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Pourquoi l’IA peut vous aider plutôt que vous faire peur ?

Cela fait plus d’une décennie que l’on prédit la mort de nombreux métiers d’ici à 2030. Mais ces derniers mois, l’IA semble être entrée encore davantage dans le quotidien d’une partie des travailleurs, notamment via le désormais célèbre Chat GPT. Mais doit-on y voir la mort de nombreux emplois ? Ou une simple aide au quotidien ? Deux experts nous donnent leur vision tranchée.


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10 milliards de dollars. C’est la somme qu’a investi Microsoft dans Open AI, un projet à l’origine de Chat GPT ou encore de Dall-E 2. Sans oublier Bing IA qui entend bien voler la vedette à Google (voir encadré)*.

300 millions, c’est le nombre d’emplois qui seraient menacés selon une étude de la banque Goldman Sachs. Si ces outils font grand bruit, c’est parce qu’ils viennent modifier les règles du jeu dans des secteurs comme la presse ou encore les agences de création de contenu et de marketing.

Superviser plutôt que de faire ?

Dans ces domaines, l’IA s’invite de plus en plus dans le quotidien des professionnels. “Sans les nommer, je connais beaucoup d’agences expertes en SEO où les consultants ne produisent plus mais supervisent les réalisations de l’IA. Cela amène à la création de nouveaux métiers comme celui de prompt engineer, soit la personne qui parle à la machine et va chercher le maximum de possibilités avec l’IA”, affirme Arnault Chatel, Responsable Pédagogique du MBA DMB de l’École des nouveaux métiers de la communication (EFAP) et conférencier sur les thématiques liées à l’IA.

Chat GPT est donc capable de mouliner des articles en moins de 10 secondes. De quoi imaginer la fin du métier de journaliste ? Pas si vite ! Avec l’IA, un journaliste ne peut pas s’attendre à décrocher le prochain prix Pulitzer. Pour l’instant, les articles manquent cruellement d’originalité et de style. Surtout, un journaliste est censé trouver ses propres sources d’informations, par essence non disponibles sur le net.

Toutefois, dans le monde de l’art, quid de la créativité ? Un tableau créé de toute pièce par une IA a déjà gagné une compétition et engendré une vive polémique. Et ce n’est pas la première fois ! On le voit, difficile d’aborder le sujet tant il est complexe. Alors…

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L’IA va-t-elle vraiment faire disparaître certains métiers ?

  • OUI - Le turfu, c’est maintenant

Pour Arnault Chatel, la réponse est oui : il est convaincu par exemple que les professions où l’on doit absorber de la connaissance (comme comptable ou encore juriste pour ne pas les nommer) sont réellement menacées. “Pour qu’un métier ne disparaisse pas, il faut que l’association humain + IA soit supérieure à l’IA seule”, affirme-t-il.  Si l’humain fait supporter un coût plus important à l’entreprise, il devient une source d’encombrement.

  • NON, - “À ce jour, l’IA est une potentialité, pas une réalité”

Pour Salima Benhamou, économiste et spécialiste de l’IA, membre de France Stratégie (Services du Premier ministre), il est primordial de prendre du recul par rapport au brouhaha actuel. Si l’on remonte dans le temps, on a connu le même type d’emballement avec la voiture autonome (pour l’instant, elle est loin d’être adoptée) ou encore le logiciel  Watson Health (IBM) qui était censé rendre obsolète le métier de médecin. “D’ailleurs, Watson n’existe plus aujourd’hui”.

En 2013, les chercheurs Frey et Osborne estimaient que 47 % des emplois aux États-Unis présentaient un fort risque d’automatisation d’ici 2023 à 2033. Pour l’heure, leurs prédictions demeurent une prophétie. “L’IA est une potentialité, mais pas une réalité totale. À ce jour, aucun secteur n’a été totalement transformé par l’IA. Chez France Stratégie, nous menons actuellement des études de terrain pour évaluer l’impact sur le travail de système d’IA qui ont dépassé le stade de l’expérimentation et nous avons eu un mal fou à constituer un échantillon d’entreprises utilisant vraiment de IA à base d’algorithmes apprenants, et pas juste de l’automatisation classique ”, explique-t-elle.

