Les jeunes parents sont-ils plus productifs ?
Et si les jeunes parents étaient un peu les super-héros des entreprises en mêlant une vie cadencée entre kids et boulot à 100 à l’heure. Ce super pouvoir porte un nom : l’hyperproductivité. Mais comme pour le génie de la lampe, des super-pouvoirs ne viennent jamais sans contrepartie, ni sans conséquences. Focus.
Quiconque a déjà jonglé entre le rendu d’un rapport et l’appel de la crèche à 18H20, SAIT. Entre le big boss et big ben, il y a souvent conflit d'intérêts. Alors, les jeunes parents doivent souvent déployer des trésors d’ingéniosité (et d’énergie) pour parvenir à mener de front deux agendas pas toujours très compatibles.
“Depuis que je suis jeune maman, je n’ai jamais travaillé aussi vite. Je suis à mon compte depuis des années, mais je constate que j’arrive à exécuter des tâches me demandant une forte concentration en moins de temps. De ce fait, j’arrive de manière assez paradoxale à honorer encore plus de commandes sans altérer la qualité de mon travail”, constate avec étonnement Marianne, 35 ans, rédactrice web.
La raison d’une telle hausse de productivité ? La jeune mère de famille n’a tout simplement pas d’autre choix que de condenser sa journée de travail pour parvenir à tout boucler entre 9H15 et 17H30, sachant que la journée du mercredi est souvent dévolue - au moins en partie - à son aîné (super bonus).
Adieu la procrastination
Ce phénomène se résume en un mot : la non-procrastination. Adieu la glande, la pause shopping entre midi et deux. Bonjour les pauses raccourcies et la mise au point d’un planning millimétré.
Pour Catherine Pierrat, psychologue de la famille et ancienne DRH, le passage du statut de célibataire (avec peu de contraintes), à celui de jeune parent, impose irrémédiablement de réorganiser sa vie, et donc son temps de travail : “Avant, cette personne faisait sûrement les choses en les reportant, en prenant son temps. Il/elle traînait à la pause café et parfois même tard le soir au bureau parce qu’il/elle préférait rester blaguer avec ses collègues plutôt que de rentrer à la maison. À l’inverse, le jeune parent doit être plus rigoureux sur la gestion de son temps”. Car ce père ou cette mère a un second agenda à respecter qui lui ordonne d'accélérer la cadence.
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Le syndrome de la pile électrique
En état permanent d'hypervigilance, on peut aussi imaginer que les parents subissent des changements dans leur fonctionnement cérébral leur permettant de décupler leurs facultés. On sait notamment que les jeunes mères actives voient leur sécrétion de cortisol augmenter les jours travaillés.
Il s’agit de l’hormone du stress, qui joue aussi le rôle de dynamisant et peut en partie expliquer pourquoi les jeunes parents ont, parfois, un petit côté “energizer bunny”. Même si, bien entendu, cette hyperproductivité est difficile à tenir sur le long terme et que ce ne sont pas des parents pleins de vitalité que l’on retrouve sur la ligne d’arrivée, mais des coureurs très cernés.
Bref, il est clair que les jeunes parents voient leur temps de travail se resserrer de manière automatique, leur imposant de facto d’aller à l’essentiel. Cependant, gare à ne pas leur conférer trop vite des superpouvoirs (et les missions impossibles qui vont avec).
Boutayna Burkel, fondatrice de The Helpr - une startup qui accompagne la parentalité en entreprise et dévoile les coulisses du prétendu “bonheur parental” - constate qu’il existe en fait deux mondes parallèles.
Ou plutôt, deux populations : “Celle des parents shiny qui veulent faire croire que rien n’a changé, qu’ils sont toujours dans la compétition, soumis à cette injonction qu’il faut être toujours plus productif. Et ceux qui passent à temps partiel (surtout les mamans qui sont plus de 28% à être en temps partiel selon la DARES, ndlr) et ne cachent pas leurs difficultés à conjuguer leur vie pro et perso”.
Malgré leurs différences de façade, ces deux populations partagent un point commun : la quête de rentabilité à court terme. “Les jeunes parents vont prioriser les tâches urgentes, celles qui vont avoir des effets immédiats et leur assurer leur salaire, tout en délaissant le secondaire ”, explique Boutayna Burkel.
Cela est d’autant plus vrai qu’un jeune parent n’est plus vraiment maître de son emploi du temps, puisque des imprévus peuvent venir chambouler sa semaine d’une minute à l’autre (ou quand une épidémie de gastro à l’école vient perturber votre prez prévue pour la fin de semaine).
💡Minute astuce :
Pour gérer ces imprévus, certains parents n’hésitent pas à se bloquer des “buffers”, soit une réserve de temps dans leur agenda leur permettant de faire face à une énième urgence, et de rattraper leur temps de travail si nécessaire.Le risque d’invisibilisation des parents
À l’inverse, les tâches de moyen terme, comme se former pour monter en compétences, networker, n’ont plus leur place dans ces agendas de ministres. “De fait, cela crée une illusion de forte productivité, mais parce que les parents, et notamment les mères, oublient certains coûts (santé mentale, lien social, santé physique)”, ajoute-t-elle.
Autrement dit, en se concentrant sur l’urgent, les jeunes parents ne vont plus faire d’entrejambe à la machine à café (et donc laisser filer une promotion qu’ils méritaient), ou même délaisser leurs propres rendez-vous médicaux, leurs sessions de sport, etc.
Le pire dans l’histoire, c’est donc qu’en travaillant de manière acharnée sur leurs dossiers, les jeunes parents n’ont pas toujours la reconnaissance qu’ils méritent. Pire, on les perçoit parfois comme des glandeurs. On ne voit pas qu’ils sont les premiers à arriver au bureau, mais par contre, on relève qu’ils partent tous les jours à 17H30. “Or, il est encore de bon ton de partir après son chef, surtout dans l’hexagone. Pour réussir dans l’entreprise, on ne peut malheureusement pas uniquement compter sur l’opérationnel. La politique, cela joue énormément", constate Catherine Pierrat.
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Attention à la surproduction
Alors, si les jeunes parents sont les rois de la gestion de l’urgence et des remontadas désespérées, ils ne doivent pas oublier cette phrase magique : “L’objectif n’est pas d’être plus productif, mais d’apporter la juste valeur au bon moment”, scande Boutayna, qui cite l’un de ses anciens managers. Un conseil qui l’a accompagnée tout au long de sa vie pro.
Car surproductivité et surqualité ne procurent pas toujours le résultat escompté, et ne correspondent d’ailleurs pas toujours au livrable demandé. Plutôt que de mettre le paquet sur la productivité opérationnelle, il peut donc être intéressant de travailler son réseau et de ne pas oublier de faire savoir… son savoir-faire. Bref, se rappeler les règles du jeu de l’entreprise pour continuer à avancer sur l’échiquier… sans s’épuiser ! (La suite au prochain épisode dans notre article dédié à l’épuisement parental).