de relaxation… et donc d’hypnose (cf le début d’article) ? “On est surconnecté. Regarder son tel, son ordi, la notif… Ça crée beaucoup de fatigue chronique, de stress. Ça dérègle vraiment la machine”, acquiesce-t-elle. Des propos corroborés par Gilles Bertschy, professeur de psychiatrie au CHU de Strasbourg dans Sciences et Avenir : “Nous sommes nombreux à avoir le sentiment d’être submergés par l’information. Le cerveau est suractivé, multitâche, distrait. C’est pourquoi on cherche de plus en plus de moyens de prendre de la distance, de faire une pause”. Sur ce, je vais prendre un café.