Insécurité linguistique : quand la peur de mal parler nous empêche… de parler
Il arrive que, lorsqu’on s’apprête à parler en public, on ressente comme une petite boule au ventre à l’idée de se planter. La peur de dire une bêtise, de mal énoncer ce qu’on a en tête. “Que se passe-t-il si je commets l’irréparable en matière de syntaxe ? Le public peut-il se moquer de mon accent ? Et comment faire si je ne suis pas sûr(e) de la conjugaison de tel ou tel verbe ?” Devant ces questions, certains se réfugient dans le mutisme. Mais est-ce une fatalité ?
C’est quoi concrètement, l'insécurité linguistique ?
Pour Ahmet Akyurek, fondateur du centre de formation en prise de parole Krateo, l’insécurité linguistique désigne cette “peur de ne pas oser parler devant un auditoire”. Elle se manifeste de différentes manières : crainte de ne pas être à la hauteur en matière de connaissances, de bafouiller devant son N+1, de faire une faute grammaticale qui vous vaudra des moqueries… Tout ce qui, finalement, peut vous empêcher de vous exprimer librement par crainte d’être jugé.
Mais, entre nous, qui n’a jamais vérifié la prononciation d’un mot avant une présentation importante ? Qui ne s’est jamais posé la question de savoir si on disait “un horaire” ou “une horaire”* ? L’insécurité linguistique est l’affaire de tous. Même de ceux qui paraissent les plus confiants…
Qu’est-ce qui déclenche cette “peur de parler” ?
“Si je suis devant des personnes que je ne connais pas, j’ai peur de passer pour une idiote. Surtout si je pense ne pas être à la hauteur… C’est débile, je sais, mais je me renferme et je préfère les écouter parler”, confie Kahina, étudiante en 3ème année de psychologie.
Mais alors, d’où vient cette crainte ? Résulte-t-elle d’un facteur biologique, sociologique ? Notre coach en prise de parole livre quelques explications.
- Tout d’abord, il y a celui qu’on ne présente plus : le stress. Quand on angoisse en vue d’une présentation orale, on est plus enclin à perdre le contrôle de son élocution. C’est le moment où les “bugs” et “tics” de langage font leur apparition, traduisant ainsi notre anxiété incontrôlée.
- Ensuite, les préjugés. On se souvient tous de la réaction de l’opinion publique quand Jean Castex, ancien premier ministre, a fait son premier discours. Il existe une vraie discrimination à l’égard de ceux qui ont un accent prononcé : ça s’appelle la glottophobie et, fort heureusement, ce sera bientôt réprimé par la loi. Laure, enseignante en CE1, se souvient des premières fois où elle a dû parler en classe : “Avec mon accent très prononcé d’Avignon, je craignais que les élèves se moquent de moi et que ça fragilise mon statut de “maîtresse”. En réalité, les enfants - contrairement à bien des adultes - font abstraction de ça ! Ce qui les intéresse ? Avoir quelqu’un d’impliqué et d’intéressant à écouter.”
- Enfin, le manque de confiance en soi. Il suffit qu’on se soit moqué de vous dans l’enfance parce que vous avez une voix un peu haut-perchée pour que vous pensiez ne pas être au niveau. Une fois que l’estime de soi est ainsi piétinée, difficile de se convaincre plus tard que tout va bien se passer… “Je sais que si je prenais plus confiance en moi, je n'aurais plus peur d’échanger, de débattre, de donner mon avis” affirme Kahina, songeuse.
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En finir avec l'insécurité linguistique : illusion ou possibilité ?
Heureusement, et c’est un joli comble, on peut faire taire l’insécurité linguistique.
Chaque jour, Ahmet Akyurek donne de précieux conseils à ses coachés pour se débarrasser de l’angoisse verbale :
- “La première chose, c’est de pratiquer. Filmez-vous, regardez le résultat, itérez encore et encore… À force de pratique, on parvient à se débarrasser du blocage initial et à devenir plus serein.” Il surenchérit : “Ne perdez pas votre temps à lire sur le sujet… Vous pouvez lire tout le rayon “Musculation” de la FNAC, cela ne vous rendra pas plus musclé. Il en va de même pour la prise de parole. Si vous voulez réellement progresser : pratiquez, encore et encore.”
- Soignez-le non-verbal ! Impliquez-vous sur la manière dont vous allez dire les choses. Notre éducation nous pousse à nous concentrer sur le verbal, mais en réalité, une grande part de l’efficacité de notre communication se dégage par le non verbal : les intonations, les gestes, les expressions faciales, les silences…
- “Enfin, et surtout, soyez fièr(e) de vous. Embrassez votre accent, valorisez l’unicité de votre voix, acceptez d’être faillible. Quoi qu’il en soit, vous serez jugé, donc ne cherchez pas à "être parfait", soyez vous-même.” Ne craignez pas d’afficher votre identité et votre réalité ! L’authenticité, c’est précieux. Conservez-la.
Rassurez-vous. Même les plus grands orateurs ont fait des bourdasses. Alors oui, c’est peut-être plus gênant quand on fait un TedX plutôt que quand on parle avec Mémé Denise. Mais ça arrive à TOUT LE MONDE. Ne voyons plus l’insécurité linguistique comme un frein mais comme un facteur de différenciation. “Le plus important, c’est de se lancer sans a priori. Ceux qui décideront de se moquer le feront, vous ne pourrez pas les empêcher. Par contre, vous, vous serez heureux d’avoir dépassé votre appréhension !” conclut Laure… Bien dit, n’est-ce pas ?
*On vous a vu douter… on dit bien “un horaire”. Au cas où !