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Manager, comment faire le deuil de la relation “copain-copain” ?

Ne plus pouvoir se lâcher sur le dancefloor, se sentir exclu des small talks, devoir cacher ses propres désaccords avec la Direction… Quand on devient manager, il est bien compliqué de continuer à faire copain-copain avec son équipe. Commence alors une forme de deuil pour s’acheminer vers davantage de maturité professionnelle. Un passage douloureux pour de nombreux jeunes managers !


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J’ai toujours voulu être la manager que je rêvais d’avoir, c’est-à-dire dans un rapport pas trop strict. J’aime être dans l’échange libre avec mes équipes, et leur montrer que je comprends leurs points bloquants, car moi aussi, je suis passée par là”, nous confie Manon, Responsable Social Media, à la tête d’une équipe d’une vingtaine de personnes.

“Lorsque je me posais dans un bar avec eux, j’enlevais ma casquette de manager”

Si la jeune femme rembobine l’histoire, elle se souvient être d’abord restée très proche de ses n-1 quand elle avait peu de personnes sous sa responsabilité. “J’avais pour règle que lorsque je me posais dans un bar avec eux, j’enlevais ma casquette de manager”, poursuit-elle. Tout se passait bien dans le meilleur du monde jusqu’à ce qu’elle prenne la tête d’une plus grande équipe. “Je ne connais pas assez chaque membre de l’équipe pour savoir s’il va être capable de faire la part des choses le lendemain d’une soirée par exemple”, s’interroge-t-elle.

Désormais, Manon a quelque peu le sentiment de marcher sur des œufs, n’osant plus s’insérer dans une discussion à la machine à café. Une forme de solitude difficile à appréhender. “J’essaie d’apprendre à accepter que ce n’est pas moi en tant que personne qu’ils n’apprécient pas, mais que l’autorité que je représente peut créer un fossé. C’est un véritable travail sur la confiance en soi”, ajoute la jeune femme qui n’apprécie guère cette posture en sandwich entre la Direction et son équipe.

“Ah, mais t’es sympa en fait”

Dans un registre totalement opposé, Marine a décidé d’adopter une posture inverse à celle de Manon dès sa prise de poste. Il faut dire que la trentenaire s’est retrouvée catapultée à la tête d’une équipe de 30 personnes sans avoir jamais managé, après la réussite d’un concours de la fonction publique. “Il y a des personnes dans mon équipe qui pourraient être mes potes, mais je me l’interdis, car je ne vois pas comment cela serait compatible avec le maintien d’une forme d’autorité”, nous confie-t-elle.

Une attitude assez distante qui lui a valu un commentaire quelque peu piquant lors d’une soirée hors travail où elle a croisé l’un de ses subalternes qui lui a lancé un “ah, mais t’es sympa en fait !”.

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Alors, copain ou pas copain ?

Alors, qui de Manon ou Marine adopte la bonne attitude face à ses équipes ? La manager qui rêverait secrètement d’être la bonne copine ou celle qui se retranche dans une forme d’austérité émotionnelle ? Pour Julie Garel, psychanalyste et consultante en psychologie du travail, les deux attitudes des manageuses comportent intrinsèquement un problème.

D’un côté, la posture de Manon suggère un manque de confiance en soi, dont la jeune femme ne se cache pas au demeurant durant notre entretien. “Il peut s’agir d’une peur du conflit ou d’être perçue comme la méchante de l’histoire, mais il est difficile d’obtenir les résultats escomptés quand on est en recherche de reconnaissance, approbation et affection”, analyse Julie Garel.

De l’autre côté, la poker face attitude de Marine risque aussi de lui causer des difficultés à long terme : “c’est très épuisant pour la santé mentale de devoir faire semblant, d’utiliser son énergie pour se diviser. Cela peut créer une forme de frustration ”. Des propos qui font d’ailleurs écho à la suite de l’histoire de Marine qui nous confie avoir craqué un jour en réunion à force de fatigue et pression au boulot, et d’une perte dans sa vie perso. “Je n’ai pas réussi à gérer mes émotions”, confie-t-elle.

Authentique mais… contrôlé

Au final, s’il fallait retenir un seul et unique message de notre psychanalyste, ce serait de demeurer authentique. “Que l’on soit dans sa posture de manager ou la personne que l’on est dans la vie privée, il importe avant tout de demeurer soi. Je ne crois pas que se mettre des barrières psychologiques casse l’autorité. On peut simplement se poser des limites sur ce que l’on veut partager ou non”, poursuit-elle. En somme : savoir quel type de manager on souhaite être, et communiquer en toute transparence.

Ne vous méprenez pas non plus : s’autoriser une forme d’authenticité, cela ne signifie pas se mettre raide carpet au prochain afterwork ! Car cela peut mettre mal à l’aise certains collaborateurs, comme en témoigne Sasha, qui se souvient d’un épisode quelque peu ubuesque  : “c’était lors d’un séminaire, mon dirigeant, plus jeune que moi, était totalement pinté. Personnellement, cela ne m’a pas mis à l’aise sur le moment. Bien sûr, cela n’a pas entravé ma collaboration professionnelle, mais cela m’a soufflé quelque chose sur la culture de l’entreprise, et j’ai eu l’impression de ne pas y avoir vraiment ma place”.

Trouver le juste équilibre est donc loin d’être aisé, mais il semble clair que la posture du manager bon pote est difficile à tenir sur la durée. Un manager ne peut pas par essence faire partie de l’équipe, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle on ne promeut généralement pas manager un ancien membre de l’équipe. Il faut alors mener un travail de deuil en 4 étapes comme le suggère Julie Garel.

☠️ Le deuil pour manager en 4 étapes

  1. Reconnaître les limites du manager-copain : pour certains collaborateurs, il n’est pas envisageable de faire tourner les serviettes avec son n+1 !
  2. Accepter le changement : il est difficile d’obtenir les mêmes résultats quand on est manager pote, par rapport à lorsque l’on se positionne avec une forme de maturité professionnelle.
  3. Passer à un management plus structuré : soit la posture du manager coach qui clarifie sa communication et engage son équipe sur des objectifs très clairs.
  4. Monter en compétences managériales : assumer finalement sa posture d’autorité, à l’inverse de celle du manager copain.

Au final, assumer pleinement son rôle de manager, c’est un cadeau qu’on se fait à soi et à ses équipes. Cela évite d’être ce manager flou qui déstabilise les collaborateurs, tout en ne se mentant pas à soi-même sur sa juste place.

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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