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Job sharing : deux personnes pour le même boulot, et si c’était ça l’avenir du salariat ?

Imaginez deux cerveaux qui se partagent un même boulot : c’est exactement le concept du job sharing, ou comment exercer une fonction en coresponsabilité. Une tendance déjà bien implantée dans d’autres pays d’Europe et qui pourrait répondre parfaitement aux nouveaux défis du salariat.


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C’est sans aucun doute ma plus belle rencontre professionnelle (oui, oui, c’est moi la journaliste qui te parle). Il y a quelques années, j’ai refait un saut dans le salariat sous un format que je ne connaissais pas : le job sharing. Autrement dit, je partageais mes responsabilités de content manager avec une autre personne (qui bien sûr se reconnaîtra entre ces lignes :)). Nous étions toutes les deux à plein temps et gérions ensemble une rubrique pour un média de référence. Nous avions également d’autres responsabilités sur notre poste, de manière autonome cette fois-ci, comme une sorte de side project.

Arrivée deux semaines plus tôt, ma comparse, talentueuse, avait un petit train d’avance sur moi au démarrage. Avec le soutien de notre manager, elle a facilité mon onboarding (tellement confortable dans ce cas de figure). Ensuite, tout fut clair comme de l’eau de roche. Aucune compétition malsaine entre nous, simplement le plaisir de réfléchir à deux cerveaux pour en tirer un maximum de créativité, portées par l’envie de dépasser nos objectifs ensemble. Et ça a parfaitement fonctionné : nous avons battu des records d’audience sur notre verticale, tout en développant nos projets annexes. Sans elle, je ne sais pas si l’aventure aurait été aussi belle.

Jobsharing + freelancing : le meilleur des deux mondes ?

Bien entendu, nous nous sommes naturellement répartis certaines tâches du poste, mais en l’absence de l’une ou l’autre, nous nous faisions entièrement confiance pour prendre en charge n’importe quel segment (imaginez comme c’est confortable pour la charge mentale quand vous partez en vacances). Je partageais beaucoup de points communs avec mon alter ego, tout en étant extrêmement admirative de ses multiples talents, ce qui je pense a été un fort booster. Le plus difficile dans tout ça ? Quand il a fallu se séparer six mois plus tard alors que notre association fonctionnait à merveille, à la fin de mon CDD.

Mais si c’était à refaire, je replongerais les yeux fermés. Surtout, je verrais aujourd’hui le job sharing comme une opportunité unique de pouvoir prendre un poste à responsabilités, à mi-temps cette fois-ci, tout en continuant mon travail de freelance le reste du temps. Le meilleur des deux mondes j’vous dis ! On pourrait aussi imaginer que je me consacre le reste du temps à ma passion (très dévorante) pour les équidés, ou à mes kids (au choix :)), un peu comme cela se passe à l’étranger comme je vais vous l’expliquer.

💡 Le job sharing en quelques mots Le job sharing consiste à exercer une fonction en co-responsabilité, à temps partiel ou temps plein. Les salariés partagent les mêmes objectifs et les mêmes missions. Ils couvrent l’ensemble du poste, mais leurs profils peuvent être complémentaires en termes de compétences ou d’expérience. L’objectif ? Assurer une continuité du poste, se challenger, partager des avis parfois opposés et trouver les meilleures solutions. Et bien sûr, conserver un bon équilibre vie pro/perso tout en développant sa carrière.

Le job sharing, une nouvelle opportunité pour les femmes ?

En Allemagne, le job sharing s’est énormément développé cette dernière décennie au point que certaines entreprises publient désormais toutes leurs offres avec la possibilité du jobsharing. Elles sont même de plus en plus nombreuses à devoir justifier l'impossibilité de l’ouvrir en jobsharing. “Ici, les femmes ont des congés maternité plus longs et beaucoup moins d’aide pour s’occuper des enfants. Le job sharing leur permet de reprendre un job à mi-temps tout en conservant le même niveau de responsabilités qu’auparavant. C’était le besoin originel en tout cas, car maintenant femmes et hommes l’utilisent aussi pour développer d’autres activités, se former etc”, nous explique Florence Pawlowski, Manager de transition e-commerce et consultante en développement personnel, qui a longtemps travaillé à Hamburg et expérimenté le modèle.

