Le marché invisible ou quand un job sur deux est pourvu sans offre d’emploi

Dans le marché immobilier, on appelle ça l’offmarket : comprenez, tous ces biens qui vous fileront sous le nez parce qu’ils auront été vendus en direct via le réseau de l’agent ou du propriétaire. Et bien, c’est la même chose pour l’emploi : il existe un marché invisible doté de ses propres codes qu’il convient de percer pour mieux en profiter.
D’après une étude Randstad, plus d’un job sur deux est pourvu sans offre d’emploi. “Dans l’IT, il se murmure que ce chiffre atteint même les 70%, mais en réalité, puisque c’est un marché invisible, on ne sait pas vraiment”, souligne Mickael Ruau, spécialiste du Sourcing et de l’outplacement de profils IT confirmés sur le marché caché.
Il nous explique que ce marché invisible provient principalement de deux sources. Il peut s’agir d’un manager qui va activer son réseau plutôt que d’aller voir les RH. Pourquoi ? Il évite plusieurs actions : écrire une fiche de poste, valider une annonce, trier des CV et rencontrer plusieurs candidats. “C’est un gain de temps considérable pour lui”, souligne l’expert.
Dans l’autre cas, il peut s’agir de spécialistes du recrutement qui préqualifient des candidats et partagent mutuellement leurs ressources. “En ce qui me concerne, les recruteurs savent que j’ai un énorme vivier de candidats dans mon réseau, et ils viennent donc me solliciter en direct, sans forcément poster d’offre”, explique-t-il.
Petites affaires entre amis
Si ce marché invisible fonctionne si bien, c’est qu’il rassure tout le monde. Pour un recruteur, c’est souvent l’assurance que le culture fit sera le bon. “Nous sommes tous soumis aux biais de similarité et de confirmation : on va avoir tendance à préférer des personnes qui nous ressemblent et à être rassurés par tel ou tel profil”, rappelle Mickael Ruau. Typiquement, un profil bac +5 école d’ingénieur va préférer l’un de ses homologues à un bac +2. Et inversement.
Pour les candidats qui jouissent de ce marché, c’est aussi un raccourci fortement apprécié. Selon Marie-Liesse Morgaut, Managing Director chez Nexmove, “c’est une stratégie win-win”. “On est en général plus motivé à postuler parce que l’on a davantage d’informations sur l’entreprise, sa culture, les personnes stratégiques, le process de recrutement… En général, le cooptant joue le rôle de mentor”, explique-t-elle. Pour toutes ces raisons, elle se dit particulièrement favorable à la cooptation, notamment en ce qu’elle facilite la réussite de l’onboarding.
Son seul warning repose dans l’adéquation réelle entre les compétences du coopté et les besoins de l’entreprise. Il s’agit de toujours s’assurer de la pertinence de ce matching.
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Mais alors, quid de l’effet clone ?
Lorsqu’un jeune suit une formation en école de commerce ou d’ingénieur, ce qu’on lui vend, c’est avant tout la force du réseau d’alumni. Mais alors que se propagent à vitesse grand V les formations courtes de type bootcamp qui ne permettent pas de tisser de tels liens, certains candidats sont-ils voués à rester sur le carreau ? “C'est vrai que pour les candidats en reconversion notamment, ce marché peut être très opaque”, admet Mickael Ruau.
Pour Marie-Liesse Morgaut, qui nous explique que son entreprise a mis en place des systèmes de cooptation rémunérés, la cooptation peut au contraire jouer un rôle décisif en termes d’égalité des chances. “Par exemple, une entreprise de la tech peut transformer ses codeuses en ambassadrices et s’appuyer sur elles afin de faire venir plus de profils féminins”, insiste-t-elle.
De plus, des associations comme NQT (Nos quartiers ont des Talents) ont justement vocation à reproduire ces effets de réseau en permettant à un jeune de bénéficier du réseau de son mentor. “Aujourd’hui, on ne parle plus de piston, mais de cooptation, soit une forme d’entraide entre les individus”, renchérit-elle.
De l’art de solliciter son réseau
“En fait, la plus grande inégalité ne se joue pas tellement dans l’accès au réseau – car nous avons tous un cousin, un ami d’ami, un médecin, un professeur dans notre entourage – mais dans l’audace de l’activer, même lorsque l’on a le sentiment de ne pas en maîtriser tous les codes”, insiste Marie-Liesse Morgaut.
Pour Mickael Ruau, savoir solliciter son réseau requiert effectivement de respecter certains codes, à savoir : ne pas prendre trop de temps aux gens et les aider dès que possible, sans rien attendre en retour. “En réalité, beaucoup de personnes haut placées conservent des disponibilités pour aider les autres. Il faut juste les aborder par le bon canal, de manière pertinente. Et surtout, quand on fait des enquêtes métier par exemple, ne jamais oublier de leur demander d’autres contacts à la fin de l’entretien”, explique-t-il.
Pour Marie-Liesse Morgaut, l’art du réseautage est justement l’apanage des dirigeants qui conservent toujours du temps pour un déjeuner ou une entrevue malgré un agenda chargé. “C’est aussi comme cela qu’ils obtiennent des informations précieuses”, soutient-elle.
Des outils qui permettent de compenser
De plus, dans un monde numérisé, l’accès aux personnes d’influence se fait plus facilement que jamais. “C’est ce que j’aime bien avec des plateformes comme Welcome to the Jungle. Il ne s’agit pas de cooptation, mais le témoignage des collaborateurs permet à une personne extérieure d’en savoir beaucoup plus sur la culture”, soutient la Managing Director de Nexmove.
De son côté, Mickael Ruau invite tout un chacun à consulter ces différentes plateformes et outils :
#1 - La bonne boîte : Un site développé par France Travail pour identifier les entreprises à fort potentiel d'embauche près de chez vous, et leur envoyer votre candidature spontanée
#2 - L’APEC possède des outils très pertinents, notamment data cadres, pour des informations sur le marché de l'emploi pour votre profil
#3 - TARSS : Une extension chrome qui permet de retrouver toutes les annonces LinkedIn au même endroit (sachant que ces annonces sont du offmarket puisque seulement visibles par le réseau du recruteur)
#4 - TechIns 8 : Le premier site d’emploi boosté par l’IA pour les développeurs
En conclusion, retenez qu’il s’agit aujourd’hui d’être proactif et non pas réactif sur le marché de l’emploi. Nous avons tous un réseau à activer, même s’il relève du troisième cercle. “L'important demeure de bien définir son projet, la cible d’entreprise et le réseau qui nous permettra d’avoir les bons alliés”, conclut Marie-Liesse Morgaut.