La quantité VS la qualité

Par ailleurs, si la force de l’IA est de traiter rapidement un gros volume de données, la volumétrie ne garantit pas mécaniquement un haut niveau de qualité d’analyse et d’une prise de décision optimale à chaque situation ou événement imprévisible. Elle ajoute « la connaissance ne se mesure pas sur la capacité à ingurgiter des masses de données, Cela s'appelle du bachotage, ce qui est dangereux par ailleurs pour développer l’esprit critique et le progrès dans la connaissance, pourtant indispensable pour innover ».

La spécialiste rappelle aussi que l’adoption de l’IA ne dépend pas que de sa capacité technologique mais aussi de la réglementation comme l’accès aux données, le jeu concurrentiel, la démographie, l’offre de compétences sur le marché du travail ou encore de l’acceptabilité sociale qui conditionnent la vitesse d’adoption. Plus celle-ci est rapide, plus elle peut être disruptive. À l’inverse, si l’adoption est lente, il est plus facile d’anticiper les mutations pour ne pas se retrouver comme les porteurs d’eau parisiens qui n’ont pas vu venir l’arrivée de l’eau courante au XIXème.

Human After All : l’IA, une aide plutôt qu’une menace ?

À l’instant T, ce qui semble se dessiner, ce n’est donc pas nécessairement une disparition massive des métiers, mais un soutien pour certaines tâches à faible valeur ajoutée. La plupart des métiers sont effectivement composés de tâches en partie “automatisables” et cela ne sert à rien de raisonner au niveau à l’échelle du métier, rappelle Salima Benhamou.

Par exemple, l’IA peut générer la première version d’un communiqué de presse, retranscrire une interview audio en écrit, puis l’humain prend le relais avec son esprit critique.  “Dans notre formation, nous apprenons aux étudiants à cohabiter avec ces nouvelles technologies qui sont gratuites et font gagner beaucoup de temps sur certaines phases de travail”, poursuit Arnault Chatel.

Est-ce à penser que les enfants d’aujourd’hui devront se diriger uniquement vers des métiers ultra-qualifiés ? Pour Salima Benhamou, la réponse est non : par exemple, le métier d’aide à domicile n’est pas automatisable, et avec l’évolution démographique, les besoins vont être de plus en plus vivaces.

Bref, l’IA peut être une menace mais aussi une chance. “Il existe une opportunité sociale pour que les gens se concentrent sur leur vraie valeur ajoutée mais cela dépendra fondamentalement de l’usage de l’IA dans les organisations, des gains de productivité attendus et de la stratégie de développement des entreprises ”, résume Salima Benhamou.

Pour Arnault Chatel, l’IA ouvre de nouvelles perspectives pour les étudiants : “ils auront l’opportunité de créer leur propre métier”. Là où Salima Benhamou y voit une opportunité pour les étudiants, “c’est dans la manière d’apprendre et de résoudre des problèmes complexes pour développer l’esprit critique et pour savoir déroger aux normes, en fait tout ce que ne peut pas faire une machine justement”.

Alors, viendront-ils confirmer ou infirmer les prédictions de Dell et l'institut du futur estimant que 85% des métiers de 2030 n’existent pas encore ? Rendez-vous dans… 7 ans !

  • Chat GPT est un bot conversationnel répondant à tout type de demandes formulées par une commande écrite ou même une photo.
  • Dall E 2 est un outil de création d’images.
  • Dans le monde foisonnant de l’IA, l’autre acteur à suivre du moment, c’est Bing IA (encore Microsoft), le moteur de recherches qui entend bien déboulonner Google. En quoi est-il plus fort que le roquefort ? Et bien il est connecté à internet (donc il apprend “en live”), et peut vous aider par exemple à utiliser Chat GPT. Grosso modo, il vous livre le mode d’emploi pour bien parler à la machine et arriver au meilleur résultat possible. Bref, l’IA vient elle-même au secours de l’IA…

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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