Arrivé dans les années 90 en Europe, le job sharing s’est répandu dans des pays comme la Suisse ou l’Angleterre, mais sa percée est encore timide en France même si on le retrouve en expérimentation dans des entreprises comme la SNCF, ce qui a valu au groupe une nomination aux trophées de l’innovation de l’ANDRH à travers l’expérience de Myriam Loingeville et Carole Chipot. “Pour ma part, je l’ai testé il y a 21 ans alors que j’étais en alternance, afin d’assurer une continuité permanente sur le poste quand j’étais en formation. J’ai trouvé que c’était une formule innovante et performante et je m’étonne encore que le job sharing soit encore si peu développé”, remarque Léna Basile, DRH à temps partagé.

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Avec le job sharing, on partage tout, surtout les bénéfices !

Le job sharing est un modèle particulièrement vertueux, y compris pour l’entreprise. Il permet de :

  • Favoriser l’engagement des salariés à différentes phases de leur vie professionnelle : alternance, parentalité, retour après une longue absence, handicap, aidance, sénior et aménagement des fins de carrière… “Cela répond aussi aux attentes de la nouvelle génération de slasheurs, en leur permettant de se former, d’entreprendre ou d’exercer en freelance en parallèle tout en conservant leur poste ”, souligne Léna Basile.
  • Encourager le transfert de compétences, “notamment entre les séniors et les juniors, ou encore dans le cadre d’une mobilité interne”, relève Florence Pawlowski qui a elle-même expérimenté le job sharing pour passer d’une fonction commerciale à une fonction RH.
  • Assurer une bonne continuité opérationnelle, et augmenter l'amplitude horaire sur des métiers de production ou d’accueil du public. “Cela permet de créer plus de richesse sans nécessairement démultiplier le temps effectif de travail”, estime Léna Basile.
  • Développer la multiculturalité et l’inclusion en embauchant des profils atypiques grâce à la complémentarité des compétences.
  • Renforcer le management : “pour l’équipe, c’est très intéressant, car cela leur permet de bénéficier des bons côtés de chacun et de pouvoir se référer à l’un ou l’autre membre du tandem sur certains sujets. Par exemple, mon binôme avait plutôt la vision tandis que l’on ne venait davantage me voir pour régler des problèmes de dernière minute”, rapporte Florence Pawlowski.
  • Agir pour l’équité : “Le jobsharing gomme l'impact négatif de la maternité sur la carrière des femmes, car il rend les postes à responsabilités accessibles à temps partiel. Cela permet d'élargir le vivier de futures femmes dirigeantes, ce qui va dans le sens de la loi Rixain”, ajoute l’experte du jobshare.
  • Protéger la santé mentale des salariés. “En termes de QVCT, c’est très puissant quand le binôme fonctionne bien et se fait une confiance aveugle”, avance Léna Basile.
💡 3 conseils pour que les duos fonctionnent à l’unisson
  • S’assurer de l’alchimie du tandem, l’idéal étant qu’il se connaisse bien ou soit calé sur le même mode de fonctionnement. Pour plus de richesse, il est intéressant que les membres soient complémentaires en termes de personnalité et de profil. En Allemagne, les personnes postulent carrément directement en tandem !Bien sûr, cela fonctionne avec des personnes qui n’ont pas un ego surdimensionné et ne se sentent pas en concurrence”, analyse Florence Pawlowski.
 
  • Avoir de bons outils informatiques pour partager toute l’information, une adresse email commune, un outil de notes partagé, des rituels de passation fluides et des checks up réguliers pour régler ce qui doit l’être et faciliter le travail du reste de l’équipe. Avoir des temps communs d’échanges suffisants, pour se challenger, brainstormer, prendre des décisions (l’idéal : un 60%-60% voire même 100% - 100% !).
 
  • Établir des objectifs communs pour le binôme afin de ne pas créer de concurrence et ne pas altérer la confiance. Bien sûr, chaque membre du duo peut toutefois avoir le lead sur certains projets et bénéficier de sa propre évaluation de fin d’année.

Alors prêts à tester le job sharing ? “Il faudra une phase d’acculturation pour lever les freins financiers et organisationnels, et les entreprises démarreront certainement avec des temps partiels qui se complètent, mais je crois vraiment que le modèle peut se déployer, y compris dans des fonctions de top management”, conclut Léna Basile.

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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